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La dernière estimation de la population de phoques du Groenland indique une forte baisse du nombre d’individus

Le ministère des Pêches et des Océans (MPO) apporte une correction à la baisse de 38 % à sa dernière estimation de la population de phoques du Groenland datant de 2017. En réunion annuelle de son comité consultatif de gestion, en décembre, il a expliqué avoir revu son modèle de dynamique des populations en 2019 lorsqu’il s’est rendu compte que ses données ne concordaient plus avec ses relevés aériens de nouveaux nés, comme c’était le cas depuis le début des années 2000.

Le chercheur émérite à la retraire Mike Hammill, qui est cosignataire du rapport scientifique sur la nouvelle approche de modélisation, explique principalement le décalage par la détérioration du couvert de glace sous l’effet des changements climatiques; un facteur qui n’était jusque-là pas pris en compte de manière systématique et rigoureuse.

«Avec l’ancien modèle, notre base de données n’incorporait que le recensement aérien, le taux de reproduction et l’information sur les prises de chasse, précise-t-il. Mais depuis la fin des années 1990, début 2000, on a remarqué que la glace s’est grandement détériorée. Elle était vraiment mauvaise dans le Golfe, surtout en 2010-2011, et même les autres années qui ont suivi, à tel point que l’industrie touristique [d’observation des blanchons] a elle-même annulé ses activités. Donc, si les conditions ne sont pas bonnes pour le tourisme, elles ne sont pas bonnes pour les phoques non plus. Mais ce qui nous surprend un peu, c’est que les conditions se détériorent aussi au large de Terre-Neuve, où normalement les quantités de glace qui descendent sur les côtes du Labrador sont importantes. On voit également que la fréquence des tempêtes augmente, ce qui fait que ça casse toutes les banquises, comme dans le Golfe. Et par ricochet les petits se noient, ce qui augmente de beaucoup la mortalité juvénile.»

Ainsi, l’estimation d’abondance des phoques du Groenland de l’Atlantique Nord-Ouest n’est plus que de 4,7 millions d’individus, contre une évaluation de 7,6 millions en 2017. M. Hammill rapporte que le taux de mortalité des phoques juvéniles a lui-même triplé par rapport aux années 1970-1980, étant passé de 25 % – 30 % à 75 %. Ce déclin du nombre d’animaux avant l’atteinte de leur maturité vers 5-8 ans, est non seulement dû à la dégradation de la banquise essentielle à la survie des nouveaux nés, mais aussi à la forte densité de la population et à la grande compétition que cela engendre entre les individus pour se nourrir.

«Et un des changements qu’on a apportés à notre modèle d’évaluation, c’est qu’au lieu d’avoir un taux fixe de mortalité des juvéniles pour toute la série temporelle, ce taux va fluctuer en fonction des conditions de glace qu’on observe à chaque année, souligne le chercheur. Ça va nous donner plus de flexibilité, parce que l’ancien modèle était plutôt rigide. Quand qu’il n’y avait pas de chasse, il donnait automatiquement une hausse de la proportion de juvéniles dans la structure d’âge, alors qu’en réalité elle a beaucoup diminué à partir de 1995-2000 en raison du manque de glace.»

PROCHAINE ÉVALUATION

D’ailleurs, le modèle bonifié de dynamique de population dont se servira à l’avenir le MPO pour évaluer l’abondance des phoques du Groenland intègre désormais des données sur la structure d’âge de la population. Ces données sont compilées depuis 1990 dans le cadre d’un programme terre-neuvien d’échantillonnage annuel. «Quand on ajoute la structure d’âge dans le modèle, on obtient des informations sur la proportion de jeunes animaux qui ont survécu et qui sont présents dans la population, poursuit Mike Hammill. Ça nous donne un meilleur portrait du pourcentage des animaux d’âge différents qu’on voit chaque année – la proportion de mâles, femelles, petits et adultes – et donc ça nous donne un outil pour évaluer le changement dans le taux de mortalité des juvéniles.»

Le prochain rapport quinquennal d’évaluation de la population des phoques, basé cette fois sur le recensement aérien de 2022, devrait être présenté à la révision par les pairs scientifiques en octobre prochain. Est-ce qu’on doit s’attendre à une nouvelle baisse sous la barre des 4,7 millions? Mike Hammill ne veut pas s’avancer tant que les analyses sont toujours en cours. «Une chose que j’ai apprise avec les années, c’est de ne pas donner une prévision, dit-il. Mais ça me surprendrait si ça augmentait beaucoup, si ça revenait à une évaluation de 5,5 ou 6 millions. Je dirais aussi que si les conditions de glace continuent à se détériorer, probablement que le taux de mortalité des juvéniles va continuer à augmenter au-delà de 75 %.»

SCEPTICISME

De son côté, le directeur de l’Association des chasseurs de phoques intra-Québec (ACPIQ), Gil Thériault, émet des réserves face à la révision à la baisse de 38 % de l’abondance des phoques du Groenland en lien avec les mauvaises conditions environnementales propices à la survie des juvéniles. «Si les scientifiques ont à ce point sous-évalué l’impact des changements climatiques ces dernières années, cette fois-ci, ils l’ont peut-être surévalué, relève-t-il. Cette baisse ne reflète pas ce que les pêcheurs et les chasseurs voient sur le terrain, du côté de Terre-Neuve en particulier.»

Aussi M. Thériault se demande-t-il si les phoques du Groenland n’ont pas la capacité de s’adapter aux conditions changeantes de la banquise, comme l’ont fait les phoques gris. «Au début 2000, les sciences nous disaient que le phoque gris était une espèce qui met bas sur les glaces; il n’y a pas de glace, il va y avoir des problèmes. Et à l’intérieur de 10-15 ans, le phoque gris s’est adapté complètement. Aujourd’hui, il met bas sur les berges et la population continue à monter. Et là, ils viennent nous dire que pour les phoques du Groenland, pas de glace, c’est catastrophique. Les deux espèces sont-elles à ce point différentes? C’est sûr que ça questionne pas mal d’affaires!»

Cela dit, Mike Hammill qualifie de normales, les questions soulevées par le directeur de l’ACPIQ. Il nous apprend que le MPO a convenu d’inviter des experts représentant l’industrie de la chasse à l’évaluation par les pairs scientifiques du recensement 2022, afin de prendre en compte leurs commentaires. Gil Thériault déplore cependant avoir dû décliner une telle invitation par le passé parce qu’elle impliquait la lecture préalable de plusieurs documents scientifiques et un déplacement de deux semaines à  Terre-Neuve aux frais de l’ACPIQ «pauvre comme Job»

PHOQUES COMMUNS

D’autre part, signalons que le MPO a pour la première fois évalué l’ensemble de la population de phoques communs de l’Atlantique, au cours des années 2019-2022, qu’il estime à un peu plus de 25 000 individus. Bien que M. Hammill anticipait un nombre deux fois plus important, il croit que c’est quand même «assez abondant». À son avis, les mortalités associées au virus de la grippe aviaire H5N1 qui a affecté le troupeau de l’estuaire du Saint-Laurent en 2022, n’ont pas eu d’impact notable sur le décompte global. «On a eu quelques cas de H5N1 dans l’estuaire du Saint-Laurent et un petit peu dans le Golfe à l’été 2022, mais l’an dernier on n’a pas eu de mortalité lié au virus, ce qui est bien. Donc, on n’a pas d’inquiétude», soutient-il.

Enfin, en ce qui concerne le phoque gris, le prochain recensement est planifié pour 2025. On se rappellera que lors de la révision par les pairs scientifiques du précédent décompte de 2021, le MPO en avait aussi revu son abondance à la baisse. La population globale pour l’Est du Canada n’était alors estimée qu’à 366 000 têtes, contre 424 000 cinq ans plus tôt, et ce, en raison d’un ralentissement de sa croissance. Le nouveau taux de croissance, passé de     5 % qu’il était en 2016 à 2 %, était lui-même attribué au plafonnement de la population de phoques gris qui ne comptait que pour un millier d’individus dans les années 1980. La population a également subi une forte baisse de son taux de survie, lequel n’est plus que de 10 % à 20 % chez les juvéniles de zéro à 4 ans, contre 70 % – 80 % il y a une quarantaine d’années.

Quoi qu’il en soit, la prédation par les phoques demeure l’une des principales problématiques pour l’avenir des pêcheries, selon les discussions de la dernière réunion annuelle du Comité de liaison avec les pêcheurs québécois (voir page 26). Tandis que chaque phoque du Groenland consomme plus ou moins une tonne de poissons et crustacés par année, ce volume varie entre 1,5 et 2 tonnes chez les phoques gris adultes. Du point de vue scientifique, cependant, Mike Hammill fait remarquer que seule la prédation par les phoques gris a jusqu’ici été reconnue comme étant un frein au rétablissement de la morue, effondrée en raison de la surpêche. «À ce que je sache, la prédation par les phoques n’a pas eu un impact important sur le déclin d’autres espèces halieutiques du Golfe, comme le hareng et le maquereau», conclut le spécialiste en mammifères marins.

REPÈRE – page 33 – Volume 37,1 Février-Mars 2024

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Hélène Fauteux
Hélène Fauteux est diplômée en communications et journalisme de l'Université Concordia. Établie aux Îles-de-la-Madeleine depuis 1986, elle a développé une solide expertise en matière de pêche et de mariculture.
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