Les bouées intelligentes font tranquillement leur entrée dans la pêche au crabe en tant que technologie de pointe pour minimiser les risques de blessures chez les baleines noires de l’Atlantique Nord en cas d’empêtrement dans les cordages. Le consultant de l’Association des crabiers acadiens (ACA), Robert Haché, explique que ces bouées commercialisées par la firme californienne Blue Ocean Gear permettent d’en suivre la position GPS à distance. Si l’une d’elle est déplacée accidentellement par une baleine par exemple, le pêcheur en est automatiquement avisé par le biais de son téléphone intelligent et ce, qu’il se trouve à bord de son bateau ou dans le confort de son salon.
«Et le pêcheur peut immédiatement suivre le trajet de la baleine sur son téléphone intelligent, avec les heures et son positionnement aux 5, 10, 15 minutes, s’il le veut. En comparaison, quand le MPO survole le Golfe et voit une baleine empêtrée, il ne sait pas si ça fait deux jours, trois semaines ou trois mois [qu’elle est en difficulté]. Tandis qu’avec cet outil-là, ça permet aux gens qui portent secours aux baleines d’agir beaucoup plus rapidement et beaucoup plus efficacement», fait valoir M. Haché.
Il précise que les bouées intelligentes furent, à l’origine, développées par la marine américaine à des fins scientifiques. C’est la huitième année que l’ACA en fait l’essai dans le cadre de son projet de recherche et développement Crabiers pour les Baleines, visant à trouver des solutions de coexistence entre les mammifères en danger d’extinction et les activités de pêche commerciale au crabe des neiges dans la zone 12 du sud du golfe du Saint-Laurent. Aussi le consultant affirme-t-il que les expériences menées jusqu’à présent démontrent sans l’ombre d’un doute que cette technologie de transmission d’information en temps réel se présente comme une alternative beaucoup plus avantageuse que les cordages à maillon faible, conçus pour se rompre sous une tension de 1 700 livres en cas d’empêtrement.
«Ce niveau de résistance-là est beaucoup trop faible pour la force de traction et le poids des casiers à crabe des neiges, souligne Robert Haché. Les études qu’on a faites jusqu’à date, avec [la firme d’ingénieurs] CORBO, démontrent que les cordes faibles et les liens faibles ne sont pas une option viable pour la pêche au crabe des neiges dans le sud du golfe du Saint-Laurent. Ils peuvent causer deux choses qui sont extrêmement dangereuses : les câbles se cassent et peuvent blesser l’équipage et les câbles se cassent et créent les engins fantômes dans le fond de la mer. Alors, comme on sait déjà que les casiers traditionnels avec des câbles vont continuer d’exister dans les zones qui ne sont pas fermées, c’est pour ça que l’alternative des smart buoys est fort intéressante pour compenser cette situation-là.»
Anti-braconnage
De plus, M. Haché fait remarquer que les bouées intelligentes s’avèrent une innovation pertinente pour contrer le braconnage des casiers à crabe lorsqu’ils sont sans surveillance sur les fonds de pêche. C’est qu’elles transmettent une alerte avec position GPS, tant aux serveurs du fabricant Ocean Gear qu’au téléphone intelligent de leur propriétaire, dès qu’elles sortent de l’eau ou qu’elles sont remises à la mer. «Le pêcheur, qui peut être à quai ou chez lui par un dimanche après-midi, lorsqu’il reçoit tout à coup un PING et s’aperçoit que sa bouée a été sortie de l’eau, puis, que cinq à 10 minutes après il reçoit un autre PING qui lui dit que sa bouée a été remise à l’eau, il sait qu’il vient de se faire poacher son casier», expose le consultant de l’ACA.
C’est ainsi que la bouée intelligente est non seulement bénéfique en termes de protection des baleines, mais aussi en matière d’identification de braconniers, soutient-il. «On peut incriminer une personne coupable de braconnage avec la collaboration du MPO grâce à sa gestion du vessel monitoring system, un système de suivi satellite des navires financé par les pêcheurs, qui permet de savoir à quel endroit dans le golfe du Saint-Laurent, tous les bateaux de pêche sont situés. Alors, théoriquement, le MPO pourrait déterminer, avec les positions GPS de la bouée et du pêcheur [qui se trouvait à proximité au moment du signal d’alerte], l’identité de la personne qui a effectué le vol.»
À ce jour, seuls quatre membres de l’Association des crabiers acadiens se sont dotés de 25 bouées intelligentes chacun. À l’achat, il en coûte 1 000 $ par engin. S’ajoutent des frais annuels de 500 $ par unité pour la transmission et l’analyse des données par le fabricant. «Ce sont des équipements coûteux parce qu’ils sont produits à petite échelle, relève Robert Haché. Ce qu’on espère, c’est que les expériences qu’on mène, et le travail qu’on va faire avec le MPO pour incriminer les gens qui volent les [captures des] casiers vont motiver les pêcheurs à investir dans ces équipements-là.»
TECHNOLOGIES – page 23 – Volume 38,3 Septembre-Octobre 2025
