samedi, avril 27, 2024
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Réouverture de la pêche au sébaste ou miroir aux alouettes ?

L’annonce de la réouverture de la pêche commerciale au sébaste et du plan de transition du ministère fédéral des Pêches et des Océans (MPO) semblait être une bonne nouvelle dans sa forme. Mais, il en est autrement dans le fond qui, lui, est très décevant. C’est du moins ce qui résume les réactions des intervenants interviewés par Pêche Impact, tant du côté de la capture que de la transformation en Gaspésie.

«C’est une bonne nouvelle en soi, mais c’est le comment qui ne fonctionne pas», commente le directeur général de l’Association des capitaines-propriétaires de la Gaspésie (ACPG). Claudio Bernatchez rappelle que les pêches commerciales font vivre des centaines d’équipages de bateaux, de travailleurs d’usines et d’entreprises de services connexes, que ce soit les épiceries ou celles spécialisées dans l’entretien et la réparation de bateaux ou encore dans la fourniture de biens et de services pour les usines.

«Ce sont des retombées économiques pour nos enfants», soutient M. Bernatchez. Il qualifie donc l’annonce du MPO de malheureuse. «C’est une occasion ratée de faire du bien autour du golfe du Saint-Laurent!»

L’annonce de la ministre des Pêches et des Océans provoque une grogne qui, depuis le 26 janvier, n’a cessé de monter. Si Diane Lebouthillier semblait fière d’annoncer un «plan de transition robuste», le dirigeant de l’ACPG estime que ce plan n’a absolument rien de robuste. Pour les crevettiers, la quantité de crevette et de sébaste à pêcher ne leur permettra pas de faire tourner leur entreprise. Ils appréhendent aussi que les entreprises de transformation soient hésitantes à procéder aux modifications nécessaires à la transformation du sébaste. «Avant d’investir des millions $ en usine, on va être prudent», confirme Olivier Dupuis, directeur général des Pêcheries gaspésiennes, de Rivière-au-Renard.

SATISFACTION SUR FOND D’INQUIÉTUDE POUR LES TRANSFORMATEURS

Le directeur général de l’Association québécoise de l’industrie de la pêche (AQIP) est satisfait que la demande de ses membres ait été entendue pour rouvrir la pêche commerciale au sébaste. Cependant, le volume de 25 000 tonnes n’est pas suffisant, estime Jean-Paul Gagné, d’autant plus que les crevettiers n’auront que 10 % de ce quota. «Il faudrait que ce soit augmenté à 75 000 tonnes», évalue-t-il.

Olivier Dupuis corrobore ces propos. Spécialisée dans la transformation de poissons de fond, son usine a été l’une des rares au Québec maritime à avoir effectué des essais de transformation du sébaste. «C’est un pas dans la bonne direction, croit-il. On est content de la réouverture de la pêche commerciale pour développer les marchés. Le potentiel est là. Par contre, la manière dont ça a été réparti nous préoccupe.»

Des défis se présentent aussi aux transformateurs : la petite taille et le faible prix de l’espèce. À défaut d’un grand volume, M. Dupuis espère créer une plus-value au produit et valoriser les résidus.

PÉRIODE D’AJUSTEMENT ET D’ADAPTATION POUR LES USINES

La reprise de la pêche au sébaste nécessitera une période d’ajustement et d’adaptation pour les usines intéressées par la transformation de ce poisson. S’il admet qu’elles ont encore beaucoup de travail à faire, Jean-Paul Gagné assure néanmoins qu’elles seront prêtes.

Pour faciliter la diversification des activités des usines, l’AQIP préfère recourir, de l’avis de M. Gagné, à un programme d’aide plus rapide que le Fonds des pêches du Québec. Ce programme donnera l’occasion à des industriels d’aller visiter des usines en Europe qui disposent de l’équipement pour transformer le sébaste, vérifiant du même coup si celui-ci est adaptable à la leur.

Pour le porte-parole des Pêcheries gaspésiennes, le Fonds des pêches représente un bon outil pour obtenir du financement pour l’acquisition de nouveaux équipements. M. Dupuis est cependant embarrassé par le fait que la ministre priorisera les projets inhérents à la transformation du sébaste, alors qu’il est important, pour son entreprise, de continuer à diversifier ses activités.

COMMERCIALISATION

L’AQIP aura fort à faire dans la commercialisation du sébaste, selon son porte-parole. «Les chaînes d’alimentation québécoises prennent du sébaste. Mais, on a de la concurrence d’ailleurs. Donc, elles peuvent jouer sur les prix.» Olivier Dupuis constate cette concurrence. «La Nouvelle-Écosse est déjà sur le marché. On n’est pas bienvenu. Il y a de la pression et des baisses de prix.»

Jean-Paul Gagné est néanmoins confiant que les consommateurs québécois sauront intégrer cette espèce à leur alimentation. Olivier Dupuis observe déjà la tendance. «Les gens n’avaient pas l’habitude de manger du sébaste et maintenant, ils en achètent. Ils partagent des recettes sur les réseaux sociaux. En conserve, c’est excellent.» Le directeur général de l’usine de Rivière-au-Renard souligne que le fameux poisson rouge est consommé ailleurs dans le monde. D’ailleurs, l’entreprise est en pourparlers avec des acheteurs d’Europe, d’Asie et des États-Unis. «On a envoyé des échantillons et on attend des retours.»

Le milieu de la restauration, de l’hôtellerie et de l’institutionnel au Québec est une avenue à explorer. «Depuis 2023, on développe le produit avec l’hôtellerie, les restaurants et les chaînes, confirme M. Dupuis. On a mis le pied presque partout. Ce ne sera pas de gros volumes, mais on a du stock en inventaire et ça sort.»

RETOUR DES BATEAUX-USINES

Claudio Bernatchez est étonné que la part d’accès réservée aux navires de plus de 100 pieds soit aussi élevée que 60 %. «La ministre m’avait dit que la priorité devrait être donnée aux pêcheurs et aux Premières Nations. Le 26 janvier, les bras m’ont tombé. Je me suis pincé et me suis demandé si c’était un mauvais rêve!»

Les pêcheurs craignent que le retour des bateaux de plus de 100 pieds dans le golfe ait un impact sur d’autres espèces, notamment en raison des prises accessoires. «Ça va impacter des ressources comme le flétan de l’Atlantique et du Groenland, appréhende Claudio Bernatchez. Ça n’aidera pas les pêcheurs côtiers ou de poisson de fond, dont certains peinent à s’en sortir. Si on permet le retour de ces bateaux pour pêcher le sébaste, est-ce qu’on va leur permettre de pêcher le hareng et le maquereau comme avant?» Selon le porte-parole de l’ACPG, l’industrie a l’impression d’être revenue au milieu des années 1970. «On a carrément manqué le bateau», s’insurge-t-il.

Olivier Dupuis est lui aussi inquiet de la part accordée aux grandes corporations. Il craint que son entreprise n’ait accès à encore moins de ressources que la quantité qu’elle a traitée avec la pêche scientifique.

L’industrie de la capture de la crevette réclamait un plan d’urgence comprenant des mesures d’aide transitoires et un programme de rachat de permis. «Depuis deux ans, ces demandes ont été répétées et c’est une fin de non-recevoir», déplore M. Bernatchez.

MOROSITÉ

L’incertitude, le désarroi et le désespoir sont palpables chez les membres de l’ACPG, constate son directeur général. Celui-ci observe tout de même de la résilience chez ceux qui veulent continuer à pêcher. «Il faut continuer à avoir des pêcheurs! C’est l’économie de plusieurs communautés qui est en jeu. À Rivière-au-Renard, le titre de «Capitale des pêches du Québec» en prend pour son rhume! C’est plus de 95% de nos membres qui sont affectés par des diminutions de stock ou des moratoires.»

En collaboration avec leurs homologues du sud de la Gaspésie, de la Basse-Côte-Nord, des Îles-de-la-Madeleine, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve-et-Labrador, les membres de l’ACPG poursuivront leurs actions de mobilisation. «On va faire du bruit tant et aussi longtemps qu’on ne sera pas entendu à notre pleine satisfaction, promet Claudio Bernatchez. Notre combat n’est pas juste pour les crevettiers; c’est pour l’industrie au complet et pour les communautés côtières.»

Dans les prochaines semaines, M. Bernatchez prévoit démontrer, chiffres à l’appui, les dommages collatéraux causés par ces annonces à la suite du dépôt d’une étude d’impact économique commandée par la MRC Côte-de-Gaspé.

ACTUALITÉ – page 06 – Volume 37,1 Février-Mars 2024

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