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L’Institut Maurice-Lamontagne poursuivra ses travaux de collecte de données sur les requins blancs pour une troisième année

L’Institut Maurice-Lamontagne (IML), de Mont-joli, entreprendra l’été prochain sa troisième année de collecte de données sur les  requins blancs autour des Îles-de-la-Madeleine. Pour détecter ceux munis d’un émetteur acoustique, 10 hydrophones sont déployés de la fin juin au début décembre dans les trois colonies de phoques gris de l’archipel, au Corps Mort, au Rocher aux Oiseaux et à l’Île Brion. L’IML cherche surtout à quantifier l’impact potentiel de ce grand prédateur venu du sud sur le comportement alimentaire des loups-marins.

Le chercheur Xavier Bordeleau, spécialisé en écologie des pinnipèdes et en relations proies-prédateurs, indique que l’importante présence de requins blancs recensée autour des Îles pousserait les phoques sur les berges à se protéger. Cela diminuerait potentiellement d’autant le temps qu’ont ces derniers pour s’alimenter. «La question ultime, c’est quel impact aura le requin blanc sur la population de phoques gris, expose le scientifique de l’IML. Combien de phoques chaque requin peut-il consommer par unité de temps et est-ce que ce sera assez important pour réguler la population du phoque gris, qui est lui-même un important prédateur de poissons dans la chaine trophique? C’est assez difficile à documenter, mais c’est fascinant comme travaux!»

L’IML travaille en étroite collaboration avec la chercheure Heather Bowlby, scientifique en chef du Laboratoire canadien de recherche sur les requins de l’Atlantique à l’Institut d’océanographie de Bedford, qui suit la migration des requins blancs en eaux canadiennes depuis 2018. Mme Bowlby est elle-même associée aux travaux du Atlantic White Shark Conservancy de Nouvelle-Angleterre. Elle explique que les Américains ont mis en place un programme d’étiquetage de ces grands prédateurs dès 2010, pour mieux en connaître la distribution. «Les premiers signalements de requins blancs en eaux canadiennes remontent aux année 1890, souligne la chercheure. Et selon nos données jumelées à celles des États-Unis, la proportion des animaux détectés au Canada entre 2010 et 2020 était stable.»

D’ailleurs, l’an dernier, ce sont une quarantaine de requins blancs qui ont été détectés dans les eaux à proximité des colonies de phoques gris de l’archipel madelinot. Cela représenterait environ 20 % des quelques 200 individus de la région de Cape Cod, au Massachussetts, et de la Nouvelle-Écosse à être munis d’un émetteur acoustique. Or, tous n’étaient pas autour de l’archipel en même temps, commente la chef de laboratoire. «Ce n’est pas comme si 20 % de la population de   requins traînait autour des Îles-de-la-Madeleine, pour ainsi dire. On peut détecter un animal pour un total de cinq minutes, un autre pendant toute une semaine, ou encore un autre pour la durée d’une journée.»

ESPÈCE MÉCONNUE

De plus, la chercheure fait remarquer qu’il y a aussi d’importantes agglomérations de requins blancs en Floride, où il n’y a pas de programme de marquage. Et, comme ils appartiennent à la même population d’animaux qui circulent du sud des États-Unis jusqu’à Terre-Neuve-et-Labrador en passant par le golfe du Saint-Laurent, il y a fort à parier que leur nombre autour des Îles à l’été 2022 était supérieur à 40. «C’est fort probable que des animaux remontent jusqu’ici depuis la Floride, affirme Heather Bowlby. Ce sont de très grands migrateurs qui ont besoin de nager pour respirer. Chacun peut parcourir plus de 10 000 km par année!»

Cependant, on ne connait encore que très peu de choses au sujet de la population de requins blancs de l’Atlantique nord-ouest. S’agglomèrent-ils en Floride et à Cape Cod pour se reproduire? «On ne le sait pas, admet la scientifique du MPO. Il y a des évidences à l’effet que certains individus mettent bas aux alentours de New York, parce qu’on a réussi à y étiqueter de très jeunes animaux. Et on a remarqué que leur agrégation à Cape Cod n’a commencé à s’y développer que lorsque la population estivale de phoques est elle-même devenue très abondante dans la région.»

Aussi est-ce, selon toute vraisemblance, l’importante population de phoques gris du golfe du Saint-Laurent qui les attire plus au nord, soutient Mme Bowlby. «Les eaux canadiennes sont très productives durant l’été, ce qui nous amène de nombreux migrants saisonniers tels que le thon bleu, les requins et autres espèces pélagiques, dit-elle. Ils tirent avantage de nos ressources pour se nourrir.»

ESTIMES D’ABONDANCE

D’autre part, des travaux sont en cours aux États-Unis afin d’obtenir un premier estimé d’abondance de la population de requins blancs spécifique à la région de Cape Cod. Pour ce faire, les chercheurs combinent le marquage des animaux à l’observation visuelle de ceux dont la coloration est bien distinctive. «Quand on aura cet estimé d’abondance de la population de requins de Cape Cod, on pourra dire – sachant que 20  % de cette population vient au Canada – que ça représente tel nombre d’animaux», précise la scientifique en chef du Laboratoire canadien de recherche sur les requins de l’Atlantique.

Elle note aussi que les émetteurs acoustiques qu’on insère sous la nageoire dorsale des requins blancs grâce à un harpon, ont une durée de vie utile d’environ 10 ans. C’est pourquoi le Canada et les États-Unis ont un programme annuel d’étiquetage, de sorte à maintenir aux environs de 200 le nombre d’animaux marqués. «En termes de données canadiennes, ce qu’on espère obtenir à moyen terme, c’est un indice d’abondance de la population de requins blancs grâce à leur détection acoustique dans les secteurs qu’ils fréquentent, poursuit la chercheure. Essentiellement, ça nous dirait si l’abondance augmente ou diminue au fil du temps, mais ça ne nous donnerait pas un nombre précis. Ça nous dirait simplement, en comparaison avec l’année précédente, si on en voit plus ou si on en voit moins.»

C’est pourquoi le laboratoire de Heather Bowlby est partenaire des travaux initiés par Xavier Bordeleau en 2021, tant aux Îles-de-la-Madeleine que dans les secteurs de Forillon en Gaspésie et de Kouchibougouac au Nouveau-Brunswick. Afin d’estimer l’abondance des grands prédateurs venus du sud dans nos eaux et d’en étudier les interactions avec les phoques gris, le MPO dispose non seulement d’émetteurs acoustiques accrochés aux   requins et d’hydrophones qui agissent comme récepteurs, il déploie aussi deux différents types de technologies sur les phoques gris pour que tous ces systèmes communiquent entre eux. M. Bordeleau installe ainsi un émetteur satellite sur la tête des loups-marins, de même qu’un appareil hybride sur leur dos qui a la double fonction d’émetteur-transmetteur et de récepteur acoustique.

«Cet appareil hybride devient un récepteur acoustique mobile qui permet de voir les zones d’interaction entre les deux espèces quand elles arrivent à proximité l’une de l’autre, fait valoir le chercheur de l’IML. Il en transmet ensuite les données par Bluetooth à l’émetteur satellite sur la tête de l’animal. Celui-ci peut nous les communiquer à son tour en temps réel   ou encore emmagasiner les informations jusqu’à ce qu’on récupère l’appareil quand les animaux s’agglomèrent pour la mise-bas.»

ESPÈCE EN PÉRIL

Notons par ailleurs que le Comité sur la   situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) considère depuis 2006 le requin blanc de l’Atlantique nord-ouest comme une espèce en voie de disparition; un statut qui a été reconfirmé en 2021. Dès lors, le ministère des Pêches et des Océans est tenu d’élaborer un plan de protection de son habitat, un mandat qui échoit à la scientifique en chef du Laboratoire canadien de recherche sur les requins de l’Atlantique.

C’est une raison de plus qui explique pourquoi Heather Bowlby s’intéresse aux colonies de phoques gris qui attirent les  requins blancs. «Ces travaux spécifiques à l’Île Brion et à l’Île de Sable, en Nouvelle-Écosse, permettront d’identifier l’habitat  essentiel du requin blanc en vertu de la Loi canadienne sur les espèces en péril et d’évaluer l’importance du phoque gris comme source de nourriture pour l’espèce», nous informe la chercheure.

Il appartiendra ensuite au MPO de gérer les habitats jugés critiques pour ces grands prédateurs et de déterminer les activités humaines qui y seraient permises ou non. «La gestion des pêcheries, ce n’est pas mon champ d’expertise, relève Mme Bowlby. Mais si je ne me trompe pas, les colonies de phoques gris de l’Île de Sable et de l’Île Brion sont, dans l’ordre, les deux plus importantes au monde. Alors, je ne penserais pas que la récolte des phoques gris poserait une menace pour les requins blancs.»

Le rapport de Heather Bowlby, pour désigner les habitats critiques pour la protection du requin blanc au Canada, est attendu pour la fin de 2025.

RECHERCHE SCIENTIFIQUE – pages 16-17 – Volume 36,2 Avril-Mai 2023

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Hélène Fauteux
Hélène Fauteux est diplômée en communications et journalisme de l'Université Concordia. Établie aux Îles-de-la-Madeleine depuis 1986, elle a développé une solide expertise en matière de pêche et de mariculture.
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