vendredi, décembre 13, 2024
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Pêche au homard : enfin un financement pour la recherche

Les demandes répétées des organisations de pêcheurs et autochtones de la Côte-Nord semblent finalement porter fruit. Un protocole de recherche de l’Agence Mamu Innu Kakussesht (AMIK) sur la situation du homard pourra enfin aller de l’avant. Cette étape est un préalable à l’obtention éventuelle de nouveaux permis de pêche au homard en Moyenne et Haute-Côte-Nord puisque le ministère des Pêches et des Océans (MPO) martèle qu’il lui faut d’abord s’assurer que le homard est en bonne situation.

Biologiste de formation, Serge Langelier est directeur des pêches à l’Agence Mamu Innu Kakussesht (AMIK), qui soutient les communautés innues dans le développement durable de cette industrie. «C’est une excellente nouvelle, c’est la base. A partir de là, on va pouvoir passer aux étapes suivantes», commente-t-il. Il rappelle à quel point ce «go» était attendu.

«Depuis trois ou quatre ans, c’est incroyable le nombre de versions du protocole de recherche qu’on a présentées au Fonds des pêches du Québec pour étudier la situation du homard. Malgré toute l’énergie qu’on a mise avec les experts de Merinov, ce n’est qu’aujourd’hui qu’on obtient les fonds», indique M. Langelier. Au moment d’écrire ces lignes, il ignorait quel montant sera octroyé par le MPO et le MAPAQ, qui gèrent conjointement le Fonds des pêches du Québec.

La toute dernière version du protocole sera lancée en mai. «On a des détails à régler, mais c’est la course effrénée parce qu’on veut être le plus rapide possible.»

Mais attention, il y a loin de la coupe aux lèvres. «On va avoir des pêches scientifiques pendant quelques années avant d’avoir une pêche exploratoire. C’est un processus long et fastidieux et si on avait eu les autorisations plus tôt, on serait rendu plus loin. Mais pour le moment, on se réjouit et c’est avec un grand plaisir qu’on va procéder», souligne M. Langelier.

Tous les indicateurs pointent vers une forte progression des stocks de homard, selon les intervenants du secteur.

«Que ce soit les observations qu’on fait  de visu, la progression des rendements de pêche, tout tend vers ça. On espère maintenant pouvoir en faire la preuve scientifique pour que la pêche puisse se développer», mentionne Serge Langelier.

Le homard semble profiter, pour le moment du moins, du réchauffement du milieu marin.

«Contrairement à la crevette, le homard aime l’eau un peu plus chaude. Si on décolle le nez de l’arbre, on voit qu’en Nouvelle-Angleterre, l’eau est en voie de devenir trop chaude pour le homard alors qu’ici, on est allé chercher les quelques dixièmes de degrés qui font que l’habitat est plus favorable», explique M. Langelier.

Mais cette situation ne sera pas éternelle. «On a juste à penser au crabe des neiges en Alaska où l’eau s’est trop réchauffée et où l’industrie est en train de s’éteindre. Est-ce que ça nous pend au bout du nez ? On sait qu’il y a des changements, mais comment on va les vivre, et quelles vont être les conséquences ?»

D’où l’importance de profiter de la manne durant qu’elle passe. Et pour la durée adéquate.

Si tout se passe bien, le projet de recherche pourrait permettre d’obtenir d’ici quelques années des permis exploratoires afin d’établir un historique de débarquement. «Ces permis exploratoires ne sont pas permanents et si on voit que la ressource connaît une baisse, on peut réagir», rappelle Serge Langelier.

UN INTÉRÊT ÉCONOMIQUE

Quoi qu’il en soit, la pêche au homard est une activité économique non négligeable et de nouveaux permis sont espérés pour permettre aux pêcheurs de la Côte-Nord de générer des revenus qui compenseraient pour certaines pertes associées aux changements climatiques.

«Pour être résilient, il faut avoir des possibilités. Un pêcheur qui a un portefeuille de permis est plus habileté à répondre à certaines situations comme des fluctuations dans les stocks, les prix. Il va aller sur autre chose et il ne sera pas dépendant. Il faut avoir la résilience parce qu’on ne sait pas ce qui nous attend. Il y a un momentum qui ne va pas durer 25 ans. Si on veut que notre industrie soit résiliente, il faut agir», estime  M. Langelier.

Le homard est une pêche lucrative qui a l’avantage d’être destinée en grande partie à un marché local, rappelle-t-il.

«Ce n’est pas un produit juste voué à l’exportation. On évite donc les situations comme pour le crabe actuellement où le marché américain devient saturé quand il y a trop de ressources. Avec le homard, les prix sont intéressants, la durée de pêche permet aux travailleurs des usines de travailer… C’est une activité économique valable, durable. Il faut avoir la chance de la développer», persiste le directeur des pêches de l’AMIK.

Un projet du même type que celui de l’AMIK est mené par la communauté de Natashquan depuis quelques années.

«J’espère qu’on est bien parti et que ça va répondre aux besoins de connaissances que le MPO a exprimés pour qu’on puisse enfin faire avancer la pêche. La pression commençait à être élevée. Est-ce que ce qui leur a fait comprendre que c’est le temps de bouger? On imagine que oui, mais la version officielle, on ne la saura jamais», conclut Serge Langelier.

(Ndlr : ce texte a également été publié dans les journaux des Éditions nordiques.)

«LAISSEZ-NOUS PÊCHER!»

Un Regroupement des Pêcheurs professionnels de la Haute et Moyenne-Côte-Nord, le président Clovis Poirier n’a aucun doute que le protocole de recherche de l’AMIK confirmera ce que les observateurs constatent au quotidien.

Selon lui et plusieurs intervenants du secteur, les quantités de homard sur la Côte-Nord atteignent des sommets. «Il y en a à profusion ! Les pêcheurs les prennent dans les puises à capelan, dans les dragues à crevettes, c’est du jamais vu à la longueur de la côte.»

Mais la lenteur des procédures administratives a jusqu’ici empêché les pêcheurs au homard ou ceux qui voudraient se lancer de profiter de la manne.

Il rappelle que la Haute et la Moyenne-Côte-Nord comptent 450 km de côte, en plus de la rive nord d’Anticosti.

Des 99 permis émis pour la région, 75 sont octroyés à des homardiers de la Basse-Côte-Nord contre seulement 8 dans le secteur de la Moyenne-Côte-Nord.

«Avec Anticosti, on a 10 permis pour 450 km de côte. À l’Alliance des pêcheurs professionnels du Québec, les gens des Îles-de-la-Madeleine et de la Gaspésie nous disent : vous devriez en demander 1 000», lance M. Poirier.

Selon ses chiffres, 700 emplois dépendent de la pêche en Moyenne et Haute-Côte-Nord. «Tout ce monde-là a besoin de la pêche et on va les perdre si on ne réagit pas. C’est les autres régions qui vont nous acheter. Les jeunes nous le disent, faut se méfier», déplore M. Poirier. Tout est pourtant en place pour aller de l’avant avec un élargissement de la pêche.

«On a une entente signée avec les autochtones pour un partage 50/50 des permis. On est bien content de ça. Pour le homard, on est dans la température idéale. Ça va durer peut-être 20 ans et après ça, on le sera plus, on aura manqué notre coup, faut en profiter pendant que ça passe. Y’en a partout du homard, laisse-nous le pêcher !»

(Ndlr : ce texte a également été publié dans les journaux des Éditions nordiques.)

LA CÔTE-NORD – page 10 – Volume 36,2 Avril-Mai 2023

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