Des Inuits provenant de quatre localités du Nunavik ont amorcé une formation à l’École des pêches et de l’aquaculture du Québec (ÉPAQ) de Grande-Rivière, cet automne. Bien que l’établissement travaille avec les communautés innues, micmacques et malécites sur une base régulière depuis plus d’une vingtaine d’années, il fallait remonter aussi loin que lors des années 1990 pour voir une première cohorte d’étudiants inuits du Grand Nord du Québec fréquentée l’ÉPAQ.
En septembre dernier, six hommes et une femme qui, à 19 ans, est la plus jeune du groupe, se sont inscrits au sein du programme et ont pu parfaire leurs compétences dans la navigation et la pêche pendant trois semaines à Grande-Rivière. Les candidats étaient âgés de 19 à 65 ans.
«C’est vraiment intéressant, estime Marylène Nicolas, conseillère pédagogique à l’ÉPAQ. On a des relations intergénérationnelles qui sont vraiment particulières au sein du groupe et qui enrichissent les conversations. Dans certains cas, on parle de gens qui ont d’un à deux ans d’expérience sur la mer et de gens qui sont totalement inexpérimentés dans le domaine des pêches. La personne expérimentée va aider celle moins expérimentée. Puis, celle moins expérimentée va également venir en aide à celle qui est plus expérimentée.»
Ce qui a le plus marqué Mme Nicolas, ce sont l’entraide et la solidarité des individus au sein de groupe. «Il ne faut pas oublier que ces individus ne proviennent pas de la même communauté au Nunavik. Ils peuvent venir de communautés proches ou de communautés éloignées. C’est vraiment un très beau groupe.»
UNE EXPÉRIENCE EXCEPTIONNELLE
Marylène Nicolas est vraiment satisfaite du déroulement de la formation de trois semaines qui a été offerte à l’automne. «Les gens ont été très collaboratifs. Ils ont démontré de l’intérêt à l’égard du travail de pêcheur et de capitaine et de ce qu’on leur a enseigné. En général, la participation a été très active par tous les candidats.»
La conseillère pédagogique qualifie cette première expérience d’exceptionnelle. «On a eu de très beaux partages culturels sur les coutumes de part et d’autre. On est même allé jusqu’à des partages culinaires dans certains cas. Ça a été vraiment fort enrichissant pour tous. Nous, comme employés à l’ÉPAQ, on a vraiment beaucoup aimé les accueillir et on a déjà très hâte à leur retour parmi nous.»
C’est le gestionnaire des pêches et du développement économique de la Société Makivik, Tony Wright, qui a eu l’idée de ce projet de formation avec l’École des pêches. «On avait déjà travaillé avec M. Wright par le passé et avec des communautés innues, spécifie Mme Nicolas. On était à peu près dans le même mode de formation de base dans le domaine des pêches et de la navigation, dans le but éventuellement de former des capitaines de bâtiments de pêche. C’est presque calqué sur le modèle des communautés innues de la Côte-Nord, qui leur a permis de pouvoir avoir des capitaines brevetés par Transports Canada et pour être aussi davantage autonomes dans la gestion et la pratique des pêches au sein de leur communauté respective.»
FORMATION ADAPTÉE
Cette formation découle d’une entente de trois ans entre les deux parties. L’objectif principal de la formation est d’outiller les candidats aux bases de la pratique de la pêche commerciale. «Ça inclut autant la conduite d’un navire que la fabrication et la réparation de filets d’engins de pêche, décrit Mme Nicolas. On leur donne des bases en mécanique de bateau et, bien sûr, sur les normes de sécurité à mettre en place et à respecter lorsqu’on est sur un navire de pêche.»
Il s’agit d’une formation sur mesure pour apprendre les bases du travail d’un pêcheur ou d’un aide-pêcheur. «On leur donne tout de même des formations qui sont officiellement reconnues par les auto-rités, notamment par Transports Canada, souligne la conseillère pédagogique. À cela s’ajoute la possibilité d’expérimenter et de mettre en pratique, sur le bateau-école de l’ÉPAQ, tout ce qui aura été reçu en classe sur le plan théorique pour leur permettre de l’expérimenter, y compris des sorties en mer, la conduite du navire, la levée de cages. On veut vraiment amener les gens à vivre ce que c’est que de manœuvrer un navire de pêche et les placer dans le quotidien d’un aide-pêcheur ou d’un capitaine avec, évidemment, toutes les responsabilités que ça apporte et toutes les mesures de sécurité qu’on se doit de mettre en pratique. C’est une priorité, quand on est à bord du navire.»
Selon Mme Nicolas, environ 75 % de la formation est adaptée aux besoins de la clientèle, alors que 25 % de la formation est officiellement accréditée et reconnue par les autorités fédérales.
Des blocs de formation portent sur l’utilisation d’équipements fixes. «On parle, entre autres, de mécanique et de simulateur de navigation, explique Marylène Nicolas. On a aussi des installations obli-gatoires auxquelles on se doit d’avoir accès, notamment pour la délivrance des cours, comme l’utilisation d’une piscine ou du bateau-école.»
FORMATION AU NUNAVIK
Des blocs de formation sont offerts à Grande-Rivière à l’automne et, à compter du 23 janvier, un autre bloc de cours se transportera à Inukjuak, au Nunavik. «Ce sont nos partenaires, les sociétés Makivik et Kativik, qui décident des communautés dans lesquelles nous serons appelés à aller délivrer la formation», précise la porte-parole de l’ÉPAQ. Il s’agira de cours à caractère plus pratique, portant notamment sur la fabrication de nœuds, la construction et la réparation de filets et d’engins de pêche. «Ce ne sont pas des formations qui ont des exigences particulières», précise la conseillère pédagogique de l’établissement.
Par ailleurs, l’ÉPAQ a accepté, pour les prochains blocs de formation, de recevoir d’autres candidats. Donc, le groupe actuellement composé de six hommes et d’une femme pourrait changer après les Fêtes.
FORMATION – page 32 – Volume 35,5 – Décembre 2022 – Janvier 2023