mardi, octobre 15, 2024
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Un nouveau projet de marquage du homard a débuté aux Îles-de-la-Madeleine

Un nouveau projet de marquage du homard de la zone 22 des Îles-de-la-Madeleine, afin d’en suivre le déplacement, a débuté au cours de la saison dernière. Le Rassemblement des pêcheurs et pêcheuses des côtes des Îles (RPPCI) qui en a pris l’initiative à la demande de ses membres est appuyé par l’équipe des sciences du ministère des Pêches et des Océans (MPO), pour la région des Maritimes. Cette dernière procède déjà depuis 2021 au marquage de 4 000 homards par année sur la côte atlantique de la Nouvelle-Écosse, allant de la zone 27 sur la pointe nord-est du Cap-Breton, à la zone de pêche 32 au sud de Halifax.

«Est-ce que le homard migre? Comment? Est-ce que la migration du homard du sud du Maine a un impact sur toutes les autres régions? Bref il y a toutes ces questions générales que soulèvent les pêcheurs, explique le biologiste qui coordonne les projets scientifiques du RPPCI, Jean-François Laplante. Et ils se questionnent aussi sur la dynamique locale de la population de homard, à savoir si les individus du sud des Îles migrent au nord, et inversement.»

À ce propos, le biologiste du homard à la direction régionale du MPO à Halifax, Ben Zisserson, affirme d’entrée de jeu qu’il est erroné de croire que le homard de la Nouvelle-Angleterre puisse se déplacer jusque dans le golfe du Saint-Laurent. «Que le homard en tant qu’individu bouge sur de très grandes distances est une fausse croyance assez répandue, dit-il. Ce n’est absolument pas le cas. Ce qui se passe, c’est que c’est l’environnement qui devient plus ou moins favorable pour la croissance des homards. Nous avons plus de production d’œufs, un plus haut taux de survie des petits homards parce que l’habitat de certaines régions devient plus propice à la survie des crustacés. Ce n’est pas du homard du Maine qui marche jusqu’aux Îles-de-la-Madeleine! C’est tout simplement le centre de la population qui s’est déplacé vers l’est et vers le nord.»

En fait, selon les données que recueille le MPO avec son programme de marquage des homards de la côte est de la Nouvelle-Écosse, il s’avère que certains crustacés peuvent parcourir jusqu’à 500 mètres par jour. Ben Zisserson raconte que cette distance a été établie après qu’un pêcheur eût capturé un spécimen étiqueté deux semaines plus tôt et en ait rapporté les coordonnées de localisation. «Pour être clair, la migration est un mouvement de masse dans une certaine direction, ajoute, pour sa part, Benoît Bruneau, biologiste responsable de l’évaluation du stock des Îles à l’Institut Maurice-Lamontagne. Le homard ne migre pas, sauf pour sa migration saisonnière quand il part de la côte et va en eaux plus profondes et qu’ensuite, au printemps, il retourne en eaux moins profondes. En dehors de cette migration, il peut y avoir des déplacements parallèles à la côte. Par exemple, quand il revient de son site d’hivernage, il peut décaler plus vers l’est ou plus vers l’ouest.»

INTERACTIONS INTERRÉGIONALES ?

Cela dit, le biologiste Ben Zisserson admet que les stocks des différentes zones de pêche de homard (ZPH) du Canada atlantique pourraient interagir entre eux. «Le homard est géré par ZPH et on ne tient pas compte des mouvements entre ces zones, relève-t-il. Et donc notre projet, pour mieux comprendre l’ampleur des déplacements des crustacés, pourrait bien permettre de combler le manque d’information à cet effet.»

Le biologiste du MPO à Halifax dit d’ailleurs enregistrer un nombre annuel grandissant de rapports de homards étiquetés dans les ZPH 27 à 32 exploitées par environ un millier de pêcheurs. Depuis 2021, il estime que le quart d’entre eux lui ont signalé la capture de prises étiquetées. Et cette année encore, il dit en avoir obtenu aux alentours de 350 signalements. M. Zisserson préfère d’ailleurs parler de taux de signalement, justement, plutôt que de recapture, puisque ce ne sont pas nécessairement tous les pêcheurs qui prennent le temps de lui fournir les données souhaitées lorsqu’ils constatent la présence de homards étiquetés dans leurs casiers.

«C’est un processus entièrement volontaire, indique-t-il. Quand nous marquons les homards, nous enregistrons leur sexe et leur taille. Et la collaboration des pêcheurs nous est essentielle pour qu’ils nous rapportent par la suite le numéro de l’étiquette de chaque individu repêché durant la saison de pêche commerciale, de même que sa localisation et la date. Nous leur demandons aussi de fournir, lorsque possible, une photo du spécimen au côté de leur instrument de mesure [utilisé pour valider la taille légale des captures].»

Ben Zisserson fait ainsi valoir que les  signalements de recapture des crustacés étiquetés lui permettent non seulement d’en suivre les déplacements, mais aussi le taux de croissance et le pattern de mue. «Et je suis très content de l’adhésion des pêcheurs madelinots à ce projet de marquage, parce que plus nous aurons de groupes participant dans une multitude de secteurs, meilleure sera notre vue d’ensemble pour le Canada atlantique.»

Même son de cloche chez Benoît Bruneau, qui applaudit lui aussi à la décision du RPPCI de se joindre aux travaux de son confrère de la région des Maritimes, afin d’approfondir les connaissances sur le homard. Le biologiste de l’IML dit espérer que ce projet collaboratif s’étendra éventuellement aux autres ZPH d’importance du Québec, au sud de la Gaspésie et à Anticosti notamment. «Mieux comprendre la biologie du homard, le mouvement des homards, c’est très important pour nous, les scientifiques, mais aussi pour les pêcheurs, insiste-t-il. L’environnement est changeant et dans ce contexte, plus on a de données, mieux c’est. Et un programme comme ça, ça nous procure des données de qualité. C’est une nouvelle source d’informations pour mieux comprendre les stocks.»

2 500 MARQUAGES PAR ANNÉE

De son côté, l’équipe de biologistes du RPPCI, qui a amorcé le projet à mi-saison, a procédé au marquage de 2 500 crustacés répartis aux cinq extrémités du territoire, soit au large de Bassin, L’Étang-du-Nord, Cap-aux-Meules, Grosse-Île et Grande-Entrée. Jean-François Laplante, assisté de Stephanie Arnold et de Tristan Reesör, rapporte qu’ils se sont concentrés sur les femelles œuvées et les petits homards que les pêcheurs leurs mettaient de côté lorsqu’ils triaient leurs captures, afin de ne pas ralentir les activités de pêche commerciale. L’opération qui a duré six jours sera renouvelée à chaque année.

«L’étiquette est attachée à une aiguille et après un processus de désinfection, on passe l’aiguille à deux endroits, tout en  évitant le tract digestif, en dessous du céphalothorax, dans l’interstice entre la queue et la tête», expose à ce sujet Benoît Bruneau. Cette manière de marquer le homard sous la carapace n’est donc pas  affectée par la mue, fait valoir à son tour M. Laplante. L’idée c’est de passer l’étiquette, en cousant, tout juste au niveau superficiel de la chair. Et au final, ça n’a aucun impact sur la santé homard», assure-t-il.

Jean-François Laplante souligne également que dès les deux premières semaines ayant suivi l’opération, déjà 35 pêcheurs avaient retrouvé des individus taggués dans leurs casiers et lui avaient transmis  les données demandées. «Ça correspond à 10 % de la flottille, se félicite le biologiste en chef du RPPCI. C’est excellent! Globalement sur quatre semaines, nous avons enregistré un taux de déclaration de 200 homards, ce qui correspond à 1 % de notre échantillonnage.»

Enfin, Benoît Bruneau note que les informations recueillies par les homardiers de l’archipel, qui sont transmises au RPPCI par communication texto, pourraient éventuellement être traitées par intelligence artificielle. Pour le biologiste de l’IML, ce nouvel outil technologique permettra non seulement de réduire le travail des pêcheurs, par une prise de mesure   automatique des captures étiquetées par exemple, mais aussi de les informer en temps réel sur l’évolution physiologique des spécimens.

«On procède déjà comme ça en Nouvelle-Écosse, par l’entremise d’un compte Google, d’un Gmail qui peut recevoir des textes cellulaires, nous informe-t-il. Et ce programme spécial permet d’aller chercher l’information sur le pêcheur dans la base de données, pour créer un rapport de réponse lui disant par exemple : ‘‘Jean-Marc, tu viens de capturer un homard qui a été taggué il y a cinq ans et c’est la troisième fois qu’il est capturé et remis à l’eau. Et voici où il a été retrouvé au cours de ces cinq dernières années.’’ C’est un programme interactif qui permet de valoriser la contribution des pêcheurs.»

BIOLOGIE – page 21 – Volume 37,4 Septembre-Octobre-Novembre 2024

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Hélène Fauteux
Hélène Fauteux est diplômée en communications et journalisme de l'Université Concordia. Établie aux Îles-de-la-Madeleine depuis 1986, elle a développé une solide expertise en matière de pêche et de mariculture.
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