samedi, avril 27, 2024
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Plan de transition robuste des pêches ou plutôt celui de la controverse ?

Qui l’eût cru ? Le plan de transition pour l’avenir des pêches au Québec et dans le Canada atlantique du gouvernement libéral de Justin Trudeau, et annoncé par la ministre fédérale des Pêches Diane Lebouthillier, continue de susciter davantage la controverse que les applaudissements depuis son dévoilement le 26 janvier dernier.

Ce plan de transition, qui vient enfin confirmer presque 30 ans plus tard la reprise tant attendue de la pêche commerciale au sébaste de l’Unité 1 avec un TAC minimal de 25 000 tonnes en 2024, devait à la base être porteur de beaucoup d’espoir pour l’ensemble des communautés côtières visées.

L’occasion était pourtant belle pour le ministère des Pêches et des Océans de profiter de ce moment historique pour faire la démonstration, qu’à l’avenir, l’exploitation d’une ressource, qui a déjà fait l’objet d’un moratoire en raison d’une surexploitation non contrôlée à une autre époque, devrait d’abord être guidée par des principes de pêche durable et responsable, contrairement à ceux qui ont prévalus dans le passé.

Qu’à cela ne tienne et au-delà du quasi-maintien des parts historiques des provinces concernées, mais bien pour des raisons politiques évidentes, le gouvernement de Justin Trudeau a plutôt choisi de maintenir une pratique de pêche avec en premier plan le retour de la flottille des navires de plus de 100 pieds dans le golfe du Saint-Laurent. Une flottille de pêche qui a contribué à l’effondrement des stocks de sébaste au milieu des années 1990. Les témoignages entendus récemment par d’anciens capitaines de ces grands navires ont de quoi être inquiétants.

Ainsi, en accordant près de 60 % du contingent total alloué à cette flottille de pêche hauturière, Ottawa prend le gros pari que la pérennité de cette ressource et de cette pêcherie seront assurées à l’avenir. Les sceptiques n’auront jamais été aussi nombreux à l’égard de la gestion d’une pêcherie dont on craint également le retour des bateaux-usines.

Il n’en fallait pas plus dès le départ pour soulever la déception observée chez les ministres provinciaux des pêches du Québec, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve-et-Labrador, en plus de provoquer la consternation, la frustration et la colère des flottilles de pêche côtière et semi-hauturière de ces mêmes provinces. Seule la Nouvelle-Écosse est demeurée bien discrète depuis cette annonce puisqu’elle sort grande gagnante de cette large répartition de la ressource accordée au profit de la flottille hauturière.

De plus, présentement, la ministre Lebouthillier demeure seule à défendre l’argument de son gouvernement et de son ministère à l’effet que les retombées économiques pour les communautés côtières du Québec et dans le Canada atlantique qui découleront des activités de pêche de la flottille hauturière seront toutes aussi importantes que celles qui prévaudront pour l’ensemble des autres flottilles de pêche et les usines de transformation concernées par la levée du moratoire de la pêche au sébaste. Toutefois, aucune statistique officielle à l’appui n’est venue confirmer cette affirmation jusqu’à présent.

Un grand oubli injustifié et inexplicable

D’autre part, ce plan de transition, qualifié de robuste par le gouvernement du Canada, a aussi été l’occasion pour le ministère fédéral des Pêches de statuer sur le sort réservé à court terme à l’industrie de la capture de la crevette de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent. Un secteur d’activité qui traverse depuis quelques années une crise sans précédent en raison de l’effondrement confirmé de l’état des stocks.

Dans le contexte actuel, les attentes des propriétaires des quelque 90 entreprises de pêche touchées du Québec, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve-et-Labrador demeuraient plus que réalistes quant à l’annonce du contingent global et qui s’est finalement traduit par des allocations totales de 3 060 tonnes pour la saison 2024. Pour le Québec, cela ne représente plus qu’un maigre 2 millions de livres à capturer et à transformer. Plus concrètement, pour les crevettiers gaspésiens, cela signifie également un quota individuel de 50 000 à 60 000 livres de crevette, soit l’équivalent d’un seul voyage de pêche.

Pour espérer demeurer en vie et être capable d’opérer minimalement leur entreprise de pêche, les crevettiers des trois provinces concernées misaient beaucoup sur la réouverture de la pêche commerciale au sébaste. Un accès à cette ressource qui a grandement contribué à détruire leur gagne-pain principal en raison de sa prédation énorme sur le petit crustacé, en plus des effets néfastes des changements climatiques. C’est aussi sans oublier une gestion déficiente du gestionnaire principal de la ressource quant au contrôle de la population fulgurante de ce même sébaste ces dernières années.

Si l’allocation de 10 % du total autorisé des captures de sébaste aux Premières nations n’a pas fait grand bruit, parce que réconciliation oblige dans ce dernier cas, il en est tout autrement pour celle identique allouée aux crevettiers. Au Québec, une fois cette répartition établie entre les principaux récipiendaires, cela veut dire des prises individuelles d’environ    70 000 livres. Encore une fois, cette maigre quantité n’équivaut qu’à une ou au mieux à deux sorties de pêche.

Les coûts d’exploitation annuels des crevettiers se calculent en centaines de milliers de dollars en temps normal. Comment, à court terme, plusieurs d’entre eux peuvent-ils espérer être épargnés d’une faillite certaine ou d’un arrêt de mort avec des revenus qui deviendront aussi anémiques lors des prochains mois ?

Avec un prix moyen approximatif de 1,50 $ la livre et peut-être légèrement supérieur pour la crevette et un autre prix pouvant varier de 0,30 $ à 0,50 $ pour le sébaste, actuellement, les revenus bruts des crevettiers pourraient atteindre à peine les 125 000 $. Même en doublant le contingent minimal de sébaste de 25 000 à 50 000 tonnes pour 2024, les crevettiers demeureront déficitaires et imagez ceux qui doivent en plus composer avec un lourd endettement.

Le jumelage de plusieurs permis à bord d’un navire, autant pour la crevette que pour le sébaste, n’est qu’une bien mince tentative de consolation pour essayer d’atténuer la crise chez les crevettiers. Avec cette permission, la ministre Lebouthillier tient à éviter à tout prix que les crevettiers deviennent des pêcheurs de salon ! Ce souhait ne se réalisera malheureusement pas parce qu’un minimum de rentabilité ne serait assuré que pour une poignée d’entre eux s’ils décidaient d’appliquer cette possible mesure de gestion.

L’accès au sébaste pour les crevettiers est un pas dans la bonne direction. Ça, personne ne le conteste. Cependant, à court terme, en attendant des jours meilleurs, l’absence fortement décriée d’un plan d’urgence accompagné de mesures de soutien et d’aides transitoires, dont un programme de rachats de permis pour adapter dès maintenant la capacité de capture de la crevette à la biomasse disponible, fait cruellement défaut.

Ce grand oubli injustifié et inexplicable de la part du gouvernement fédéral contraste énormément avec le passé alors qu’il était intervenu financièrement à la rescousse de plusieurs flottilles de pêche en difficulté au Québec et au Canada atlantique. Ce grand oubli, et tous les problèmes qui en découlent tant pour les secteurs de la capture que de la transformation, se retrouvent maintenant sur le dos des provinces impliquées.

A-t-on besoin de rappeler que lors de l’imposition des moratoires sur la pêche à la morue et au sébaste dans les eaux canadiennes au milieu des années 1990 que plus de 3 milliards $ avaient été consentis par la suite, par le gouvernement libéral de l’époque, pour soutenir des dizaines de milliers de personnes de toutes les composantes de ces industries et leurs collectivités par le biais d’une panoplie de mesures d’aides diverses, dont des programmes de rachats de permis. Et qu’en 2009, le gouvernement conservateur déboursait 65 millions à l’endroit des flottilles de homardiers du Canada atlantique et du Québec pour pallier, entre autres, à une chute importante de leurs revenus.

Mieux encore, au fil des années, plusieurs centaines de pêcheurs de poisson de fond, qui avaient choisi de demeurer actifs malgré la crise, ont ensuite eu droit à un accès permanent à une ressource lucrative tel le crabe des neiges. Même scénario à l’égard de plusieurs organisations de pêcheurs de homard afin de les aider à restructurer leur industrie de la capture et en mettant en place des mesures de conservation et de protection additionnelles de leur ressource.

Alors, la question qui tue : pourquoi les crevettiers sont-ils victimes d’un tel traitement actuellement alors que ceux énoncés ci-haut ont déjà été tellement profitables pour d’autres à un certain moment donné ? La loi du nombre ne devrait pas jouer contre les crevettiers. Il ne sera jamais trop tard pour rectifier le tir de ce plan de transition des pêches parce qu’il demeure, jusqu’à preuve du contraire, injuste et inéquitable à l’endroit d’une flottille de pêche en piteux état. Mais le temps presse.

Enfin, au moment de mettre sous presse, les travaux du comité consultatif sur le sébaste se mettaient en branle du 4 au 7 mars pour, entre autres, statuer sur un total autorisé des captures définitif pour la prochaine saison qui pourrait s’amorcer le 15 juin. À suivre.

ENTRE-NOUS – page 05 – Volume 37,1 Février-Mars 2024

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Robert Nicolas
Robert Nicolas est actif depuis près de 30 ans dans le domaine des communications et de l’information reliées plus spécifiquement au secteur des pêches et de l’aquaculture commerciales. Détenteur d’un baccalauréat en Information-communication de l’Université de Moncton, il agit à titre de collaborateur du journal Pêche Impact dès sa naissance en 1988, pour ensuite en devenir le coordonnateur/rédacteur en chef en 1992 jusqu'à aujourd'hui. Observateur privilégié de l’évolution de l’industrie durant toute cette période, Robert Nicolas devient le responsable du Bureau école-industrie de l'École des pêches et de l'aquaculture du Québec (ÉPAQ) en 2011 où il met au profit de cette institution d'enseignement ses connaissances des enjeux et des réalités propres à chacune des régions maritimes du Québec.
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