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Nomination de Diane Lebouthillier à la tête de Pêches et Océans : une opportunité, mais de grosses attentes de l’industrie québécoise

Après Ernest Lapointe, natif du Bas-Saint-Laurent qui fut ministre de la Marine et des Pêcheries sous Mackenzie King de 1921 à 1924, Diane Lebouthillier, députée de la Gaspésie et des Îles qui a vu le jour à Newport, est la seconde élue de la Chambre des communes originaire de l’Est du Québec à détenir le portefeuille du ministère fédéral des pêches depuis la Confédération de 1867!

Entre les deux, Pierre de Bané, né en Palestine de parents libanais qui ont émigré au Québec en 1947 et qui a siégé comme député de Matane pendant 16 ans, a occupé la fonction de 1982 à 1984.

«Ça fait 42 ans d’attente avant de voir notre députée régionale nous rejoindre dans notre secteur d’activité qui est la pêche, résume O’Neil Cloutier, président de l’Alliance des pêcheurs professionnels du Québec (APPQ). Sa nomination nous est une agréable surprise! Je trouve que c’est vraiment intéressant parce qu’elle connaît la pêche – ça, c’est sûr – et elle a de bonnes organisations de pêcheurs dans sa région qui vont pouvoir l’alimenter, si besoin est, des réalités du terrain. Et je pense qu’il faut se saisir de cette opportunité pour essayer de marquer l’histoire.»

Le président de l’APPQ, qui traduit en ces quelques mots les attentes très élevées des pêcheurs à l’endroit de Mme Lebouthillier, estime entre autres que la nouvelle ministre des Pêches et des Océans et de la Garde côtière canadienne (MPO) doit donner un «sérieux coup de barre» pour redonner préséance à la gestion des ressources, dominée de manière improductive, à son avis, par les sciences.

«On croit que les sciences ont plus de pouvoir sur les décisions ministérielles que la gestion, affirme-t-il. C’est la gestion elle-même qui devrait gérer les pêches. Les sciences ne devraient avoir qu’un pouvoir de réglementation strict. Mais ce n’est pas ça qui se passe, présentement. Le MPO a beaucoup de difficulté à voir ce qui se passe réellement parce que la gestion est menottée. Et c’est pour ça qu’il n’y a rien qui bouge, qu’il n’y a aucune décision qui se prend. C’est sclérosé. On tourne en rond. Alors, ça prend un renouveau. Ça prend des décisions!»

À cet effet, O’Neil Cloutier est notamment persuadé qu’il est grand temps que le MPO autorise une pêche au homard à plus grande échelle dans la portion nord de la Gaspésie. La ressource explose sous l’effet des changements climatiques entre Rivière-à-Claude et Matane, expose-t-il, alors que seulement quatre pêcheurs n’y ont que des permis exploratoires. Et sur la Côte-Nord, où la pêcherie prend également de l’ampleur avec le réchauffement de l’eau qui favorise le déplacement de la ressource, le président de l’APPQ note que dans le secteur de Sept-Îles seulement huit détenteurs de permis commerciaux évoluent sur 600 km de littoral.

«En comparaison, dans mon secteur du sud de la Gaspésie entre Percé et Cap-d’Espoir, sur deux km de côte, on est cinq pêcheurs de homard, indique M. Cloutier. Et, comme représentant d’organisation – ça fait 33 ans que je fais ça –,  il n’y a rien de plus formidable que d’assister au départ d’une nouvelle pêcherie. On travaille tous pour innover, consolider, développer. Mais jusqu’à présent, on avait beau envoyer des lettres, elles sont toutes restées lettres mortes parce que la section gestion du MPO n’arrive pas à franchir le mur des sciences.»

Quant à Clovis Poirier, président du Regroupement des pêcheurs de la Haute et Moyenne-Côte-Nord, lorsque questionné sur ses attentes vis-à-vis de la nouvelle ministre du MPO, il nous répond tout simplement qu’il «endosse totalement les priorités de l’Alliance».

SÉBASTE

Cela dit, la réouverture de la pêche commerciale au sébaste dans l’Unité 1 du golfe du Saint-Laurent après 28 ans de moratoire est sans contredit une autre décision ministérielle qui se fait cruellement attendre. D’autant plus que, selon les plus récentes données du MPO, la population de poisson rouge comptant pour plus de 90 % des organismes vivant dans les profondeurs du Golfe avec une biomasse sans précédent estimée à 3,2 millions de tonnes métriques (TM), consomme plus de 200 000 tonnes de crevette par année. En contrepartie, le quota global de ce petit crustacé rose en déclin n’était plus que de 14 500 TM en 2023, en baisse de près des deux tiers par rapport à 2010.

Face à la perspective d’une nouvelle réduction de ce taux de prises admissibles sous la barre de 10 000 TM en 2024, Claudio Bernatchez, directeur général de l’Association des capitaines-propriétaires de la Gaspésie (ACPG), appelle à une gestion intégrée des ressources fondée sur une approche écosystémique. «On veut s’assurer qu’on pêche la crevette encore très long longtemps, souligne-t-il. Et pour ce faire, il faut qu’on comprenne ce qui se passe dans le Saint-Laurent. Il faut qu’on commence à considérer les impacts d’une ressource sur une autre lorsque vient le temps de prendre des décisions.»

Aussi M. Bernatchez presse-t-il la ministre Lebouthillier de rouvrir la pêche au sébaste pour en diminuer la prédation sur la crevette. «Il faut prendre action et essayer de favoriser le meilleur équilibre possible, insiste le dg de l’ACPG. Et ce n’est pas juste pour créer un équilibre crevette-sébaste. Il y a aussi la cohabitation du turbot avec le sébaste à considérer, tout comme celle du phoque avec la morue.»

Or, le partage des quotas de poisson rouge entre les communautés côtières qui cernent le Golfe ne se fera pas sans heurts. Tandis que tous s’entendent pour réclamer de Diane Lebouthillier la reconnaissance de la part historique du Québec de 33,18 %, les pressions viennent de tout bord tout côté pour ravir à Madelipêche sa propre quote-part d’avant moratoire qui comptait pour 75 % du contingent québécois global.

«La primauté doit aller à la part historique provinciale, soutient à ce sujet, le dg de l’Association québécoise de l’industrie de la pêche (AQIP), Jean-Paul Gagné, pour qui l’automne s’annonce chaud. Dans la crevette, on a une diminution des captures sur un moyen temps et le flétan du Groenland, qu’on appelle communément le turbot, on n’en prend presque plus. Alors, quelles seront les conséquences pour les pêcheurs et les usines? La saison 2024 est à nos portes. Il faut que ça bouge!»

À ce sujet, une vaste coalition de pêcheurs du Québec, de Terre-Neuve et du Nouveau-Brunswick prône un nouveau partage de la ressource sébaste au profit de l’ensemble des détenteurs de permis de pêche au poisson de fond à engin mobiles, de sorte à favoriser une meilleure distribution de la richesse. «Il faut se donner la peine de voir comment on peut optimiser la valeur associée à la ressource, plaide le dg de l’ACPG, Claudio Bernatchez. Et je suis convaincu qu’ensemble, pêcheurs et transformateurs, on va arriver à faire de quoi qui est intéressant, au profit de tous.»

MADELIPÊCHE

Sur cette question du sébaste, le président du Rassemblement des pêcheurs et pêcheuses des côtes des Îles (RPPCI), Charles Poirier, dit s’attendre à un partage équitable qui tienne compte de l’historique de pêche de l’archipel madelinot. «On sait que la grosse allocation que le Québec devrait recevoir, c’est grâce à l’allocation de Madelipêche, fait-il valoir. Il va falloir en donner à tout le monde, mais j’espère que les Îles vont être privilégiées dans le partage de cette ressource.»

En ce qui concerne Paul Boudreau, gestionnaire de Madelipêche justement, il maintient qu’Ottawa doit respecter la part historique de sébaste que détenaient les grandes sociétés de transformation avant le moratoire de 1995. Il fait valoir que même si Madelipêche n’a plus d’usine, elle détient toujours ses permis de pêche hauturière, en plus d’avoir un lien de coactionnariat avec l’entreprise de transformation Fruits de Mer Madeleine et ses pêcheurs semi-hauturiers.

«Et nous, on pense que l’équité, c’est de tenir compte de ceux qui ont été là tout au long du moratoire pour faire de la recherche et faire le suivi scientifique du sébaste, déclare-t-il. Madelipêche a toujours participé à la recherche scientifique depuis le début des années 2000. Le suivi de la ressource a été fait par les grandes entreprises. Donc, on pense que cette ressource-là devrait être partagée en fonction des parts historiques, comme ça été fait antérieurement dans la majorité des pêcheries.»

M. Boudreau se porte également en faux contre la vaste coalition de pêcheurs côtiers qui réclame 50 % du futur quota de pêche au poisson rouge de l’Unité 1 du Golfe, parce qu’à son avis, les bateaux de 45-50 pieds ne sont pas adaptés à la pêcherie. «De tous les temps, ça été une pêcherie qui s’est faite avec des bateaux plus imposants, capables d’aller pêcher au chalut pélagique dans des zones plus difficiles, signale-t-il. C’est une pêcherie qui se fait à l’automne et à l’hiver et c’est une pêcherie de volume. Pour développer un marché, ça prend un approvisionnement continu et des garanties d’approvisionnement suffisant. Personne n’est intéressé à acheter un conteneur de sébaste et à en avoir un autre deux mois après. Il va falloir valoriser l’espèce et s’assurer qu’on soit sur le marché quasi à l’année sinon on va avoir une pêcherie moribonde, à très faible valeur ajoutée.»

CRABE ET BALEINES

D’autre part, le RPPCI souhaite notamment éclaircir la question du partage des allocations de crabe avec la ministre Lebouthillier, pour éviter que le MPO n’exerce à nouveau des pressions indues auprès de son organisation, comme il l’a fait le printemps dernier en tentant de trouver une voie de compensation pour les pêcheurs de petites plies aux fins d’appâts affectés par la fermeture de leur pêcherie.

De plus, son président espère une révision du protocole de fermeture des zones de pêche lorsqu’une baleine noire en route vers ses aires d’alimentations est signalée au large des Îles-de-la-Madeleine. Charles Poirier précise que le RPPCI a mandaté la chercheure spécialisée en écologie des mammifères marins, Lyne Morissette, pour étayer les fondements scientifiques de sa requête d’assouplissement logée en 2022. «Les baleines, c’est une véritable épée de Damoclès : on ne sait jamais ce qui va nous arriver, fait-il remarquer. Ça fait qu’avec Diane Lebouthillier, on va devoir avoir de bonnes discussions pour connaître son enlignement et travailler ensemble pour essayer de trouver une meilleure gestion de ce protocole-là.»

Quant aux pêcheurs semi-hauturiers de crabe des neiges, ils comptent sur la nouvelle ministre des Pêches et des Océans pour établir une date fixe d’ouverture de la pêcherie du sud du Golfe, au début avril, afin de leur donner amplement le temps de capturer leurs quotas respectifs avant l’arrivée des baleines et ainsi minimiser les risques d’interactions avec les mammifères menacés d’extinction.

«On espère que ça se règle une fois pour toutes, que ce soit plus clair et qu’il n’y ait plus de trainage au printemps, explique Daniel Desbois qui préside tant la Fédération des pêcheurs semi-hauturiers du Québec (FPSHQ) que l’Association des crabiers gaspésiens (ACG). Parce qu’on se met prêts beaucoup plus tôt que traditionnellement et il y a toujours des petites choses qui accrochent ici et là malgré le protocole d’ouverture. Par exemple, l’an dernier, même si le Golfe était vraiment libre de glace, on a perdu deux ou trois jours parce qu’il y en avait encore en face du havre de Chéticamp et que les petits bateaux ne pouvaient pas sortir.»

PORTS DE PÊCHE

Par ailleurs, l’ACG compte sur la ministre Lebouthillier pour mener à bien les projets de rénovation du havre de pêche de Newport et d’installation d’une grue-portique à Grande-Rivière. «Ça ne relève pas tout de son ressort, reconnaît Daniel Desbois, mais on a quelques dossiers qui cheminent avec elle depuis quelques années et on espère que ça va aboutir très rapidement. Pour le havre, qui est à refaire complètement, la première phase va commencer cet automne. Ça reste un dossier qu’on travaille depuis un bon moment.»

Même son de cloche dans l’archipel madelinot où le capitaine du Cap-Adèle et trésorier de la FPSHQ, Marcel Cormier, appelle Diane Lebouthillier à presser le pas dans la réalisation des travaux de réfection du port de Cap-aux-Meules, pour lesquels le premier ministre Trudeau a annoncé une enveloppe de 40 millions $ en août 2022. «C’est une urgence, exhorte M. Cormier. On nous dit qu’il est délabré et l’année d’après, on installe des bittes neuves et on dit qu’il est correct. Il y a quelqu’un qui conte des blagues là-dedans! Et pour la grue-portique, pour qu’on puisse monter des bateaux plus longs et plus lourds, bien, il va falloir qu’on réorganise les abords du quai pour que ce soit assez fort. Et il n’y a toujours rien de fait encore. C’est tout sur projet, sur papier, mais il n’y a rien qui avance.»

MINISTRE DISPONIBLE

Autrement, tous les représentants de l’industrie de la pêche questionnés par Pêche Impact se félicitent de ce que non seulement la nouvelle ministre du MPO connaisse déjà très bien leurs dossiers et préoccupations, en tant que député de la Gaspésie et des Îles, mais aussi du fait qu’elle soit facilement accessible. «Avec tous nos projets qui s’en viennent et les  enjeux liés aux pêcheries, c’est très   encourageant d’avoir dans ce poste-là quelqu’un qui connaît bien la région et est tellement proche des Îles-de-la-Madeleine», se réjouit James Derpak, directeur général de Fruits de Mer Madeleine. «Et en plus de ça, elle est francophone, ajoute Marcel Cormier. Mme Joyce Murray faisait bien ce qu’elle pouvait, mais elle ne pouvait pas dire un mot de français!»

«Nous avons très bien réagi à la nomination de Diane Lebouthillier, parce que jusqu’à présent elle a toujours acheminé les demandes qu’on lui avait adressées, renchérit Jean-Paul Gagné de l’AQIP. Nous avons toujours eu une bonne collaboration avec elle. Mais l’ancienne ministre [Joyce] Murray, elle, pouvait mettre des mois à nous répondre, si elle répondait. Et c’est pour ça qu’on pense qu’avec Mme Lebouthillier, c’est une bonne amélioration aux Pêches et Océans.»

Le ministre André Lamontagne, de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec a pour sa part salué la nomination de sa nouvelle vis-à-vis fédérale par le biais des réseaux sociaux. «Il y a plusieurs dossiers dans le secteur des pêches et la collaboration du fédéral est  essentiel pour la suite», a-t-il publié sur X (Twitter). M. Lamontagne a aussi profité de l’occasion pour remercier la prédécesseure de Diane Lebouthillier, Joyce Murray, «pour la qualité des échanges durant son mandat».

NOMINATION – pages 8-9 – Volume 36,4 Septembre – Octobre – Novembre 2023

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Hélène Fauteux
Hélène Fauteux est diplômée en communications et journalisme de l'Université Concordia. Établie aux Îles-de-la-Madeleine depuis 1986, elle a développé une solide expertise en matière de pêche et de mariculture.
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