Bien qu’éreintés au terme de la saison 2023 du homard qui fut particulièrement venteuse, les pêcheurs madelinots sont très heureux de leurs bilans individuels. «Avec plus de 40 000 livres, je suis vraiment content de mes prises; ç’a bien été!, se réjouit Nicolas Chevarie, capitaine du LOUZACK de la Pointe-Basse depuis 7 ans. Mais c’est dur physiquement, sur le corps, de se faire brasser à pratiquement tous les jours à cause du vent.»
M. Chevarie, qui pêche du côté sud de l’archipel, rapporte avoir perdu deux journées de travail en raison des mauvaises conditions météorologiques. Il est aussi souvent parti du quai beaucoup plus tard qu’à l’habitude, le temps que la mer se calme.
Quant à Germain Cyr, capitaine du DOUBLE 00 CYR de Grande-Entrée, également situé du côté sud du territoire, il affirme n’avoir jamais vu autant de vent en 35 ans de carrière. «On parle de changements climatiques; il y a clairement quelque chose qui se passe, observe-t-il. Pêcher dans des vagues de 10-12 pieds, c’est épuisant. C’est stressant. On fait un métier dangereux. On est vraiment chanceux qu’il n’y ait pas eu plus de catastrophe. Il y a un monsieur qui est tombé à l’eau à Grande-Entrée, heureusement sans conséquence.»
Tout compte fait, M. Cyr n’a perdu qu’une seule journée de pêche, cette saison. Il se félicite même d’avoir battu son propre record en termes de captures. Et il se garde bien de se juger téméraire. «C’est un métier compétitif, c’est un métier qui est dur, souligne-t-il. Qu’il vente ou pas, on n’a pas le choix de sortir. On n’a que 54 jours pour gagner notre vie; on ne peut pas se permettre de rester à quai. Sinon, tu ne deviens pas pêcheur.»
Or, son confrère Jean-Philippe Miousse de Pointe-aux-Loups, dont le havre de pêche situé du côté nord est mal abrité, a perdu jusqu’à cinq jours de pêche parce que les sorties étaient justement trop périlleuses. «Du vent à tous les jours, c’est vraiment pas le fun, laisse tomber le capitaine du ALYCIA JUSTIN. Les quatre premières semaines ont commencé mollo en termes de captures; les vents ont soufflé en continu de l’Est-Nord-Est. On n’a eu que trois jours, en mai et au début juin, à ne pas se faire brasser. Puis à partir de la 5e semaine, ça s’est replacé. La température a été plus clémente pour nous. Ça avait plus d’allure.»
Aussi M. Miousse, qui en était à son 6e printemps à titre de capitaine-propriétaire, qualifie-t-il sa saison 2023 de normale, avec son total de prises en légère baisse par rapport à 2022.
Pour ce qui est du capitaine du CLARA LAURIE de Millerand, Pascal Vigneau, qui pêche également du côté du nord, il rapporte une stabilité de ses débarquements globaux avec l’an dernier. «Des journées de vrai beau temps, on n’en a pas eu beaucoup, commente ce pêcheur qui cumule à son compte 20 ans d’expérience. La pluie et la brume, on travaille avec ça assez bien. Mais le vent Est-Nord-Est, ce n’est pas fameux.»
Cela dit, comme tous les pêcheurs de homard des Îles questionnés par Pêche Impact, le capitaine du CLARA LAURIE affirme être satisfait du prix moyen de 7,67 $/lb payé à quai cette saison. «Comparé au crabe [payé seulement 2 $/lb], on pensait que ça serait pire que ça cette année, dit-il. Ça fait que c’est quand même une saison qui fait du sens!»
Nicolas Chevarie note que la saison a débuté avec une valeur au débarquement de 7,70 $/lb, suivie d’une baisse à 7,31 $/lb, puis d’une remontée constante pour atteindre 8,25 $/lb à la 9e semaine. «Il ne faudrait pas que le prix vienne trop haut comme le crabe et que le monde se tanne», indique le capitaine du LOUZACK. «Et même si le prix est un peu plus bas que celui de 2022, dans le contexte de la pandémie et de la guerre en Ukraine, on peut faire brûler des lampions!», conclut pour sa part Germain Cyr.
LES ÎLES-DE-LA-MADELEINE – page 7 – Volume 36,3 Juin-Juillet-Août 2023