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Des conditions de mise en marché plus favorables pour le crabe des neiges et le homard que celles pour la crevette nordique

Les mois d’avril et de mai dans la transformation des crustacés ont tracé des tendances qui pourraient bien caractériser toute la saison. Les propriétaires d’usine traitant le crabe des neiges et le homard affichent de l’optimisme alors que, dans le secteur de la crevette, on exprime de l’inquiétude.

Dans le secteur du crabe des neiges, la saison de transformation était pratiquement complétée durant la première semaine de juin.

«Il reste une bagatelle. Ça traîne un peu pour quelques pêcheurs. C’est pas mal fini. Il reste 4 à 5 % de volume à entrer. Les Premières Nations ont terminé leur saison et les crabiers traditionnels aussi. Il reste des pêcheurs avec des petits quotas», précise Raymond Sheehan, président de l’entreprise E. Gagnon et fils de Sainte-Thérèse-de-Gaspé. Il s’agit de la plus grosse usine de transformation de crabe des neiges au Québec, avec un volume de 6,5 millions de livres en 2016.

La mise à l’eau des casiers dans la zone 12 a eu lieu à l’aurore le 22 avril et les premiers débarquements ont été effectués le lendemain. La baisse de 16 % du contingent global de la zone 12 a réduit la période de travail des employés d’usine dédiés au crabe. Les captures ont été soutenues lors des deux premières semaines de pêche, mais elles ont baissé assez significativement par la suite.

Considérant que l’usine de Sainte-Thérèse-de-Gaspé achète du crabe dans la zone 17 de l’estuaire et d’autres zones, comme à l’île d’Anticosti, où la capture commence à la fin de mars ou au début d’avril, les 380 travailleurs de E. Gagnon et fils ont œuvré près de deux mois dans la transformation du crabe.

«On fait du homard local. On s’est arrangé pour que les gens qui n’avaient plus assez de travail dans le crabe passent au homard, que ce soit du homard live [vivant] ou à transformer», ajoute monsieur Sheehan. Le homard importé du Nouveau-Brunswick fait également partie de l’équation pour garder la main-d’œuvre active, puis il y aura le crabe commun et le homard du Maine plus tard dans l’été.

MARCHÉS VIDES PROFITABLES

Quant aux conditions de marché dans le crabe des neiges, «je les voyais venir», assure Raymond Sheehan.

«Dans les marchés, tout était rare en matière de crabe. On savait qu’il y avait plus de 10 000 tonnes, presque 20 000 tonnes en fait, coupées dans les quotas [mondiaux]. Le quota d’Alaska a été réduit de 40%. Le marché était vide de produits à la fin de l’hiver. Je le voyais», dit-il.

C’était suffisant pour justifier une hausse de prix de près de 32%, si on   compare le prix moyen de 2,85 $ après l’ajustement de fin de saison en 2015 à celui du début de saison 2016, qui est de 3,75 $ la livre.

Les marchés attendaient donc le crabe des neiges avec hâte en mars. Les Américains ont mené le bal, comme c’est maintenant devenu une habitude depuis que l’économie du Japon éprouve des problèmes.

«Les États-Unis représentent notre marché traditionnel. On vend 80% de nos produits aux États-Unis maintenant. Les autres 20% sont répartis entre l’Europe, le Japon et la Chine. Les ventes au Japon sont meilleures. Ils achètent beaucoup de Terre-Neuve, environ 14 000 tonnes sur une production de 50 000 tonnes. Ils n’achètent pas comme avant, ici, mais ils ont encore un mot à dire sur le prix. La Chine aussi influence le prix. Ils [les acheteurs chinois] mettent la barre haute», analyse monsieur Sheehan.

Le taux de change a joué en faveur des exportateurs canadiens parce qu’il était légèrement plus avantageux qu’en 2015, mais ce ne fut pas le facteur déterminant cette année.

«La grande raison derrière la hausse des prix, c’est qu’il n’y avait pas d’inventaires sur les marchés […]. C’est pour ça que c’est une bonne saison. Ç’a bien été pour les pêcheurs, et les usines ont tiré leur épingle du jeu», conclut Raymond Sheehan.

L’économiste Martial Ménard, du ministère fédéral des Pêches et des Océans, observe une hausse de 10% du prix de gros pour la section cuite de cinq à huit onces. Il est passé de 5,49 $ US à 6,06 $ US la livre depuis le début de l’année.

«Notons que lorsque la saison de pêche a débuté en avril, le prix sur le marché américain était de 5,95 $ US la livre comparativement à 5,18 $ US la livre l’année dernière à pareille date, soit une hausse de 15%. La baisse de l’offre américaine de crabe des neiges, elle-même la conséquence de la baisse de 40% des quotas de crabe des neiges en Alaska, la faiblesse du dollar canadien par rapport au dollar américain et la bonne croissance économique aux États-Unis sont autant de raisons qui peuvent expliquer la hausse des prix de gros du crabe du golfe sur le marché américain, et par-delà la hausse constatée des prix au débarquement sur le marché canadien», analyse monsieur Ménard.

VIVANT OU CUIT, LE HOMARD TROUVE PRENEUR

Dans la transformation du homard, l’usine de Lelièvre, Lelièvre et Lemoignan de Sainte-Thérèse-de-Gaspé a entamé sa saison le 1er mai, en vertu d’achats de crustacés venant de la Péninsule acadienne, au Nouveau-Brunswick.

«J’achète de pêcheurs de Caraquet et de Miscou. La saison a commencé de façon légèrement plus faible que l’an passé, mais ça commence à se replacer. J’achète les prises de 28 pêcheurs. C’est quelques-uns de plus que l’an passé. Ça devrait totaliser un million de livres, peut-être un peu plus. Ils capturent entre  35 000 et 40 000 livres par bateau», signale Roch Lelièvre, propriétaire de Lelièvre, Lelièvre et Lemoignan.

Le prix versé aux pêcheurs du Nouveau-Brunswick s’est établi entre 4,50 $ et 5 $ la livre durant la première semaine de capture, au début de mai. «Il est monté graduellement à une moyenne de 6,25 $. On paie 6 $ la livre pour le petit, et 6,50 $ pour le market [le gros homard]. Ça fait penser à notre ancienne mesure», ajoute monsieur Lelièvre, pour rappeler que la taille moyenne du homard au   Nouveau-Brunswick est encore significativement plus petite que celle en Gaspésie.

Les 175 employés de son usine préparent trois produits principaux avec le homard du Nouveau-Brunswick : de la chair, des queues et un produit «rond», c’est-à-dire congelé entier.

«La chair et les queues vont surtout aux États-Unis, alors que le homard rond est envoyé en Asie et en Europe. Le marché est bon, mais il n’a pas augmenté par rapport à l’an passé. Comme on paie un peu plus cher, la marge bénéficiaire est plus serrée», note Roch Lelièvre.

Les queues de homard trouvent preneurs dans le marché des navires de croisières. Les marchés sont divers pour les autres produits ; on y compte notamment les «HRI», soit les hôtels, les restaurants et les institutions, ajoute-t-il.

En ce qui a trait au homard gaspésien, il est essentiellement vendu sur le marché des produits vivants.

«La pêche est bonne. D’après moi, c’est aussi bon, peut-être un peu meilleur que l’an passé. Le prix est très bon. Il a été de 6,50 $ la livre pendant les deux premières semaines, de 6 $ les deux suivantes, et il est revenu à 6,50 $ pour les cinquième et sixième semaines», note monsieur Lelièvre.

Son entreprise achète les prises de 14 homardiers gaspésiens, un de plus qu’en 2015. Un volume d’un peu plus de 300 000 livres devrait en ressortir une fois la saison terminée.

«On fait notre propre mise en marché pour le homard gaspésien. On fait affaire avec deux gros distributeurs de Montréal, qui revendent les homards dans les supermarchés et les poissonneries», conclut-il.

L’économiste Ali Magassouba, de Pêches et Océans Canada, précise que le site Urner Barry indique que, sur le marché de référence de Boston, le prix du homard vivant de 1¼ livre est en baisse de 12,1% par rapport à 2015, à savoir 6,14 $ US la livre en mai 2016 par rapport à 6,99 $ US en mai 2015.

«En tenant compte du taux de change, la baisse est beaucoup plus modeste : -6,7%. Au Québec, en comparant les quatre premières semaines de pêche de 2016 avec les quatre premières semaines de pêche de 2015, on observe une augmentation des prix […]. En Gaspésie, le prix est passé de 5,42 $ en 2015 à 6,38 $ la livre en 2016, une hausse de 18%», souligne monsieur Magassouba.

«Pour l’instant, je n’ai pas d’explication pour la baisse de 12% du prix du homard sur le marché américain. Mais il faut savoir que le homard est fréquemment sujet à des hausses ou des baisses de prix, souvent prononcées, sans raison apparente. Lorsque la saison sera terminée et que nous aurons accès à toutes les statistiques de débarquements, je pourrai me prononcer avec plus de certitude. Mais, selon Urner Barry, tout indique que les prix pourraient remonter au cours des prochaines semaines», ajoute-t-il.

UN SCÉNARIO DIFFÉRENT ET DÉFIANT POUR LA CREVETTE NORDIQUE

Pour la crevette, Martin Lapierre, directeur des ventes à l’usine La Crevette du Nord Atlantique de L’Anse-au-Griffon, se montre très prudent. Il assure même, avec seulement le tiers de la saison amorcée, que, comparativement à 2015, «c’est parti pour être une mauvaise année» en 2016.

Il explique la situation par le fait que le marché européen est saturé de crevette vendue en fin d’année et en début de 2016 par les usines de Terre-Neuve.

«Les premiers produits n’iront pas en Europe […]. Le marché n’est pas bon en volume, ni aux États-Unis ni en Europe. Il y a eu une baisse des prix, et elle est beaucoup plus importante en Europe», note monsieur Lapierre.

Les transformateurs de crevette ont un œil fixé sur le prix que choisiront les transformateurs de crevette de Terre-Neuve.

«Tout le monde regarde ce qui se passe à Terre-Neuve. C’est une certitude que le prix sera plus bas que l’an passé. Il n’est pas sorti encore, il sortira au début de juillet, mais il y a une indication pour une baisse majeure. L’indication se situe à 6,50 $ US la livre [prix de gros offert aux usines]», ajoute monsieur Lapierre.

Depuis le début de la saison, «on a réussi à avoir une légère hausse de prix pour la crevette fraiche, mais pas pour la crevette congelée. La crevette fraiche ne représente que 10% des ventes», dit-il.

Il minimise les avantages du taux de change pour le moment, d’autant plus que la montée du dollar canadien depuis février a ramené cette devise très près des valeurs à la même période en 2015.

«Notre dollar était à 1,46 $ [canadien pour un dollar américain] en février, puis il s’est situé à 1,30 $, pour atteindre 1,24 $ [proche de sa valeur au printemps 2015], et il est remonté à 1,30 $ ou 1,31 $. Ça change rapidement», note Martin Lapierre.

En ce qui a trait à l’euro, les transactions entre les usines canadiennes et les acheteurs européens étaient plus avantageuses en 2015. Il fallait deux dollars canadiens pour un euro entre juillet et septembre, par exemple. Cette année, le taux de change se situe entre 1,82 $ CA et 1,90 $ CA par euro, ce qui est moins avantageux à l’exportation.

Pour la livre sterling, «ça s’améliore légèrement récemment, note Martin Lapierre. On avait 1,90 [dollar canadien par livre] le 8 mars, puis c’est allé à 1,82 $ en avril, pour atteindre 1,86 $ en juin».

LE RETOUR DE LA CREVETTE D’ÉLEVAGE

«Depuis 2014, il y a eu une hausse vertigineuse du prix de la crevette nordique. Les acheteurs se tournent donc vers la crevette de l’ouest, de l’Oregon. Il y a beaucoup d’inventaire de cette crevette. De plus, la crevette d’élevage en eau chaude est de retour massivement. Les prix internationaux n’ont pas changé. L’an passé, quand les prix de notre crevette ont augmenté, la crevette d’eau chaude devenait abordable», assure-t-il.

Lors des négociations entre les usines du Grand Gaspé et les crevettiers, l’entente annuelle qui trace les paramètres de toute l’industrie, les transformateurs ont accepté de payer un prix record en 2016, à savoir 1,50 $ la livre pour la grosse crevette,   1,20 $ pour la moyenne et 1,00 $ pour la petite.

N’était-ce pas un risque, si on tient compte des conditions de marché et de la longueur de la saison?

«On a accepté de verser ce prix sur la base de menaces. On a perdu cinq voyages de pêcheurs qui ont livré à Terre-Neuve. Cinq voyages à 80 000 livres, ça fait 400 000 livres en moins. C’est l’équivalent d’une semaine de transformation en usine pour un quart de travail. Le MAPAQ [ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec] ne fait rien», souligne monsieur Lapierre.

La crevette étant une espèce «désignée», les détenteurs de permis de capture liés au MAPAQ par un prêt de financement de bateau doivent obligatoirement débarquer leurs prises au Québec. Martin Lapierre assure que c’était le cas des cinq propriétaires de bateaux ayant livré à Terre-Neuve.

La Crevette du Nord Atlantique mise sur la répartition de ses ventes pour tenter de bien faire malgré les contraintes de la présente année. «On vend 50% de nos produits sur le marché canadien, 25% sur le marché européen et 25% sur le marché américain», conclut monsieur Lapierre, qui ne fait pas de prédiction sur la rentabilité de l’usine en 2016.

L’économiste Martial Ménard croit qu’il y a de la place pour l’optimisme dans le secteur de la crevette.

«Le prix américain de la crevette du golfe sur le marché de gros américain, pour une taille de 125 à 175 spécimens à la livre, a été légèrement à la baisse au cours des premiers mois de 2016, passant de 6,72 $ US en janvier à 6,60 $ US en avril, soit une baisse de 1,8%. En dollars canadiens, cette baisse a été de 11% en raison de la baisse du prix de gros combinée à l’appréciation du dollar canadien par rapport à la devise américaine depuis le début de l’année. Ceci dit, le dollar canadien demeure encore faible par rapport au dollar américain. Fait à remarquer, en juin, ce prix de gros de la crevette du golfe sur le marché américain est en hausse : 6,69 $ US la livre ou 8,66 $ CA la livre. Sur le marché québécois, les prix négociés dans le cadre du plan conjoint du Grand Gaspé et les prix négociés à Matane font état d’une hausse des prix pour les trois tailles de crevette, et ce, pour une troisième année consécutive. C’est là une très bonne nouvelle pour les crevettiers québécois et canadiens. Pourquoi? Pour l’essentiel, l’offre mondiale à la baisse de la crevette nordique ainsi que la faiblesse du dollar canadien semblent continuer à exercer des pressions à la hausse sur les prix au débarquement de la crevette nordique sur le marché québécois, et aussi canadien», analyse-t-il.

Réf.: TRANSFORMATION – pages 8 et 9 – Volume 29,3 – Juin – Juillet 2016

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Gilles Gagné
Gilles Gagné, né à Matane, le 26 mars 1960. J'ai fait mes études universitaires à Ottawa où j'ai obtenu un baccalauréat avec spécialisation en économie et concentration en politique. À l'occasion d'une offre d'emploi d'été en 1983, j'ai travaillé pour Pêches et Océans Canada comme observateur sur deux bateaux basés à Newport, deux morutiers de 65 pieds. Le programme visait l'amélioration des conditions d'entreposage des produits marins dans les cales des bateaux et de leur traitement à l'usine. Cet emploi m'a ouvert des horizons qui me servent encore tous les jours aujourd'hui. En 1989, après avoir travaillé en tourisme et dans l'édition maritime à Québec, je suis revenu vivre en région côtière et rurale, d'abord comme journaliste à l'Acadie nouvelle à Campbellton. C'est à cet endroit que j'ai rédigé mes premiers textes pour Pêche Impact, à l'été 1992. Je connaissais déjà ce journal que je lisais depuis sa fondation. En octobre 1993, j'ai déménagé à Carleton, pour travailler à temps presque complet comme pigiste pour le Soleil. J'ai, du même coup, intensifié mes participations à Pêche Impact. Je travaille également en anglais, depuis près de 15 ans, pour l'hebdomadaire anglophone The Gaspé SPEC et je rédige l'éditorial du journal Graffici depuis 2007.
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