L’Institut Maurice-Lamontagne (IML) se porte en faux contre une récente publication du journal Les Affaires laissant planer un doute sur la pérennité des populations de homard nord-américain. Le journal québécois reprend une déclaration de l’ex-président de l’Association des pêcheurs du Maine, Dave Cousens, au New York Times, selon qui la pêcherie s’effondrera d’ici 30 ans à cause du réchauffement climatique.
LE CANADA N’A PAS À S’INQUIÉTER
En fait, depuis le début des années 1980, le réchauffement graduel des eaux du golfe du Maine a favorisé la progression des débarquements de homard de cet état de la Nouvelle-Angleterre. Or, selon ce que rapporte le New York Times, cette industrie d’un demi-milliard de dollars a vu ses débarquements baisser de 17 %, l’an dernier, passant de 133 à 111 millions de livres, à cause du réchauffement qui s’y poursuit plus rapidement que partout ailleurs dans le monde.
Cependant, le chercheur scientifique Bernard Sainte-Marie, de la Direction des sciences démersales et benthiques de l’IML, explique qu’on assiste plutôt à un changement de distribution des stocks du sud vers le nord. «Il y a un déplacement des centres de productivité des espèces d’eau froide vers le Nord et des espèces tempérées vers le Nord aussi, à mesure que le réchauffement rend les eaux défavorables aux premières – les espèces d’eau froide – ou bien non favorables aux deuxièmes – les espèces d’eaux tempérées ou chaudes.»
Le homard, lui, est une espèce qui est confortable en milieu tempéré, comme le golfe du Saint-Laurent. Les régions de la Gaspésie, de la Côte-Nord et de l’île d’Anticosti profitent d’ailleurs d’une abondance nouvelle, ces dernières années, grâce à un réchauffement de leurs eaux au-delà des 10-12 degrés Celcius, souligne M. Sainte-Marie. «Dix, douze degrés, c’est limite pour qu’il puisse boucler son cycle de vie et être très productif, dit-il. Donc, quelques degrés de réchauffement vont déjà augmenter énormément sa productivité.»
En revanche, une température supérieure à 25-26 degrés Celcius devient létale pour les homards, précise le chercheur de l’IML. Il dit qu’au sud de la Nouvelle-Angleterre, le réchauffement pousse les larves vers le large, dans un habitat moins propice à leur développement.
GUERRE COMMERCIALE
Dans un autre ordre d’idées, les actions de l’administration Trump à l’encontre du commerce international risquent de provoquer une nouvelle récession mondiale, selon l’économiste néo-brunswickois Pierre-Marcel Desjardins. Et l’industrie de la pêche n’y échapperait pas, dit-il. Le professeur titulaire et directeur de l’École des hautes études publiques de l’Université de Moncton appréhende tout particulièrement les impacts qu’auront la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis.
De l’avis de M. Desjardins, les droits de douane dont sont frappées les exportations américaines vers la Chine depuis le 6 juillet, pourraient faire mal à l’industrie canadienne du homard. Il explique que ça risque d’augmenter l’offre sur le marché domestique nord-américain et de créer une pression à la baisse sur les prix. «C’est que le homard américain qui ne pourra pas être vendu sur le marché chinois va aboutir en quelque part. Et donc, ça va faire augmenter l’offre sur le marché domestique aux États-Unis et potentiellement sur d’autres marchés où nous sommes présents».
De plus, en réaction à la fermeture du marché chinois, Pierre-Marcel Desjardins croit que le président Trump pourrait décider de faire obstacle au crustacé canadien, par mesure protectionniste. «Si on impose des barrières douanières, des barrières tarifaires à la frontière américaine pour le homard canadien, on réalise que c’est l’effet domino, dit-il; ce sont les tarifs chinois qui ultimement vont nous pénaliser pour le marché américain. Donc, tout ça n’augure absolument pas bien.»
Inversement, les exportateurs canadiens qui font affaire directement avec la Chine, pourraient tirer parti de l’absence de concurrence américaine dans ce pays, concède l’économiste néo-brunswickois. Il note aussi qu’ils sont déjà avantagés par l’entente de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne.
ENVIRONNEMENT – page 26 – Volume 31,4 – Septembre-Octobre-Novembre 2018