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Crabe des neiges de la zone 16 : les défis sont nombreux pour 2020

Les intervenants de la capture et de la transformation du crabe des neiges de la zone 16 en Moyenne-Côte-Nord font face à un lot de défis en 2020. Ils doivent composer, entre autres, avec une baisse des captures de 25 % par rapport à l’an dernier, un prix de départ modeste à 3 $ la livre à quai et des marchés incertains pour la mise en marché du précieux crustacé. Malgré tout, les principaux intéressés gardent un certain optimisme et souhaitent que la situation actuelle s’améliore en cours de   saison.

Le 22 avril, les pêcheurs ont reçu la permission de sortir en mer. Or, la grande majorité d’entre eux ont dû reporter la mise à l’eau de leurs casiers le lendemain à cause d’une véritable tempête qui agitait les eaux, en particulier dans le secteur compris entre Baie-Trinité et Natashquan. C’est dans ce contexte, combiné à celui d’une adaptation complexe à la présence de la COVID-19, que la saison 2020 a pris son envol.

Le directeur de l’Office des pêcheurs de crabe des neiges de la zone 16, Jean-René Boucher, affirme qu’avant que la COVID-19 fasse partie de l’équation, la date de début de pêche avait été demandée pour le 1er avril. Puis, les conditions climatiques et la présence de glace ont repoussé l’ouverture au 6 avril. Finalement, les directives de l’Institut national de santé publique du Québec ont été émises pour les secteurs de la pêche et de la transformation alimentaire. Alors, pour donner le temps aux usines de se conformer, l’Office des pêcheurs a demandé un deuxième report de la saison au 13 avril.

«Entretemps, la ministre Bernadette   Jordan s’était entretenue avec les dirigeants des communautés de la Minganie qui avaient des craintes et a annoncé une ouverture de la pêche pour le 1er mai. C’est que des équipages de l’extérieur de leur région seraient venus s’accoster au quai alors qu’il y avait un barrage routier fermant la région sur la terre. Il fallait garder les travailleurs de la MRC en sécurité. Historiquement, on sait que la zone 16 débute toujours ses activités avant celle de la zone 12, ce qui nous donne un petit avantage concurrentiel sur les marchés, mais la zone 12 allait ouvrir le 24 avril, cette année. Alors le ministère des Pêches et des Océans a mis sur pied un comité de travail avec l’industrie pour trouver des solutions pour ouvrir les pêches de façon sécuritaire. On a finalement réussi à ouvrir la pêche le 22 avril», raconte-t-il.

Malgré une ouverture de saison en dents de scie, la ressource est au rendez-vous, souligne le directeur de l’office: «Les captures ont été plus tranquilles au début, il y avait beaucoup de courant et de grandes marées, mais ça s’est replacé   rapidement. En date d’aujourd’hui (14 mai), il y a 40 % du quota qui est capturé, donc ça va très bien.»

Concernant le prix au débarquement de 3 $ la livre, M. Boucher affirme que les négociations habituelles avec les usines n’ont pas eu lieu dans le cadre du plan conjoint en vigueur : «Il y a des formules prévues à la convention pour établir le prix de départ. Mais considérant le contexte actuel, on s’est montrés bons joueurs et on ne les a pas appliquées. On a eu un peu les mains attachées par la situation, mais on voulait que tout le monde puisse commencer la saison. Selon ce qu’on peut voir dans le Seafood Price Current d’Urner Barry, nous sommes confiants qu’il y aura des ajustements au prix de départ. Le prix est à la baisse par rapport à l’année dernière, mais les taux de change sont très favorables quand on fait l’exportation.»

Malgré tout, une crainte persiste : «Est-ce que le reste de la saison va pouvoir se dérouler sans cas de COVID-19 autant pour le secteur de la capture que celui de la transformation ? S’il fallait qu’une usine de transformation soit touchée et qu’on doive la fermer, ce serait difficile. On souhaite que tout le monde demeure en santé et prenne les précautions nécessaires. Évidemment, on souhaite aussi une hausse du prix offert.» M. Boucher reconnait également que la baisse de 25 % du contingent global de crabe des neiges peut représenter une gymnastique financière pour certains pêcheurs.

Selon le directeur, les mesures d’aides financières annoncées dans le contexte de la COVID-19 ne permettent pas à beaucoup de pêcheurs de se qualifier. «On attend des nouvelles pour des mesures plus précises pour le secteur des pêches», dit-il, en rappelant que les coûts fixes demeurent, mais que le contingent global et le prix payé à quai sont à la baisse, ce qui représente une préoccupation financière constante.

Une autre crainte est bien présente auprès des pêcheurs : la présence de la baleine noire. Le protocole de fermeture de zones a été modifié. «S’il apparait une baleine dans un quadrilatère, celui-ci est fermé pour deux semaines. Mais si baleine revient durant les 15 jours suivants, la zone est fermée pour le reste de la saison. La zone 16 est assez grande, mais certains endroits comme entre l’Île d’Anticosti et la côte, ce n’est pas très large. Si on doit fermer ce quadrilatère, on va réduire de beaucoup la zone de pêche», soulève M. Boucher.

UN PÊCHEUR SEREIN

Steve Dignard, un crabier traditionnel de Rivière-au-Tonnerre, pêche depuis 40 ans, de génération en génération. Celui-ci affirme que la situation actuelle est à prendre avec philosophie. «On a eu de la mauvaise température, mais ça a quand même bien été jusqu’à présent. Le crabe est plus rare, on a une baisse de quota global, ce n’est pas pour rien. Mais le crabe est vraiment beau. Une belle qualité et on sait qu’il va y avoir de la ressource en masse encore dans le futur. On savait qu’on aurait des petits quotas individuels, mais que la ressource va reprendre et qu’on va avoir encore 10 belles années ensuite», dit-il. 

  1. Dignard prend soin d’ajouter qu’il est important de penser à la ressource au-delà du portefeuille. «C’est sûr que sur le coup, c’est gros comme impact. On minimise nos dépenses pourvu qu’il ne nous arrive pas trop de  »bad luck » (malchances), affirme-t-il. On a de grosses dépenses à payer, les membres d’équipages, les cages, la bouette, le carburant, etc. Ça influence notre rentabilité. Mais avec la réouverture des villes et des frontières, ça va aller mieux tantôt. Notre crabe est entreposé et se vend très bien.» Tout sourire dans sa voix, celui-ci conclut : «Si on peut avoir du beau temps pour pêcher un peu, on va finir la capture de notre quota et on sera heureux. On n’a pas le choix de prendre ça comme ça.»

IMPACTS SUR LES COMMUNAUTÉS AUTOCHTONES

Directeur de Pêcheries Uapan pour la communauté innue de Uashat Mak Mani-Utenam, Yan Tremblay affirme qu’ouvrir la pêche sur un fond de pandémie a demandé un temps d’adaptation. «Les trois premières semaines, c’est toujours incertain avec l’état des marchés. Mais cette année, on ajoute l’aspect protection des employés et santé à bord des bateaux. C’est certain que les deux mètres de distance ne peuvent pas être respectés à bord d’un bateau de pêche, mais on suit les protocoles de la CNESST. On a ajouté certains règlements comme le fait que seuls les membres d’équipage ont le droit d’embarquer à bord des bateaux. S’il y a un absent, il n’y a pas de remplaçant pour éviter tout risque de contamination.»

Le départ un peu plus tardif ne semble pas compromettre la récolte de crabe des neiges. «Compte tenu de la date d’ouverture, les captures se comparent à l’an dernier. Au printemps, il y a souvent des tempêtes et ça été aussi le cas cette année. On a l’habitude que ce ne soit pas parfait», affirme M. Tremblay.

Celui-ci affirme toutefois que le prix de départ de 3 $ la livre combiné à la baisse de quota de 25 % a un impact sérieux sur la rentabilité des opérations de sa flotte de quatre crabiers. «Le chiffre d’affaires est de 50 % inférieur à l’an dernier. Donc, si on soustrait les couts de base, c’est beau si on va faire 30 % des bénéfices qu’on a faits l’an passé. Pour la communauté, ce sont des revenus qui financent des program-mes d’éducation, de sécurité publique, de santé et cela a des impacts sur toutes les sphères sociales. Ça ampute nos revenus autonomes», dit-il.

Malgré les risques financiers, les crabiers sortent en mer. «Avec le crabe, on ne démontre pas de déficit, mais on ne démontre pas de rentabilité. On donne une chance aux usines et à l’industrie de créer quelque chose, mais ça prendrait un ajustement du prix durant la saison pour que ça se passe mieux. On pêche souvent sans savoir le prix réel. La communauté innue est actionnaire d’une usine de transformation, donc si on n’allait pas pêcher, on n’aurait pas de synergie», conclut-il.

Pour sa part, Guy Vigneault, directeur de Pêcheries Shipek, issue des communautés innues de Ekuanitshit et Pakut-shipu, affirme que la saison de pêche 2020 a bien failli ne pas avoir lieu : «On n’était pas parti pour pêcher. Il y avait beaucoup d’incertitudes avec le problème du coronavirus. On a été retardé de deux semaines avec le virus et d’une semaine avec le mauvais temps. Les premiers débarquements ont eu lieu le 27 avril. On a été obligés de barrer les routes, limiter l’accès au quai avec les policiers et la Sécurité Innue. Le respect des distances est impossible à respecter sur les bateaux, mais on fait notre possible à quai. On a sorti un protocole pour pouvoir réussir à avoir une pêche. Il y avait des pêcheurs de l’extérieur qui venaient pêcher ici, sachant qu’il y avait déjà des cas de COVID-19 à Sept-Îles, personne ne voulait avoir de cas ici. On s’est assis avec les gens de la MRC de la Minganie, les maires, les chefs pour savoir comment on pourrait opérer si on faisait une pêche.»

Pour ce qui est des activités de capture, M. Vigneault observe que le comportement de la ressource n’est pas le même en 2020. «En commençant plus tard, on cherche un peu plus le crabe pour savoir où il est. Ça a pris quelques semaines avant de stabiliser les captures, mais présentement ça va très bien pour l’ensemble de la zone. J’ai sondé quelques pêcheurs et ils devraient être bons pour capturer leurs quotas individuels.»

Le prix temporaire de 3 $ la livre au débarquement et la baisse du total autorisé des captures de 25 % font mal aux pêcheurs, signale Guy Vigneault. «Si on continue à ce rythme-là, on va subir des pertes énormes. Mais on sait que le prix temporaire va changer. Le prix temporaire va déjà monter de 50 cents cette semaine. Et on va continuer de négocier avec les usines dans le cadre de notre plan conjoint», dit-il.

Le directeur de Pêcheries Shipek ajoute qu’il espère une aide du fédéral pour compenser pour les pertes subies par sa flotte de crabiers. Elle est constituée de 7 navires dans la zone 16, dont 6 sont à l’eau présentement. «85% de notre production est dirigée sur le marché américain, sur les bateaux de croisières et les restaurants à buffets, mais tout est fermé pour le moment. C’est certain qu’on est obligé de garder notre crabe congelé en attendant qu’ils ouvrent. Si on n’a pas d’aide, on va produire à perte. Ce qui nous restait en revenus qu’on donnait à la communauté, cette année, on n’est pas parti pour le donner», dit-il. 

LE SECTEUR DE LA TRANSFORMATION OPTIMISTE

Jean-Paul Gagné, directeur de l’Association québécoise de l’industrie de la pêche (AQIP), affirme recevoir des témoignages positifs dans la zone 16 aussi bien de la part des pêcheurs que des dirigeants d’usines.

  1. Gagné mentionne que les craintes par rapport au marché américain sont en voie de se dissiper : «On n’a pas les prix qu’on avait l’année dernière, mais ce sont des prix très appréciables. Avec la COVID-19, c’est difficile de prédire les prix parce que les marchés ne sont pas tous là. On va connaître plus tard ce qu’on va pouvoir payer aux pêcheurs. Il ne faut pas oublier que les deux dernières années ont été des années record pour les prix obtenus. Les restaurants ne sont pas ouverts partout aux États-Unis, il n’y a pas de casinos ni de croisières.»

Comme le crabe transformé au Québec est vendu principalement à l’état congelé, le directeur de l’AQIP souligne qu’il est possible de supporter des inventaires un peu plus longtemps. Un défi demeure toutefois pour arriver à vendre à nos voisins du sud. «Il faut trouver des moyens pour prouver aux États-Unis qu’on protège la baleine noire», dit-il.

Finalement, en raison du contexte particulier de la saison 2020, M. Gagné souligne qu’il demeure à l’affut de certains programmes d’aides financières des 2 paliers de gouvernement pour des mesures de compensation pour les usines. Pour certains d’entre eux, les détails finaux ne sont tous pas connus.

 

LA MOYENNE-CÔTE-NORD – pages 12-13-14 – Volume 33,2 Avril-Mai 2020

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