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Pêche au sébaste : le moratoire est maintenu pour l’Unité 1 du golfe du Saint-Laurent

La ministre des Pêches et des Océans, Joyce Murray, maintient le moratoire sur la pêche au sébaste de l’Unité 1 du golfe du Saint-Laurent, décrété en 1995, malgré l’absence de justification scientifique.

C’est ce qu’affirme le biologiste Hugo Bourdages, responsable du suivi scientifique de la ressource à l’Institut Maurice Lamontagne (IML), du ministère des Pêches et des Océans (MPO). Dans son plus récent rapport d’évaluation du stock, révisé par les pairs à la mi-mars, il est fait état d’une biomasse de 3,2 millions de tonnes métriques englobant les deux espèces de poisson rouge présentes dans le nord du Golfe, Mentella et Fasciatus. «À lui seul, le stock de Mentella compte pour une biomasse de 2,8 millions de tonnes, souligne le biologiste. Il est près de six fois plus abondant que la population de sébaste des années 1980, qui a soutenu la pêcherie jusqu’en 1995. C’est vraiment énorme!»

M. Bourdages précise que du point de vue statistique, cette abondance de poissons est similaire à l’estimation de 4,3 millions de tonnes obtenue deux ans plus tôt. Aussi serait-il erroné de conclure à une baisse de biomasse de 25 %, soutient-il. «L’intervalle de confiance autour de l’estimation de biomasse est très large. Avec environ 200 traits de chalut réalisés lors du relevé scientifique et avec d’aussi grands nombres, c’est normal de voir de la variabilité entre les années. Les estimations de biomasse des cinq dernières années sont très élevées et comparables statistiquement.»

Paul Boudreau, gestionnaire de Madelipêche est d’accord. «Il n’y a rien d’inquiétant à ces fluctuations de biomasse, assure-t-il. C’est juste que le poisson ne grossit pas aussi vite qu’on s’y attendait et que les intervalles de confiance des estimés sont très grands. Il y a encore du poisson en masse!»

CROISSANCE RALENTIE

Le ralentissement de la croissance des sébastes nés en 2011-2012 et 2013 est d’ailleurs le fait saillant de cette évaluation scientifique 2022. L’IML s’attendait notamment à ce que la majorité de la plus forte cohorte 2011 dépasse les 26,5 cm, l’été dernier, au moment du relevé scientifique du mois d’août, à bord du TÉLÉOST. Or, selon ce que rapporte Hugo Bourdages, leur longueur moyenne variait plutôt entre la taille commerciale de 22 cm et 26 cm.

«En fait, seulement 50 % des poissons avaient dépassé les 24 cm. Ça représente une croissance de seulement un demi centimètre par année, depuis deux ans, calcule le biologiste. Donc, ce qu’on observe, c’est que les cohortes 2011-2012 et 2013 représentent un potentiel de croissance réduit par rapport à la cohorte de 1980, sur laquelle on basait nos prévisions.»

Ce ralentissement de croissance serait dû au fait que les poissons rouges atteignent désormais leur maturité sexuelle à une plus petite taille. Ainsi, alors que dans les années 1980-90 les poissons maturaient à des longueurs entre 20 et 24 cm, voilà qu’aujourd’hui, les poissons maturent à des tailles de 16 à 18 cm. «Un coup que le poisson devient mature, il va mettre plus d’énergie dans la reproduction que dans la croissance», expose M. Bourdages.

La hausse de la température de l’eau dans les profondeurs du chenal laurentien, passée à plus de 6 ˚C contre des valeurs traditionnelles de 4 ˚C à 5 ˚C, combinée à des eaux plus pauvres en oxygène et à des densités de population exceptionnelles, pourrait expliquer pourquoi les petits sébastes sont si pressés de se reproduire. «Ce ne sont que des hypothèses, mais on croit que tous ces éléments environnementaux changeants peuvent stimuler les poissons à perpétuer l’espèce», avance Hugo Bourdages.

«C’est bien connu que lorsque la densité augmente, la maturité sexuelle est atteinte plus jeune, ajoute le chercheur Denis Chabot, spécialisé en écophysiologie des espèces, à l’IML. C’est un mécanisme naturel qui pourrait s’expliquer par un risque accru de mortalité ou un succès reproducteur inférieur si le poisson attend d’être plus vieux pour commencer à se reproduire, en lien, entre autres, avec la quantité de nourriture disponible.»

DEMANDE DU MARCHÉ

De plus, selon Hugo Bourdages, il serait douteux que les récentes générations de sébastes atteignent à court terme une taille de plus de 30 cm, à laquelle le marché était habitué dans les années 1980-90. Le président de Madelipêche, Paul Delaney, ne s’en formalise pas.

«Il existe un marché aussitôt qu’on y met les volumes, fait-il valoir. On l’a vu avec le crabe et avec le homard que s’arrachent les asiatiques, entre autres. Et on l’a vu avec l’aiglefin, une espèce jusque-là considérée comme une commodité : les captures sont passées de 2 000 à 40 000 tonnes en l’espace de 5-6 ans parce que les protéines se font rares sur les marchés.»

M. Delaney s’inquiète davantage du fait que le MPO n’ait pas encore entrepris de démarches pour faire retirer le sébaste de la liste du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC). «C’est une incongruité bureaucratique, dit-il. D’autant plus qu’on sait que le poisson rouge compte pour l’espèce la plus abondante du Golfe, représentant jusqu’à 90 % de ses organismes vivants.»

Le président de Madelipêche, dont la part historique de sébaste s’élève à 25 % du contingent de l’Unité 1, croit que la ministre fédérale des pêches, Joyce Murray, procrastinera tant qu’elle n’aura pas statué sur le nouveau partage de la ressource. «Le lobby des pêcheurs côtiers de Terre-Neuve, représentés par la FFWA (Fish, Food and Allied Workers Union) est très puissant, relève M. Delaney. Avec une coalition de pêcheurs québécois, ils réclament 50 % du quota. Et tant qu’ils n’obtiendront pas de garanties en ce sens, ils vont s’opposer au retrait du sébaste de la liste du COSEPAC.»

«GRENOUILLAGE»

Paul Delaney qualifie ces pressions de «grenouillage». À son avis, elles expliqueraient pourquoi le MPO a décidé d’annuler la réunion du comité consultatif de gestion du sébaste, qui devait normalement suivre la revue scientifique par les pairs. «Je crois que la ministre nouvellement nommée n’a certainement pas eu le temps d’approfondir tous ses dossiers et est à la merci de ses conseillers, ajoute M. Delaney. Ça pourrait expliquer le délai pour cette année.»

Questionné à cet effet, le cabinet de la ministre Murray nous répond qu’il prévoit tenir la prochaine réunion du comité consultatif en 2023, «en prévision d’une éventuelle saison». «Le comité consultatif sur le sébaste ne se réunit normalement pas chaque année», nous écrit-on par courriel.

Le ministère indique également que «le maintien du plan de gestion actuel donnera au MPO plus de temps pour finaliser les décisions d’accès et d’allocation pour la future pêche commerciale, et pour travailler avec les intervenants sur un plan de gestion de la pêche. Cela permettra également au MPO de recueillir des données supplémentaires sur les prises de l’espèce avant l’ouverture de la pêche.»

Par ailleurs, la ministre Murray n’accorde pas d’importance au fait que le sébaste mentella du golfe du Saint-Laurent et du chenal Laurentien soit considéré comme une espèce en voie de disparition par le COSEPAC, dont la dernière évaluation remonte à avril 2010. «Le COSEPAC est un organisme indépendant, dont les recommandations servent à informer le ministre de l’Environnement, énonce l’attachée de presse de Joyce Murray, Claire Teichman. En revanche, le Registre public des espèces en péril du gouvernement du Canada est considéré comme un organisme plus officiel et aucune espèce de sébaste de l’Unité 1 du Golfe n’y est pas inscrite.»

LES POISSONS DE FOND – page 26 – Volume 35,2 Avril-Mai 2022

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Hélène Fauteux
Hélène Fauteux est diplômée en communications et journalisme de l'Université Concordia. Établie aux Îles-de-la-Madeleine depuis 1986, elle a développé une solide expertise en matière de pêche et de mariculture.
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