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Après une quarantaine d’années d’inactivité aux Îles-de-la-Madeleine, la pêche au calmar renaît avec des mesures de gestion strictes

Une pêche au calmar devrait se mettre en branle aux Îles-de-la-Madeleine en cette fin d’été, après une quarantaine d’années d’inactivité. Selon les plus récentes données du ministère des Pêches et des Océans (MPO), l’abondance de la ressource a atteint un sommet au Québec en 2020.

La chercheure Krista Baker, du bureau de Saint-John’s à Terre-Neuve, précise que la population a plus que doublé dans les divisions 3 et 4 de l’Organisation des pêches du nord-ouest atlantique (OPANO), sur la côte est terre-neuvienne et dans le golfe du Saint-Laurent, ces cinq dernières années. «En 2017, nous avons vu la plus importante explosion de la population en 30 ans, dit-elle. Il y a eu de mineures augmentations de population vers la moitié des années 2000. Mais la dernière très grosse explosion de population est survenue à la fin des années 1970 et au début des années 1980.»

En fait, la population de calmar est en croissance sur toute l’étendue de sa distribution, depuis les côtes de la Floride où il se reproduit, jusqu’en eaux canadiennes où il vient se nourrir. L’OPANO, qui en coordonne les évaluations d’abondance, n’a cependant qu’une estimation sommaire de sa biomasse, basée sur le taux de capture de la pêche commerciale, explique Mme Baker. «L’OPANO évalue le stock comme un tout, expose-t-elle. Nous avons nos propres relevés canadiens et toutes les différentes évaluations varient, dépendamment du lieu et de la saison des échantillonnages. C’est très imprécis.»

BLOOM AND BUST

Au pays, c’est à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse que l’on compte le plus grand nombre de titulaires de permis de pêche au calmar. Des activités de pêche embryonnaires sont également en développement au Nouveau-Brunswick. L’an dernier, 700 pêcheurs terre-neuviens ont participé à la pêcherie, pour des prises totales de 10 000 tonnes, d’une valeur de plus de 60 millions $.

«On n’avait pas vu ça dans nos statistiques depuis des décennies, souligne Antoine Rivière, agent régional principal à la gestion de la ressource pour le Québec. En 2016, on parlait de seulement 134 tonnes. En 2018, ça a augmenté un peu, à mille tonnes, puis en 2019 à deux mille, et en 2020 à trois mille tonnes. Et 2021, 10 000 tonnes; ça témoigne, finalement, de ce qu’ils appellent un bloom de la ressource et de la grande variabilité de sa disponibilité.»

Cette grande variabilité est due au fait que le calmar a non seulement un cycle de vie très court, puisqu‘il meurt dès qu’il se soit reproduit, il connaît aussi des hausses et des déclins très rapides de population. Ce que la scientifique Krista Baker décrit comme un bloom and bust est également difficilement prévisible. On voit ça partout dans le monde, fait-elle remarquer. On a une population relativement faible, puis elle explose et augmente très rapidement et va rester haute un certain nombre d’années, avant d’éclater et de connaître un déclin dramatique de son abondance. Mais ce n’est pas cyclique, alors on ne peut pas prédire quand les bloom and bust vont survenir. Mais en général, les blooms ont tendance à durer environ cinq ans.»

GESTION RESTRICTIVE

Devant cette incertitude, les pêcheurs madelinots critiquent les strictes mesures de gestion que leur impose le MPO pour la relance de la pêche québécoise au calmar. Il s’agit d’une espèce pélagique qui vit dans la colonne d’eau et qu’on capture avec une ligne à main, tout comme pour le maquereau.

Ghislain Cyr, de l’Étang-du-Nord, déplore entre autres que chaque détenteur de permis soit limité à 200 turluttes – c’est le nom des hameçons qui sont disposés en couronne sur une tige de plomb  –  alors que leurs confrères de Terre-Neuve n’ont aucune restriction à ce chapitre. De plus, toujours au contraire de leurs vis-à-vis terre-neuviens, il est interdit aux 14 titulaires de permis des Îles-de-la-Madeleine d’avoir ces engins de pêche à bord de leur embarcation s’ils sont à la pêche au flétan, par exemple. Qui plus est, ils doivent annoncer leur sortie en mer pour la pêche au calmar la veille, avant 19 heures.

«Au lieu d’avoir la liberté d’aller voir un peu partout, n’importe quand, si tu te décides une soirée d’aller faire ça, tu ne peux pas, parce qu’il faut appeler la veille au soir avant d’y aller, se désole le capitaine du BIOCK. On nous dit qu’il y a du calmar en masse dans le Golfe, mais où est-ce qu’il est ? On ne sait pas. Au moins, quand on sort au flétan, si on avait les turluttes à bord, on pourrait remplacer nos lignes à palangres si on voit quelque chose. Ça nous permettrait de maximiser nos sorties en mer. Ça coûte cher, sortir sur l’eau et aller fouiller une journée pour du calmar; ça peut coûter 500, 600, 800 piastres de fioul quand tu vas te promener d’un bord à l’autre !»

Pêches et Océans Canada plaide de son côté que les restrictions imposées aux pêcheurs de calmar de l’archipel visent en particulier à documenter les prises accidentelles. «Dans un premier temps, on ne sait même pas si le calmar sera présent en abondance autour des Îles-de-la Madeleine et on veut éviter les problèmes, affirme le gestionnaire Antoine Rivière. Comme ce n’est pas une technique de pêche qui a été très utilisée récemment dans les eaux québécoises, on se questionne à savoir s’il y a des risques de captures accidentelles de maquereau, par exemple. Vous êtes surement au courant de l’état du stock de maquereau, alors ça doit faire partie des considérations pour établir les règles de gestion des années à venir.»

La saison de pêche 2022, qui est ouverte aux Îles depuis le 18 juillet et prendra fin le 30 novembre, servira ainsi de «collecte de données», indique M. Rivière. Entre temps, le MPO maintient son gel temporaire sur l’émission de nouveaux permis. «On souhaite tout le succès aux pêcheurs qui vont aller faire des essais, assure le gestionnaire régional de la ressource. Mais c’est sûr que pour une première année, il va y avoir beaucoup d’apprentissage et de recherche. Quelle est la meilleure période ? À quelle profondeur ? Quel est le meilleur timing; faut-il y aller la nuit, le jour, au lever du soleil ? On va y aller étape par étape, voir si les pêcheurs participent, si nos mesures de gestion nous permettent d’assurer une surveillance judicieuse des activités et on va faire un bilan à la fin de l’année.»

INTÉRÊT DU MARCHÉ

Lors de sa dernière évaluation de stock en 2019 – la prochaine est prévue cette année –l’OPANO a fixé le quota global à 34 000 tonnes, réparti entre ses pays membres, dont les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Danemark, l’Islande et le Japon. Le Canada a la part du lion, avec une allocation de 29, 400 tonnes. Malgré tout, selon Industrie Canada, 27 importateurs canadiens ont acheté pour une valeur de 58,3 M$ de calmars et d’encornets congelés en 2022, principalement en provenance du Japon, de Chine et de Thaïlande.

Aux Îles-de-la-Madeleine, c’est l’entreprise Poissons Frais des Îles qui a démontré un intérêt pour la ressource, qui, selon ses informations, se transige environ 1 $ la livre à quai, à Terre-Neuve. Son dirigeant, Christian Vigneau, prévient toutefois qu’il lui faudra d’abord se limiter à une production à petite échelle, le temps qu’on apprivoise le traitement de la ressource en usine. «Mais ce que j’entends dans le milieu, c’est qu’il n’y aura pas de grosse pêche au calmar cet automne, rapporte-t-il. Et tant qu’on ne sera pas certain que les pêcheurs vont débarquer un produit, on ne va pas investir de temps pour s’y préparer.»

Selon M. Vigneau, la demande du marché local pour d’éventuels approvisionnements locaux en calmars frais, s’annonce quand même prometteuse. Le restaurateur Denis Landry, propriétaire du Vieux Couvent de Havre-aux-Maisons, compte parmi les intéressés. Il dit que l’été, quand son achalandage bat son plein, il en achète entre 1 000 et 1 200 livres. Il note aussi que le prix du produit importé du Japon a doublé ces deux dernières années, passant de 150 $ la boîte de 25 livres avant la pandémie, à 370 $ aujourd’hui. «C’est dû au coût du transport international qui a doublé, affirme M. Landry. Alors, pour nous autres c’est très dispendieux. Si on avait quelque chose de local, ce serait surement à un meilleur prix pour nous et pour les clients. On aurait aussi une meilleure qualité en fraicheur. Ce serait un plus pour les Îles-de-la-Madeleine et ce serait un plus pour les restaurants.»

EXPLOITATION – page 25 – Volume 35,4 Septembre-Octobre-Novembre 2022

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Hélène Fauteux
Hélène Fauteux est diplômée en communications et journalisme de l'Université Concordia. Établie aux Îles-de-la-Madeleine depuis 1986, elle a développé une solide expertise en matière de pêche et de mariculture.
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