samedi, avril 27, 2024
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La transformation de crevette prend fin après 58 ans à Matane

Une tradition remontant à 1966, la transformation de crevette à Matane, prend fin avec l’annonce le 18 mars de la fermeture définitive de l’usine des Fruits de Mer de l’Est-du-Québec par la firme danoise Royal Greenland.

La compagnie, qui avait acheté l’usine en 2011 de deux autres firmes danoises, justifie sa décision par la chute des stocks de crevette, le retard dans l’arrivée des employés temporaires mexicains et les défis financiers croissants réduisant les marges bénéficiaires des produits transformés.

La fermeture de l’usine touche une cinquantaine de travailleurs vivant dans le secteur de Matane et jusqu’à 150 travailleurs mexicains temporaires, qui étaient devenus l’épine dorsale de la main-d’oeuvre de Royal Greenland. Or, l’imposition récente décrétée par le gouvernement fédéral d’obtenir un visa pour les Mexicains travaillant au Canada a coupé les ailes de la firme, précise le président du conseil d’administration des Fruits de Mer de l’Est-du-Québec, l’avocat Jean-Pierre Chamberland.

«Depuis 2018, l’entreprise avait investi 10 millions$ à Matane, dans une ligne de production de crabe des neiges en 2018, dans une ligne de homard en 2022, et en 2023 et 2024 dans un motel capable de loger 150 travailleurs étrangers temporaires. Plusieurs facteurs expliquent la fermeture, mais l’impossibilité d’accueillir les travailleurs mexicains a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Le travail devait commencer dans quelques jours», explique M. Chamberland.

L’usine et le motel seront mis en vente sous peu. D’ici à ce moment, «le personnel s’occupera de fermer l’usine de façon sécuritaire», précise-t-il.

Depuis le 29 février, le gouvernement canadien impose un visa aux travailleurs mexicains temporaires. Le maire de Matane, Eddy Métivier, déplore cette décision du ministère fédéral de l’Immigration et l’absence d’ouverture pour une dérogation, le temps de permettre au secteur des pêches de s’adapter à la nouvelle réalité.

«Les travailleurs mexicains avaient les pieds pratiquement embarqués dans l’avion quand la décision d’imposer le visa obligatoire a été décrétée. Il faut compter un délai de huit semaines avant leur arrivée. La transformation du crabe des neiges dans le fleuve Saint-Laurent commence le 24 mars. On a vraiment l’impression que le gouvernement fédéral a oublié la transformation de produits marins en imposant les visas», analyse M. Métivier.

La surprise a été totale lorsque Me Chamberland l’a informé de la mauvaise nouvelle dans la soirée du 17 mars.

«Je suis décontenancé; en fait, nous sommes décontenancés par cette nouvelle, tout le monde. Nos pensées vont aux employés, aux pêcheurs, à leurs familles, et aussi aux entrepreneurs qui faisaient affaires avec cette usine», souligne M. Métivier.

Le contingent de crevette dans les quatre zones du golfe Saint-Laurent a été coupé de 14 524 à 3060 tonnes métriques entre 2023 et 2024. La capture devrait commencer en avril. La part des crevettiers québécois n’atteint que 1080 tonnes en 2024. Le partage ne se fera plus entre trois usines mais seulement deux, les usines Grand Gaspé, en l’occurrence Pêcheries Marinard de Rivière-au-Renard, maintenant la propriété des frères Bill et George Sheehan, de même que Crevette du Nord atlantique, de l’Anse-au-Griffon.

«Rien n’annonçait la fermeture; l’entreprise avait investi des millions de dollars au cours des dernières années pour transformer du crabe et du homard. Ils (les propriétaires) voulaient que l’usine redevienne rentable malgré la chute des stocks de crevette. Ils avaient investi près de 4 millions$ dans un motel de 71 chambres pour accueillir les travailleurs étrangers temporaires», rappelle M. Métivier.

Pascal Bérubé, député de Matapédia-Matane à l’Assemblée nationale, a aussi été informé le 17 mars par le porte-parole de Royal Greenland.

«C’est une surprise, notamment parce qu’on a réussi à aller chercher l’automne dernier un permis de transformation de homard québécois. Le ministre (de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, André Lamontagne) avait dit oui. Il faut noter que les trois éléments ayant mené à la fermeture relèvent à peu près tous du (gouvernement) fédéral, la baisse des stocks de crevette et la question des visas qui bloquent l’entrée des travailleurs mexicains temporaires», insiste le député Bérubé.

L’IDENTITÉ MATANAISE DEPUIS DES DÉCENNIES

«C’est une page d’histoire qui se tourne pour Matane; c’est un produit qui a fait notre renommée.», souligne également le maire Métivier, en se référant au fait que la réputation de Matane a gagné du galon à partir de la fin des années 1960, et encore davantage pendant les années 1970 et 1980, quand les volumes grandissants de crevettes transformées à Matane ont fait les manchettes dans les grands marchés comme Montréal et Québec, et même plus loin.

«C’est la fin d’une grande tradition. Il y a une forte association entre la ville de Matane et la transformation de crevette. C’est un deuil», note Pascal Bérubé.

Le stock de crevette était et demeure géographiquement situé au large de Sept-Îles et de l’île d’Anticosti, mais la transformation du petit crustacé s’est d’abord concentrée à Matane.

Dans l’imaginaire collectif, ce premier lieu stable de transformation a pris le dessus sur le lieu de capture. Les premières crevettes transformées à grande échelle devenaient conséquemment des «crevettes de Matane», une appellation reconnue, indifféremment de l’origine de la pêche.

Pendant les premières décennies, cette perception a attisé les taquineries et les remarques, parfois un peu acerbes, des Nord-Côtiers à l’endroit des Matanais. Ces remarques se sont toutefois atténuées avec le temps.

LES EMPLOIS

Eddy Métivier croit que le potentiel économique de Matane est et sera suffisamment diversifié pour que les 50 travailleurs des Fruits de Mer de l’Est-du-Québec retrouvent un boulot assez rapidement.

«Mais pour le moment, c’est vivre le drame qui nous occupe et qui occupe les travailleurs. Ils sont sous le choc. Plusieurs d’entre eux approchaient la retraite. On peut les supporter. Mais c’est sûr qu’au niveau des entreprises, qui recherchent des travailleurs formés dans l’alimentation, qui répondent aux normes fédérales et provinciales les plus sévères, il y a là un bassin de main-d’œuvre», assure le maire Métivier.

«C’est aussi un drame pour les familles mexicaines. Ces travailleurs aidaient au dynamisme de notre ville», ajoute-t-il.

Quant à lui, Pascal Bérubé croit que les bâtiments de l’usine et du motel, dans ce dernier cas un complexe capable d’héberger 150 travailleurs, trouveront preneurs assez rapidement. Respectant la dure période pour les travailleurs, il exprime sa confiance d’assister à leur reclassement rapidement.

«Je suis convaincus qu’ils vont tous pouvoir se trouver du travail, étant donné le marché de l’emploi à Matane. L’entreprise allemande Duravit (spécialisée dans les équipements de salles de bain) créera 240 emplois sous peu ici. Les Cuisines gaspésiennes sont en recrutement constant de travailleurs. C’est dans la viande, mais une expérience en transformation alimentaire est certainement utile», explique le député péquiste.

RÉACTIONS

Le ministre André Lamontagne, du MAPAQ, se dit «très préoccupé par la fermeture de Fruits de Mer de l’Est du Québec» à quelques jours du début de la saison de pêche.

«Cette fermeture démontre que nos entreprises de transformation, au même titre que nos pêcheurs, sont très sensibles aux dernières décisions prises par le gouvernement fédéral en lien avec le plan de transition du MPO (ministère des Pêches et des Océans) et les travailleurs étrangers temporaires», écrit-il.

Également par écrit, Diane Lebouthillier, ministre des Pêches et des Océans, assure qu’elle gardera le canal de communications avec l’industrie. Elle résume l’enjeu «à la crise climatique, (qui) est réelle et ses effets se font déjà ressentir dans nos écosystèmes marins. La crevette en est victime, mais d’autres espèces sont appelées à vivre des perturbations similaires au cours des prochaines années. C’est pourquoi une réflexion plus large sur l’avenir des pêches s’impose».

La députée fédérale d’Avignon-La Mitis-Matane-Matapédia, la bloquiste Kristina Michaud, exhorte de son côté Diane Lebouthillier à s’activer. «L’industrie des pêches de l’Est-du-Québec était déjà sérieusement mise à mal et la ministre Lebouthillier et son gouvernement ont échoué à assurer l’arrivée des travailleurs étrangers temporaires dont l’industrie avait besoin. Ils doivent maintenant mettre une cellule de crise en place pour éviter toute autre fermeture», insiste Mme Michaud.

UNE HISTOIRE FOISONNANTE

Passionné par les pêches, Gaétan Myre, auteur d’un texte publié en 2021 dans Au pays de Matane évoquant l’histoire de la pêche et de la transformation de crevette, raconte que les premiers volumes de crevettes sont transformés en 1966 par la compagnie Canadian Gulf Shrimp, une firme de l’Île-du-Prince-Édouard.

Cette tentative de transformation suivait un premier essai de capture expérimentale mené en 1965 dans le golfe par un pêcheur de Rimouski, Clément Soucy. Cette année-là, la transformation du modeste volume capturé par M. Soucy a été réalisée dans le secteur Sandy Beach de Gaspé.

«Il faut souligner que la pêche de Clément Soucy était suivi par des scientifiques», précise Gaétan Myre.

La première petite usine de Matane est aménagée en 1966 dans un bâtiment situé à un bon kilomètre de la mer.

En 1967, des investisseurs norvégiens prennent la relève en fondant la Can-Nor Sea Foods, le nom étant une contraction de Canada et Norvège. Cinquante personnes, des femmes surtout, y travaillent en triant manuellement le crustacé. Une entreprise britannique, Young Sea Foods, prend la relève à la fin de 1969 et installe l’usine sur la rue Saint-Pierre, au centre-ville de Matane, en raison de la présence d’un entrepôt frigorifique.

En 1978 les prises croissantes, les odeurs persistantes liées à la transformation à proximité de maisons et le développement des marchés convainc la direction de Young Sea Foods à déménager au port de Matane dans une vaste usine neuve, appelée les Fruits de Mer de l’Est-du-Québec.

Cette usine reviendra ensuite dans le giron d’une entreprise canadienne, Clearwater Sea Foods, de Nouvelle-Écosse. Des crevettiers de Matane la contrôleront ensuite pendant plusieurs années, avant de la vendre à deux entreprises danoises, Pier-Nielsen et Seafood Invest. Royal Greenland achètera l’usine en 2011. Jusqu’à 200 personnes y ont travaillé à diverses périodes.

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Gilles Gagné
Gilles Gagné, né à Matane, le 26 mars 1960. J'ai fait mes études universitaires à Ottawa où j'ai obtenu un baccalauréat avec spécialisation en économie et concentration en politique. À l'occasion d'une offre d'emploi d'été en 1983, j'ai travaillé pour Pêches et Océans Canada comme observateur sur deux bateaux basés à Newport, deux morutiers de 65 pieds. Le programme visait l'amélioration des conditions d'entreposage des produits marins dans les cales des bateaux et de leur traitement à l'usine. Cet emploi m'a ouvert des horizons qui me servent encore tous les jours aujourd'hui. En 1989, après avoir travaillé en tourisme et dans l'édition maritime à Québec, je suis revenu vivre en région côtière et rurale, d'abord comme journaliste à l'Acadie nouvelle à Campbellton. C'est à cet endroit que j'ai rédigé mes premiers textes pour Pêche Impact, à l'été 1992. Je connaissais déjà ce journal que je lisais depuis sa fondation. En octobre 1993, j'ai déménagé à Carleton, pour travailler à temps presque complet comme pigiste pour le Soleil. J'ai, du même coup, intensifié mes participations à Pêche Impact. Je travaille également en anglais, depuis près de 15 ans, pour l'hebdomadaire anglophone The Gaspé SPEC et je rédige l'éditorial du journal Graffici depuis 2007.
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