mercredi, avril 24, 2024
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Reprise de la pêche au sébaste : chacun veut sa part et la ministre Jordan demeure prudente

Plus de 40 % de la cohorte 2011 des sébastes mentella – la plus abondante observée de tous les temps – dépassera les 27 cm cette année. Selon le directeur général de Fruits de Mer Madeleine, Pierre Deraspe, c’est la taille minimalement recherchée par les marchés. Son volume correspond à près de 1,8 million de tonnes métriques (TM), sur la biomasse totale du stock de l’Unité 1 du golfe du Saint-Laurent que l’Institut Maurice-Lamontagne (IML) évaluait à 4 365 000 tonnes métriques en 2019.

Malgré tout, M. Deraspe croit qu’il serait prématuré d’investir dès cette année les 2 à 4 millions $ nécessaires à la mécanisation de son usine de l’Étang-du-Nord pour traiter l’espèce, advenant la levée du moratoire imposé sur la pêche commerciale depuis 1994. «Avant d’investir dans les équipements, il faut faire des tests d’opération pour savoir ce qu’on va recevoir comme produit, pour savoir quelle proportion de poisson de taille adéquate on peut espérer de chaque voyage de pêche et voir si c’est intéressant», explique Pierre Deraspe.

Cela dit, la biologiste chargée du suivi du stock, Caroline Senay, indique que les scientifiques de l’IML recommandent, déjà depuis 2018, une reprise graduelle de la pêche au sébaste dans le golfe. «Le stock de mentella des Unités 1 et 2 se situe en zone saine de l’approche de précaution, expose-t-elle. Selon nos projections, il pourrait supporter des prises de 40 000 à 60 000 tonnes métriques en 2026 pour les Unités 1 et 2 conjointement. Donc, à notre avis, une augmentation graduelle de la pêcherie peut se faire d’ici là.»

Or, pour l’instant, le MPO n’autorise qu’une pêche indicatrice de 2 000 tonnes métriques et une pêche expérimentale assortie d’un contingent de 3 590 tonnes métriques dans l’Unité 1, ainsi qu’une pêche de 8 500 tonnes métriques dans l’Unité 2. Comme il n’y a pas vraiment d’intérêt à pêcher ces volumes dans un contexte de moratoire, les pêcheurs n’en capturent à peine que 500 tonnes métriques par année depuis 2010. «C’est une roue qui tourne: tant qu’il n’y a personne qui va à la pêche, nous, au MPO, on ne reçoit pas de données, on n’a pas d’information, se désole la biologiste. Ça fait que c’est dur de fournir un avis. On est un peu comme un chien qui court après sa queue en ce moment.»  

À cet effet, Madelipêche, dont Fruits de Mer Madeleine détient 15 % des actions, presse le ministère des Pêches et des Océans d’autoriser une reprise de la pêche commerciale au poisson rouge dans le golfe. Son gestionnaire, Paul Boudreau, dit qu’il y a surtout urgence d’annoncer qui participera à la pêcherie. «Parce que actuellement, tu ne peux pas demander à des pêcheurs et à des industriels d’investir des millions $ pour se préparer à la pêche au sébaste, s’ils ne savent pas qui va avoir accès à la pêche au sébaste, souligne-t-il. Madelipêche ne peut pas investir dans une flotte de bateaux pour aller pêcher le sébaste si elle ne sait pas si elle va avoir des quotas quand la pêche va rouvrir. Et un pêcheur ne peut pas décider d’agrandir son bateau et d’agrandir sa cale de bateau, s’il ne sait pas s’il va avoir un accès à la pêche au sébaste quand ça va rouvrir.»

CHACUN VEUT SA PART

Lors d’une réunion spéciale organisée par visioconférence le 7 janvier, en vue de préparer la réunion annuelle du comité consultatif de gestion du sébaste prévue pour le mois de mars, il est d’ailleurs apparu que le partage de la ressource en sera le principal enjeu. La question est surtout de savoir si la pêche au poisson rouge dans l’Unité 1 changera de statut pour devenir une nouvelle pêcherie, afin d’y admettre de nouveaux arrivants.

Paul Boudreau constate de fortes pressions en ce sens, de la part des pêcheurs de crevette de la Gaspésie et de Terre-Neuve en particulier. «Parce que la crevette diminue, ils veulent aller pêcher le sébaste, dit-il. Mais nous, ce qu’on dit, c’est qu’on n’a pas pu avoir de crevette quand il y a eu le moratoire sur le sébaste; on n’a pas à avoir les crevettiers dans les jambes.»  

En fait, ce que prône Madelipêche, dont le quota historique de sébaste représente le quart de la part du Québec dans le golfe, c’est de n’autoriser de nouveaux arrivants dans la pêcherie que lorsqu’elle sera remise sur les rails. «La pêche n’a jamais été «cancellée»; la pêche a été sous moratoire, plaide Paul Boudreau. Donc, on devrait parler d’une réouverture de ce qu’il y avait avant le moratoire. Nous, ce qu’on préconise c’est qu’on commence à rouvrir avec les gens qui étaient là au moment du moratoire, pour qu’on aille voir ce qu’il y a et qu’on puisse faire des tests pour remettre sur pied la pêcherie. Après, quand le stock pourra supporter des prises de 40 000 à 60 000 tonnes métriques en 2026, on pourra   ouvrir à plus grande échelle, avec de nouveaux arrivants, comme il y a eu dans beaucoup de pêcheries.»

PRISES ACCESSOIRES

Un autre enjeu d’une reprise graduelle de la pêche au sébaste sera d’en limiter les prises accidentelles. Bon an mal an, lors de ses relevés scientifiques du mois d’août, l’IML enregistre une moyenne de 9 % de prises accessoires principalement constituées de turbot, de merluche, de flétan   atlantique et de morue franche. «9 % de 500 tonnes, ça va, mais quand ça sera 9 % de 20 000, 40 000, 60 000 tonnes, il va falloir faire attention et trouver des façons de ne pas altérer les autres stocks, et s’assurer que la pêche au sébaste ne soit pas arrêtée à cause de problèmes de prises accessoires», prévient la biologiste Caroline Senay.

Les analyses de l’IML démontrent qu’on peut notamment atténuer la capture de ces prises accessoires, incluant les sébastes de petite taille et ceux de l’espèce fasciatus toujours en zone de prudence, en modifiant les chaluts de fond en chaluts semi-pélagiques et en ciblant les profondeurs de plus de 300 mètres. «On retrouve fasciatus moins profondément et les petits poissons ont tendance à être à plus petite eau, note la biologiste. On suggère aussi d’éviter de pêcher dans le chenal laurentien en hiver, parce qu’il y a plusieurs autres espèces de poisson de fond qui utilisent cet endroit-là en hiver pour la reproduction.»

PART HISTORIQUE DU QUÉBEC          

De plus, le Québec maintient sa demande pour le respect des parts historiques du sébaste de l’Unité 1. La part québécoise s’élève à 33,17 % du quota global du golfe, incluant les 25 % réservés pour Madelipêche. «Pour les Îles-de-la-Madeleine, la pêche au sébaste qui s’amène va très certainement représenter de belles opportunités, souligne le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ), André Lamontagne. Un des défis qu’on a, et qu’on fait valoir sur toutes les tribunes possibles, c’est de s’assurer d’avoir la quote-part historique que le Québec avait avant la fin de la pêche en 1994. Alors, on fait toutes les représentations possibles pour s’assurer d’avoir accès à ces quotas historiques-là.»

Quant à l’enjeu des équipements nécessaires à la capture et à la transformation de la ressource, M. Lamontagne assure que le Fonds des pêches du Québec, doté d’une enveloppe fédérale-provinciale de 42 millions $ en 2019, viendra en soutien à l’industrie. «Il y a beaucoup de capital disponible pour les pêcheurs et les industriels, pour s’assurer d’être capables de moderniser ce qu’on a à moderniser, et pour rencontrer les défis et opportunités qu’on a aujourd’hui», dit-il.

BERNADETTE JORDAN PRUDENTE      

Pour sa part, la ministre fédérale des Pêches, Bernadette Jordan, se garde de lever le voile sur ses intentions au sujet de la pêche au sébaste, ni même de divulguer quand elle en prévoit la relance. Elle se limite à dire que «le retour du stock en très grande abondance, après avoir traversé une zone critique, est une vraiment bonne nouvelle; c’est une histoire très excitante!»

Mme Jordan sait aussi que la pêcherie post-moratoire soulève beaucoup d’attentes, tant chez l’industrie, que chez les communautés autochtones et les gouvernements provinciaux. «Il est très important que nous nous assurions d’être justes et équitables et qu’on tienne compte des préoccupations de tout un chacun, insiste la ministre. Ce sont des conversations que nous avons présentement avec de nombreux groupes et organisations. Mais, ultimement, les avis scientifiques seront extrêmement importants sur la meilleure façon de gérer la pêcherie et la meilleure façon d’en assurer la durabilité. Nous n’allons pas précipiter une décision. Je sais que tout le monde a hâte d’avoir accès à cette pêcherie, mais nous devons nous assurer d’avoir toutes les informations en main et nous devons être prudents.»  

Le cabinet de Mme Jordan ajoute à ce propos que les membres du comité consultatif de gestion ont chacun reçu un questionnaire à répondre, suite à la réunion spéciale du 7 janvier, pour faire connaître leurs revendications. «Ces points de vue seront intégrés dans un rapport de «Ce que nous avons entendu» qui sera partagé avec la Ministre, et informera sur la procédure à suivre pour établir une pêche post-moratoire, nous écrit-on par courriel. La ministre les prendra en considération, ainsi que les derniers avis scientifiques, dans les décisions de gestion futures.»

Notons que la prochaine évaluation scientifique du sébaste des Unités 1 et 2 est prévue pour l’hiver 2022. «Nos évaluations se font aux deux ans, sur la base des relevés annuels d’échantillonnage qu’on fait au mois d’août, précise la biologiste Caroline Senay. Donc, pour le prochain rapport qui sera revu par les pairs en début d’année 2022, notre série temporelle comparative qui remonte à 1984 inclura les données 2020 et 2021.»

LES POISSONS DE FOND – pages 27-28 – Volume 34,1 Février-Mars 2021

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Hélène Fauteux
Hélène Fauteux est diplômée en communications et journalisme de l'Université Concordia. Établie aux Îles-de-la-Madeleine depuis 1986, elle a développé une solide expertise en matière de pêche et de mariculture.
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