Mise en branle le 27 mars, la saison de pêche au crabe de la zone 16 a été marquée par des conditions de navigation exécrables, principalement lors des premières semaines. Bien que le crustacé soit au rendez-vous, les crabiers de la Moyenne-Côte-Nord fustigent contre le prix offert au débarquement qu’ils jugent trop bas.
Cette année, le total autorisé des captures (TAC) de la zone 16 a été établi à 3067,48 tonnes, ce qui correspond à une baisse de 5 % par rapport à celui qui prévalait l’an dernier. Le quota individuel moyen des crabiers traditionnels du Groupe A est d’environ 150 000 livres. La pêche est d’une durée de 14 semaines et doit prendre fin au plus tard le 2 juillet.
Le rythme des débarquements a été soutenu durant la majeure partie de la saison, sauf à l’ouest, où les captures ont été moins importantes, surtout en début de saison.
Bonne saison
De l’avis du directeur de l’Office des pêcheurs de crabe des neiges de la zone 16, Jean-René Boucher, la saison s’est somme toute bien déroulée, principalement au chapitre des captures.
Selon le directeur des pêches des communautés innues d’Ekuanitshit et de Pakuashipi, la saison a, en général, été assez bonne, même si le départ en mer a été retardé de deux semaines en raison d’un accident lors duquel deux de leurs membres se sont noyés. De plus, la mauvaise température a plombé plusieurs journées de pêche. «En début de saison, ça a été terrible, se souvient Guy Vigneault. On a été huit jours sans lever les cages!»
Les pêcheurs des communautés innues auront effectué une quinzaine de sorties en mer. Dans l’ensemble, les rendements de captures par casier des sept bateaux de la flotte sont très bons, juge M. Vigneault.
Démarcation entre les secteurs
Les secteurs les plus productifs se situaient à l’est, où le crabe était un peu plus gros, selon Jean-René Boucher. C’est ce que confirme aussi Guy Vigneault. Selon lui, le phénomène avait déjà été observé l’année passée, mais il s’est exacerbé cette saison.
«À l’ouest, le crabe était petit, indique M. Boucher. Par contre, c’est positif pour les années à venir!» Guy Vigneault arrive au même constat. «À l’ouest, les sciences prétendent que, d’ici deux ans, il va y avoir du crabe en abondance.»
Il existe donc une réelle démarcation entre les secteurs. «Ce n’est pas la première fois, soulève le directeur de l’Office. Il y a un effet d’alternance.» Il faut dire que la zone 16 est très étendue. Elle s’étire de Baie-Trinité à Natashquan.
Négociations décevantes pour les crabiers
Lorsque vient le temps de dresser un état de situation au chapitre des négociations avec les transformateurs concernés pour le prix au débarquement, Jean-René Boucher pèse ses mots.
«On est déçu de l’état d’avancement des choses parce qu’au Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie, le crabe a été payé à des prix avoisinant les 7 $ et 7,25 $ la livre, alors que nous, on a 5 $. Les usines ont peur du marché, alors que le crabe s’écoule au fur et à mesure. Personne ne reste pris avec des inventaires. Le crabe se négocie à très bon prix avec un taux de change intéressant.»
Guy Vigneault est tout aussi outré de la différence de prix. «Ça fait quatre à cinq semaines qu’on demande de réajuster le prix et rien n’aboutit.» Selon lui, le crustacé de la Côte-Nord n’est pas différent de celui de la Gaspésie. L’impasse perdure depuis deux ans, fait savoir celui qui est aussi président de l’Office des pêcheurs de crabe des neiges de la zone 16.
Pour Jean-René Boucher, cette situation envoie un bien mauvais signal. «C’est comme si le crabe de la Côte-Nord était moins important. Les usines de la Côte-Nord et de la Gaspésie vendent aux mêmes gens. Tout se mélange!»
L’Office va continuer à négocier tant et aussi longtemps que ses membres n’auront pas obtenu un juste prix. «On aimerait en arriver à une entente négociée pour ne pas se retrouver devant la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec, souhaite M. Boucher. Mais il va falloir qu’il y ait une ouverture et une réelle volonté du côté des transformateurs!»
Le directeur général de l’Association québécoise de l’industrie de la pêche (AQIP) justifie le maintien du prix à 5 $ par une incertitude qui persiste. Serge Fortin l’explique par des inventaires élevés, bien qu’il admette que les ventes se portent bien, sans pour autant que la demande soit plus forte que l’offre. Pour sa part, le dirigeant estime que les négociations vont bon train avec l’Office des pêcheurs.
Bonne réponse des marchés
Du côté de la transformation, le directeur général de l’AQIP estime que les activités vont rondement. «Sans être exceptionnelle, la saison va bien, fait savoir Serge Fortin, qui représente les usines de Poséidon à Longue-Pointe-de-Mingan, d’Umek à Sept-Îles et de Crustacés Baie-Trinité dans la municipalité du même nom. Il resterait de 20 à 30 % de quotas à rentrer.»
Le début de la saison a été marqué par une incertitude économique causée par les déclarations du président des États-Unis, Donald Trump. Selon M. Fortin, celle-ci s’est traduite lors du plus récent Seafood Expo North America de Boston. «Certains clients attendaient avant de s’engager. Mais les prix se sont maintenus.» Il en vient à la conclusion qu’il y a une demande pour le crabe du Québec.
Le marché québécois répond si bien qu’une bonne partie du volume de crabe transformé s’est écoulée, confirme le dirigeant de l’AQIP. «En début de saison, le produit s’est écoulé au Québec plus que la normale.»
Avec un budget qui a été presque doublé, la campagne publicitaire de l’AQIP bat son plein. L’organisme a eu des discussions avec les instances gouvernementales pour stimuler l’achat. Avec l’aide de Québec, l’AQIP souhaite élargir ses programmes de promotion.
Selon Serge Fortin, les grandes chaînes d’alimentation québécoises ont un engouement pour le crabe. «Plusieurs membres ont eu des discussions avec les grandes chaînes et ont eu une belle réception. On sent une ouverture de leur part à prioriser l’achat local.»
LA MOYENNE-CÔTE-NORD – page 21 – Volume 38,2 Mai-Juin-Juillet 2025
