Après deux saisons, le navire de pêche côtière à propulsion hybride de la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk de Cacouna présente plusieurs avantages. Mais le CIKTEK vient aussi avec son lot d’inconvénients.
L’un des principaux avantages est son seuil électrique, qui permet aux travailleurs d’évoluer dans un milieu de travail qui protège leur santé auditive en offrant un environnement beaucoup plus paisible. Pas surprenant que le bateau se nomme CIKTEK, qui signifie «celui qui est silencieux» en wolastoqey. «Quand j’appelais mes employés sur le bateau, j’entendais la radio et les oiseaux, s’étonne le directeur des pêches commerciales de la Première Nation, Guy-Pascal Weiner. Ça paraît sur le stress et la bonne humeur. C’est une efficacité qui se chiffre en qualité de travail pour nos employés.»
En conformité avec les valeurs de la Première Nation
Le CIKTEK est en conformité avec les valeurs de la Première Nation, de l’avis de M. Weiner. «Le problème dans les pêches commerciales est le carbone. Les pêches semi-hauturières brûlent beaucoup de diesel. C’est une industrie polluante. Donc le bateau biénergie est né d’un désir d’être un leader ou un modèle dans le domaine.»
C’est ainsi que la Première Nation avait entrepris des discussions avec le chantier Conception navale FMP de Newport, qui avait déjà développé un prototype. «On a acheté le deuxième de la série en mai 2023», indique le directeur des pêches commerciales. Ensuite dans leur quête d’autonomie complète, les Wolastoqey ont, à l’automne 2023, acquis un conteneur solaire et éolien de 20 pieds (6,1 mètres). «On peut se déplacer n’importe où sur la terre! Il faut seulement que le conteneur suive.» Au cours de la dernière saison, la Première Nation s’est installée à Cap-Chat pour sa pêche au homard. Celle-ci s’est très bien déroulée.
«Un bijou»
Une particularité du navire est son design léger en aluminium recyclé et recyclable. «C’est un bijou, qualifie M. Weiner. Il est très beau!» Avec ses deux moteurs de 300 forces, sa vitesse de coque est exceptionnelle. «Ce sont des monstres! Quand on met les deux moteurs en moyenne ou en haute révolution, on atteint quasiment 30 nœuds. C’est un bolide de course! Mais, quand on est en propulsion électrique, on atteint tout au plus 8 nœuds.»
Le CIKTEK fascine. Lors de sa première saison, des boîtes de tournage sont débarquées à bord pour profiter de sa stabilité. «On a payé pour installer un gyroscope pour ne pas manquer de sorties de scien-ces et de cinéma», précise Guy-Pascal Weiner.
Absence de bilan
Si les particularités environnementales du bateau ne font aucun doute, M. Weiner n’est cependant pas en mesure de chiffrer précisément sa production d’énergie verte et son économie de carburant par jour. «Il y a certaines journées de mi-vent et de mi-soleil où il n’a pas été possible de produire d’électricité. Donc, je n’ai pas de bilan. C’est là que je me suis rendu compte des lacunes.»
La faillite du concepteur du navire, Audace Technologies de Rimouski, n’aide en rien. «Je n’ai aucune idée du flux d’énergie, se désole le directeur des pêches commerciales de la Première Nation de Cacouna. Je ne sais pas ce dont le bateau a besoin. Il n’a pas la même consommation de jour en jour et de semaine en semaine.»
Comme il s’agit seulement du deuxième navire biénergie à être construit par le chantier de Newport, «il y avait peut-être des choses à parfaire», de l’avis de Guy-Pascal Weiner.
Puissance électrique insuffisante
Idéalement, le conteneur solaire et éolien aurait dû être orienté en direction sud. «Mais, 20 pieds orientés vers le sud à Cap-Chat, on bloque le quai, explique le directeur des pêches. Donc, on l’a orienté vers l’ouest, ce qui fait que notre production éolienne est irrégulière. L’orientation n’est pas non plus optimale par rapport au soleil. Ça aussi, on l’a appris sur le tas.»
L’équipement a pu produire de l’énergie solaire et éolienne, mais en quantité insuffisante. «Chaque jour, on arrivait à quai avec les batteries complètement à plat», raconte-t-il. Selon lui, cela s’explique notamment par une plus grande puissance des courants et des marées à Cap-Chat que dans la baie des Chaleurs, pour laquelle le premier prototype a été conçu.
«On faisait les trois quarts de la journée. De plus, quand le treuil électrique était complètement déchargé, on ne pouvait pas remonter les casiers. Le système a peut-être été mal calculé et la rigueur du climat du côté nord de la Gaspésie a été sous-estimée. Donc il a fallu augmenter la capacité des batteries.» Heureusement que l’équipage pouvait compter sur le moteur à essence.
Pourparlers avec l’Institut maritime du Québec
Comme l’Institut maritime du Québec s’intéresse à l’électrification des transports, une attention particulière est portée au CIKTEK. Or son propriétaire est en pourparlers avec l’établissement de Rimouski afin d’optimiser son système.
«Les 12 batteries sont filées en série, mentionne notamment Guy-Pascal Weiner. C’est comme une ribambelle de lumières de Noël; aussitôt qu’il manque une ampoule, toutes les autres n’allument plus. On a appris qu’il y avait une certaine fragilité dans les connexions.»
INNOVATIONS – page 30 – Volume 37,5 Décembre 2024 – Janvier 2025