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Évaluation des stocks de crevette : une certaine stabilité observée après plusieurs années néfastes

Si la tendance de l’évaluation des stocks de crevette nordique de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent était toujours en diminution, les scientifiques observent, pour la première fois depuis longtemps, une certaine stabilité. C’est l’impression générale qui se dégage de la dernière évaluation des stocks réalisée par Pêches et Océans Canada. Celle-ci fait dire au biologiste Hugo Bourdages que la situation est un peu plus encourageante, même si on est encore bien loin des débarquements de 2010, qui se situaient à plus de 35 000 tonnes. 

« On a moitié moins de volumes débarqués », fait tout de même savoir le biologiste de l’Institut Maurice-Lamontagne, de Mont-Joli. Dans la pêche commerciale, les prises par unité d’effort, soit la quantité de crevette prise par jour de pêche, avaient connu une forte diminution entre 2014 et 2017. Mais en 2018 et 2019, la tendance est à la stabilité. « Les prises par unité d’effort de 2019 se comparaient ou étaient légèrement supérieures aux prises par unité d’effort de 2018, observe M. Bourdages. Les pêcheurs ont perçu une certaine amélioration dans leurs prises par unité d’effort et dans le relevé scientifique, on observe un peu la même chose. »

Dans les grosses zones de pêche, c’est-à-dire Sept-Îles, Anticosti et Esquiman, les estimations de biomasse qu’on a faites en 2019 sont soit légèrement supérieures, soit pareilles ou soit comparables à celles de 2018. « La légère amélioration qu’on a vue dans la pêche, on l’a perçue aussi dans le relevé scientifique, indique le scientifique. Donc, on a deux bonnes sources de données qui nous informent de la même manière. »

L’Estuaire, seule zone différente

La seule zone différente est celle de l’Estuaire. « L’Estuaire est une zone où, il y a trois ans passés, le stock était à son minimum historique, soulève M. Bourdages. On n’avait jamais vu aussi peu de crevette. Ça nous avait amenés, à la saison de pêche 2018, à diminuer le quota de 74 %. En 2019, on était restés au statuquo. Puis en 2020, il va y avoir un ajustement du quota à la hausse. »

Le scientifique de Pêches et Océans Canada explique cette situation par le fait que l’Estuaire est une petite zone très variable. « Autant qu’en 2017 et 2018, on avait les valeurs les plus faibles d’abondance, autant qu’en 2019 et 2020, ça a augmenté de façon marquée, confirme M. Bourdages. Puis, 2020 est une des valeurs les plus fortes de notre série historique qui remonte à 1990. »

 Étant donné que l’indicateur est à la hausse, le quota sera nécessairement augmenté pour l’Estuaire lorsque l’approche de précaution et les règles de décision seront appliquées. « Dans l’Estuaire, on était dans la zone de prudence en 2017, puis en 2018 et 2019, on était revenu dans la zone saine de l’approche de précaution, rappelle Hugo Bourdages, au même titre que les zones Anticosti et Esquiman. Le stock de Sept-Îles, pour la troisième année consécutive, est demeuré dans la zone de prudence, malgré que l’indicateur se soit amélioré. »

« Quand on est dans la zone saine, on va essayer de maintenir un taux d’exploitation constant, poursuit le chercheur. Mais lorsque le stock diminue et qu’il est dans la zone de prudence, on diminue les taux d’exploitation. Donc, la proportion de crevette qu’on va aller chercher sur la quantité disponible, on va essayer de diminuer cette proportion-là. Si on ne dit pas quelle est la valeur du taux d’exploitation, c’est parce qu’il est relatif. On n’a pas de valeur absolue, on n’a pas de modèle de dynamique. Notre approche vise à avoir un taux d’exploitation constant dans la zone saine, puis on diminue quand il vient dans la zone de prudence et dans la zone critique. »

Légère augmentation des TACS

En plus d’établir l’approche de précaution, le comité consultatif s’est récemment réuni à Québec pour fixer les totaux autorisés de captures (TAC) projetés pour la prochaine saison. Dans la zone Estuaire, il serait de 600 tonnes, pour une hausse de 153 % par rapport à l’année passée, où ils étaient fixés à 239 tonnes. Dans la zone de Sept-Îles, on parle de 5 123 tonnes, pour une augmentation de 20 %, comparativement aux 4 266 tonnes de la dernière saison. Dans Anticosti, le TAC serait de 6 311 tonnes, ce qui représente une baisse de 8 %, à comparer aux 6 871 tonnes de l’année précédente. Dans Esquiman, ce sera le statuquo avec 5 959 tonnes. Le total pour les quatre zones serait de 17 999 tonnes, représentant ainsi une hausse moyenne de 4 % par rapport aux 17 335 tonnes de la saison de pêche 2019.

En vertu de l’historique du Ministère, les estimations de biomasse présentent une certaine stabilité, mais à des niveaux faibles. « Depuis environ 2005, on avait des stocks qui diminuaient tout le temps dans nos relevés de recherche, relate Hugo Bourdages. Dans les deux dernières années, ça a arrêté de diminuer. Mais les valeurs de 2017, 2018 et 2019 sont parmi les plus faibles depuis 1990. Donc, même si on a une légère amélioration et que c’est quelque chose de positif, on reste quand même avec des abondances faibles dans les stocks de Sept-Îles, Anticosti et Esquiman. Le point positif, c’est que la diminution a arrêté. »

Surface de distribution rétrécie

Les deux sources de données du ministère fédéral des pêches révèlent que la distribution de la crevette dans le golfe du Saint-Laurent est répandue. « Dès qu’on est dans la couche de fond, plus creux que 150 mètres, il y a généralement de la crevette un peu partout dans le golfe du Saint-Laurent, observe le biologiste. Mais quand on regarde les zones de concentration où les densités sont les plus importantes, cette zone-là rapetisse année après année. Si je prends la surface minimum, il peut y avoir 95 % de toute la biomasse de crevette du golfe du Saint-Laurent. Il y a quelques années, on parlait d’une surface de plus de 50 000 km carrés. Maintenant, on parle d’une surface de moins de 35 000 km carrés. »

Comme les pêcheurs commerciaux visent les meilleurs rendements, il y a des zones où ils allaient de 2000 à 2005 parce que le stock était à son maximum. Mais maintenant, ils n’y vont plus. « À titre d’exemple, si on prend le nord de la Péninsule gaspésienne, il y avait de la pêche, il y a environ dix ans, indique M. Bourdages. En 2019, il n’y a pas eu d’effort de pêche à cet endroit, comme dans le sud-est de l’île d’Anticosti. Dans chacune des zones de pêche, on voit des phénomènes comme ça, où des sites de pêche étaient visités, il y a dix ans, et qui ne le sont plus aujourd’hui parce que l’abondance est trop faible dans ces secteurs-là. »

Force est de constater que l’écosystème du golfe est en changement. « Quand les stocks étaient en augmentation au milieu des années 1990 et 2000, ça faisait suite au déclin des stocks de poisson, spécifie le scientifique de l’Institut Maurice-Lamontagne. Dans les années 1980, l’écosystème du golfe du Saint-Laurent était dominé par les poissons de fond et les abondances de crevette étaient faibles. Les poissons de fond ont chuté au début des années 1990, dont la morue et le sébaste qui ont décliné fortement. À la suite de ce déclin-là, on a vu que les espèces fourragères, comme la crevette nordique, augmentaient tranquillement en abondance, année après année, pour atteindre un maximum vers 2005. À la suite de ça, on a observé que les stocks de crevette nordique déclinaient de façon générale dans le golfe du Saint-Laurent. »

Réchauffement des eaux

Différentes hypothèses peuvent expliquer la cause de cette diminution récente, qui ne risque pas de s’améliorer à court terme. « C’est clair que le nombre de petites crevettes juvéniles mâles qui vont alimenter la pêche dans les années futures, on en a moins que lorsque le stock était en croissance », souligne le chercheur. 

L’environnement où vit la crevette nordique, qui est une espèce d’eau froide, a également changé. Les eaux profondes du golfe du Saint-Laurent se réchauffent graduellement. Présentement, dans les profondeurs où vit la crevette, on parle d’un réchauffement de 1 degré Celsius.

« Normalement, si on prend les différents stocks de crevette nordique de l’Atlantique nord-ouest, ce sont des stocks que l’on retrouve entre 1 et 6 degrés Celsius, décrit Hugo Bourdages. La crevette se distribue au nord à partir de la baie de Baffin jusqu’au sud dans le golfe du Maine. Il y a différentes populations de crevette nordique dans tout l’Atlantique nord-ouest et ce sont des populations qui vivent dans des températures entre 1 et 6 degrés Celsius. Nos stocks dans le golfe du Saint-Laurent, on était habitués de les voir entre 4 et 6 degrés Celsius. Mais, depuis les dix dernières années, on a eu une augmentation de ces températures-là. Maintenant, les températures où on observe de la crevette nordique sont de plus de 6 degrés Celsius. La température affecte la vie de la crevette, autant sa croissance, sa reproduction que sa distribution. » 

Par conséquent, le réchauffement des eaux profondes n’est pas favorable à la crevette. « C’est quelque chose qui ne changera pas à court terme, prévient le fonctionnaire de Pêches et Océans. Les eaux en profondeur du golfe du Saint-Laurent nous viennent de l’océan Atlantique et remontent tranquillement par le chenal Laurentien jusqu’à la tête des chenaux, soit Tadoussac. Ça prend trois à quatre ans à ces eaux-là à remonter notre chenal Laurentien. » 

Les scientifiques sont encore plus inquiets puisque, l’été passé, les eaux qu’ils ont monitorées, à l’entrée du chenal Laurentien vers le détroit de Cabot, sont encore plus chaudes. Ce qui fait dire à M. Bourdages que « l’augmentation de la température, année après année, se poursuit encore à l’entrée du golfe du Saint-Laurent et l’environnement chaud va persister pour quelques      années ».

 Retour du sébaste

Le retour du sébaste dans l’écosystème est un autre facteur qui explique le déclin de la crevette nordique. « On se rappelle que dans les années 1980 à 1990, il y avait une pêche commerciale au sébaste et que les stocks ont décliné, relate Hugo Bourdages. Il y a eu un moratoire pendant plus de 25 ans. Mais en 2011, on a eu la surprise de voir une cohorte qui a eu un succès de recrutement. La survie des larves, en 2011, a été vraiment très, très bonne, ce qui a amené une forte cohorte d’individus de sébaste qui sont nés. On a eu la même chose en 2012 et en 2013. Donc, on a eu trois fortes cohortes de sébaste dans le golfe du Saint-Laurent. Déjà, les biomasses de sébaste dans le golfe étaient supérieures à ce qu’on avait dans les années 1980, au moment où il y avait de la pêche commerciale. Donc, on va vers un retour d’un écosystème dominé par le sébaste. »

« Si je mettais toute la capture que j’ai faite dans un panier, il serait rempli à 90 % de sébaste, illustre le biologiste à partir des relevés scientifiques réalisés l’été dernier. Les 10 % qui restent seraient de la morue, du flétan de l’Atlantique, du flétan du Groenland, de la crevette nordique et plein d’autres espèces. Avant ça, le sébaste n’avait jamais dominé comme ça. On parlait plus de 15 %. Il y a vraiment un changement dans l’écosystème. » Il n’est cependant pas possible de savoir si certaines zones sont plus affectées que d’autres par la prédation du sébaste puisque l’étude scientifique n’est pas réalisée zone par zone.

Le sébaste vit longtemps, soit une cinquantaine d’années, mais il grandit lentement. Présentement, il croît de 1 à 2 cm par année. Quand il est petit, il se nourrit de zooplanctons et à mesure qu’il grandit, il introduit la crevette dans son régime alimentaire. À 15 ou 20 cm, les sébastes consomment déjà un peu de crevette nordique. Actuellement, ces poissons sont en majorité d’une taille de plus de 23 cm, selon Hugo Bourdages. Et lorsqu’ils atteignent 25 cm et plus, la crevette nordique devient une proie importante du sébaste. Par conséquent, le sébaste contribue à l’important déclin de la crevette nordique. Mais, comme il y a plus de 25 espèces de crevette dans le golfe du Saint-Laurent, il ne consomme pas uniquement la crevette nordique. « Quand il sera encore plus grand, le sébaste consommera également d’autres espèces de poisson, même de petits sébastes », fait remarquer le spécialiste.

À son avis, il faut aussi considérer le chevauchement des deux espèces. « L’impact de la prédation du sébaste pourrait être moindre dans les prochaines années, prévoit-il. Plus il grandit, plus il va aller dans les plus grandes profondeurs du chenal Laurentien. Ce n’est pas dans les endroits où on retrouve de la crevette nordique. On la retrouve entre 150 et 300 mètres, alors que le sébaste, quand il devient adulte, on devrait le retrouver plus creux que 300 mètres. Donc cet impact-là pourrait s’amoindrir dans les prochaines années. Mais présentement, c’est un impact important qui explique en partie la diminution de nos stocks de crevette. On a encore beaucoup de suivi à faire. »

 Prévision impossible

En fonction de la situation actuelle, il est impossible pour le secteur des sciences de prévoir une reprise de l’abondance des stocks de crevette. « On n’a pas de boule de cristal, lance le biologiste en riant. Nos programmes de monitorage sont annuels et moi, mon rôle, c’est de regarder ça annuellement. Je n’ai pas d’outil pour faire des projections. Mais, si je regarde le relevé scientifique, on est rendus aux plus faibles valeurs. Est-ce que ça peut diminuer encore plus bas que ça? Je ne le sais pas. Les conditions d’amélioration ne sont pas là. » 

Le réchauffement des eaux profondes et la prédation par le sébaste vont continuer à affecter la distribution de la crevette dans le golfe du Saint-Laurent dans les prochaines années. « Cette année, on a une certaine stabilité et il y a une légère augmentation, fait remarquer M. Bourdages. Mais dans tous nos indicateurs, on n’est pas précis à 100 %. Donc, il y a des variations entre les années. Je ne sais pas, l’an prochain, si ce sera encore stable, si ça va légèrement augmenter ou si ça va diminuer. On va le mesurer l’automne prochain. »

L’ESTUAIRE ET LE NORD DU GOLFE – pages 2-3 – Volume 33,1 Février-Mars 2020

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