jeudi, avril 25, 2024
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La consultation du MPO sur les accès et les allocations post-moratoire de la pêche au sébaste de l’Unité 1 qualifiée d’illégitime

Une vaste coalition de pêcheurs, de nations autochtones et d’acteurs de la transformation qualifie d’illégitime le processus de consultation du ministère des Pêches et des Océans (MPO) sur les accès et les allocations post-moratoire de la pêche au sébaste de l’Unité 1 du Golfe. Cette coalition regroupe des associations gaspésiennes, de la Côte-Nord, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve et Labrador, dont celle des Capitaines-propriétaires de la Gaspésie (ACPG). Le porte-parole de cette dernière dans le dossier, Patrice Element, parle d’une consultation «précipitée, orientée et manquant de transparence» pour un stock qui compte pour l’un des plus abondants de la planète.

«Nous avions un questionnaire de cinq questions et on nous a dit que les réponses ne seront pas diffusées, déplore-t-il. On nous a dit que ce ne sera que la synthèse de la compilation des fonctionnaires et leur interprétation qui sera transmise aux intervenants. Et les questions sont orientées dans le sens qu’elles sont très rigides; elles limitent la possibilité pour chacun à faire valoir ses arguments.»

La coalition a toutefois échoué dans sa tentative de faire annuler la consultation, lancée le 15 septembre et qui a pris fin le 29 novembre après deux prolongements consécutifs de deux semaines. À Ottawa, on nous explique que «le MPO a tenu une réunion avec les intervenants en janvier 2021, en vue d’obtenir leurs commentaires sur la façon dont les consultations devraient se dérouler. La majorité des intervenants ont indiqué qu’ils étaient en faveur d’un processus de consultation par écrit, à condition que cela leur donne la souplesse nécessaire pour ajouter des commentaires. Les intervenants ont aussi fourni leurs commentaires sur les questions à poser dans le cadre des consultations.»  

De plus, en supplément au questionnaire, le ministère a tenu deux réunions virtuelles, les 3 et 4 novembre, à l’intention de tous ceux qui souhaitaient exprimer leurs points de vue de manière ouverte et en groupe. «Le Ministère inclura toutes les réponses soumises au questionnaire dans le cadre d’un document intitulé «Ce que nous avons entendu», qui sera partagé avec les membres du Comité consultatif sur le sébaste», nous précise-t-on par voie de courriel.

PARTS HISTORIQUES

Cela dit, la coalition appelle à un nouveau partage du poisson rouge au profit des pêcheurs à engins mobiles actifs dans le Golfe et des groupes autochtones, qui devraient en recevoir une part majoritaire quand le moratoire sera levé, soutient Patrice Element. Selon les données du MPO, la part historique des pêcheurs côtiers avec engins mobiles n’était que de 14,88 % en 1995, contre 5,72 % pour les semi-hauturiers et 74,22 % pour la flotte hauturière.

«Nous, ce qu’on dit, c’est qu’en raison de son abondance et du fait que ça fait des années que la pêche est sous moratoire, le sébaste répond aux critères de Pêches et Océans en matière de nouvelle pêcherie; c’est une pêche émergente, soutient le porte-parole de l’ACPG. Et on est conscient et d’accord avec le fait que les Premières Nations vont être privilégiées dans les allocations de quotas, alors ça met un bémol sur le principe des parts historiques.» Patrice Element plaide également que le Québec, dont la part historique de sébaste équivaut à 33 % du quota de l’Unité 1, serait avantagé par le nouveau modèle de partage que propose sa coalition, puisque «de tous les engins mobiles présentement actifs dans le Golfe, 40 % sont québécois.»

En réaction, le président de l’Alliance des pêcheurs professionnels du Québec affirme que le respect des quotas par province est «primordial». «Et après ça, nous devrions envisager une exploitation à une échelle plus humaine, avec de plus petites flottes, pour assurer la durabilité de la pêcherie sur 30-40 ans, commente son président O’Neil Cloutier. La pêcherie, la transformation et les marchés : tout a changé depuis 25 ans et l’enjeu, aujourd’hui, est beaucoup plus grand pour les flottilles intérieures. On souhaite que Pêches et Océans ne renouvelle pas la permission qu’ont les bateaux de 100 pieds et plus de rentrer dans le Golfe.»

Le ministre responsable des Pêcheries au Québec, André Lamontagne, appelle lui-même les pêcheurs québécois à parler d’une même voix dans ce dossier. «Notre objectif est que l’industrie du Québec fasse front commun pour le respect des parts du Québec, déclare-t-il. Il ne s’agit nullement d’un appui à la pêche au sébaste par des bateaux à engins de pêche de 100 pieds et plus dans le golfe du Saint-Laurent. La relance de la pêche au sébaste offre de nouvelles opportunités de développement pour le secteur des pêches et il est important que le Québec et les régions maritimes du Québec puissent profiter des retombées de cette pêche. Avant le moratoire, la pêche du sébaste se concentrait sur le volume. Nous voulons que la réouverture de cette pêche soit durable, c’est-à-dire, qu’elle permette d’assurer une protection des stocks et le développement d’une industrie viable à long terme.»

À ce propos, le gestionnaire de Madelipêche, Paul Boudreau affirme que rien n’empêche l’entreprise de Cap-aux-Meules, qui détient 6 permis de pêche hauturière au sébaste et un permis semi-hauturier, de faire pêcher le poisson par des navires de moins de 100 pieds. Aussi déplore-t-il que les crevettiers gaspésiens cherchent, à son avis, à usurper la part historique de Madelipêche, comptant pour 25 % du contingent de l’Unité 1.

«Nous sommes conscients que les parts vont être réduites au prorata de l’intégration des Autochtones dans la pêcherie, reconnaît M. Boudreau. Mais ce que nous déplorons c’est que le MPO ait élargi ses consultations à tout le monde, dont les pêcheurs de crevette, alors que les pêcheurs de sébaste n’ont jamais été invités aux comités consultatifs de la crevette. Et alors que Madelipêche s’est fait refuser à trois reprises des accès à la crevette pendant le moratoire sur le sébaste, on trouve désolant qu’aujourd’hui ces gens-là, qui sont dans une pêche extrêmement lucrative, veulent s’approprier notre pêcherie.»

TRANSFORMATION DÉFICITAIRE      

D’autre part, une étude de la firme Raymond Chabot Grant Thorton (RCGT) conclut que la transformation du sébaste ne serait pas rentable, compte tenu du prix actuel du marché et des investissements nécessaires pour en relancer la production au Québec. Cette étude a été déposée en juillet dernier auprès de l’Association québécoise de l’industrie de la pêche (AQIP). Elle démontre que le produit congelé ne vaut présentement que 2,15 $ US la livre sur le marché de Boston, soit 2,66 $ CA, alors que les coûts d’exploitation sont minimalement estimés à 2,74 $ la livre. Ce coût d’exploitation tient notamment compte d’un prix payé aux pêcheurs de 0,50 $ CA la livre, et d’un rendement de 27 % en produit fini, puisque que 73 % de la matière première aboutit dans la fosse aux résidus.

En d’autres mots, RCGT évalue «qu’en deçà d’un prix de vente de 3,50 $ la livre, la transformation du sébaste n’est pas intéressante (…). Ce prix correspond à 32 % par rapport au marché actuel.» Cela fait dire au directeur général de l’AQIP, Jean-Paul Gagné qu’il faudra «trouver des idées» pour apporter une plus-value au produit, comme on l’a fait en Gaspésie et aux Îles pour le maquereau, avant que le stock ne périclite. «On avait un bel emballage et pour le consommateur c’était très facile; le maquereau était déjà préparé avec assaisonnements, prêt à cuire pour simplifier la préparation du repas, rappelle-t-il. Et donc, pour le sébaste, je crois qu’on devrait se tourner vers des laboratoires qui pourraient nous proposer des recettes de valeur ajoutée.»

De plus, Kwatröe Consultants, sous-traitant de RCGT dans cette étude, calcule qu’il en coûterait au minimum deux millions de dollars pour mettre à niveau les usines qui ont déjà une capacité d’exploitation de 500 tonnes de poisson par année – on en compte seulement trois, toutes en Gaspésie – pour leur permettre de doubler ce seuil de production. Pour la construction d’une nouvelle usine de transformation capable de traiter 3 500 tonnes métriques de sébaste par an, la firme d’ingénierie estime les investissements à près de 12 M$, incluant l’achat d’équipements. Kwatröe note aussi que «pour permettre la valorisation de cette   espèce, le traitement et la disposition des résidus est un enjeu majeur et crucial pour la relance de la pêche au sébaste.»

FRUITS DE MER MADELEINE

Chez Fruits de Mer Madeleine de l’Étang-du-Nord, actionnaire minoritaire de Madelipêche, on n’a ni l’espace, ni les équipements nécessaires à une chaine de traitement du sébaste. Il faudra donc agrandir, ce qui commandera un investissement de plusieurs millions de dollars, signale son directeur général Pierre Déraspe. Il est également confiant qu’on parviendra à valoriser les 73 % de résidus de poisson, en les séchant et en séparant l’huile de la poudre, «comme Madelipêche le faisait à l’époque», dit-il.

L’entreprise a d’ailleurs mandaté le Centre de recherche sur les milieux insulaires et maritimes (CERMIM), l’été dernier, afin de mettre sur pied un projet pilote de valorisation des résidus de production de crabe des neiges. Il vise l’acquisition et l’opération d’un système de séchage, sur une période de deux ans et demi, pour tester, opérer et documenter la mise en place d’un tel système de valeur ajoutée dans le contexte particulier de l’archipel.

Ce projet est mené en partenariat avec une entreprise de Rimouski, Organic-Ocean, spécialisée en biostimulants agricoles à base d’algues. Il est issu des travaux du CERMIM dans le cadre du projet Béton vert lancé en 2019 et permettrait, à terme, de détourner du Centre de gestion des matières résiduelle de la Municipalité des Îles un apport annuel de 1 000 tonnes métriques de résidus marins provenant des usines de transformation du territoire. Toujours au stade d’analyse, la mise en place du système de séchage est planifiée pour 2022. «Il est prévu qu’OrganicOcean s’occupe de la mise en marché de la poudre de carapaces produite aux Îles par l’entremise de la Coop Fédérée, précise Pierre Déraspe. Et Fruits de Mer Madeleine serait l’utilisateur-payeur du séchoir que le CERMIM opérerait pour la durée du projet pilote.»

Pour ce qui est des résidus de sébaste, il faudrait éventuellement prévoir un investissement additionnel aux 1,5 M$ à 2 M$ anticipés pour l’acquisition et l’installation du système de séchage, afin d’y ajouter les équipements nécessaires à la séparation de l’huile, poursuit le dg de l’usine de transformation de l’Étang-du-Nord. «Nous n’en sommes pas encore là, mais nous travaillons avec un autre joueur également de Rimouski, qui est spécialisé dans l’huile de poisson riche en Omega 3.»

PÊCHE DE SUIVI

Entretemps, le capitaine de l’AVALON VOYAGER, Denis Éloquin, a capturé 80 000 livres de sébaste en quatre jours de pêche, à la fin octobre. «J’ai fait deux petits voyages de jour, dit-il; c’est quand même pas pire comme rendement. J’ai cherché un peu partout dans le Golfe et près de Terre-Neuve pour faire des tests sur la taille du poisson et c’est encourageant : le poisson grossit. Tout le poisson était de 24, 25, 26 centimètres et plus.»

Pour faire des filets qui répondent aux exigences du marché, il faudra toutefois attendre que le sébaste, dont la croissance est très lente, double de taille. D’ici là, 100 % du sébaste débarqué aux Îles est dirigé vers le marché des appâts, et la prochaine étape sera de l’écouler comme poisson rond dans des boîtes, à mesure qu’il grossira. M. Éloquin s’attend néanmoins à une levée du moratoire en 2022. «Si on se fie aux avis scientifiques, il y a 90 % du poisson qui aura atteint la taille commerciale de 22 cm, mentionne-t-il. Donc, il est grand temps de rouvrir la pêche pour qu’on reprenne nos marchés.»

D’ailleurs, le capitaine de l’AVALON VOYAGER rejette les prétentions du porte-parole de l’ACPG, Patrice Element, à l’effet que la pêche post-moratoire au sébaste sera une pêcherie émergente. «Ce n’est pas une nouvelle pêcherie parce qu’on a fait des débarquements à tous les ans», insiste Denis Éloquin.

De son côté, dans sa Politique sur les nouvelles pêches adoptée en 2008, le MPO y donne comme définition les «pêches portant sur de nouveaux stocks et/ou espèces qui ne sont pas utilisés ou sont sous-utilisés, et qui ne sont pas inclus actuellement dans un plan de gestion.» Est-ce que le sébaste cadre avec cette définition? «Le MPO n’a pas encore décidé si la nouvelle politique de pêche s’appliquera au sébaste de l’Unité 1», nous répond-t-on par courriel.

 

LES POISSONS DE FOND – pages 2 et 3 – Volume 34,5 Décembre 2021-Janvier 2022

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Hélène Fauteux
Hélène Fauteux est diplômée en communications et journalisme de l'Université Concordia. Établie aux Îles-de-la-Madeleine depuis 1986, elle a développé une solide expertise en matière de pêche et de mariculture.
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