Placé sous le thème «Performance de notre industrie face aux bouleversements mondiaux», le congrès de l’Association québécoise de l’industrie de la pêche (AQIP), qui s’est tenu à Québec les 24, 25 et 26 janvier, a connu une forte participation. La trame de fond de l’événement s’est toutefois dessinée autour de sujets qui découlent de certaines inquiétudes exprimées par les gens du secteur de la transformation des produits marins du Québec maritime.
Lors de l’événement, il a notamment été question d’inflation, d’une possible période de récession économique, d’incertitude des marchés pour certaines espèces transformées ainsi que d’inventaires non vendus et payés à fort prix.
Durant trois jours, les activités ont connu de bonnes assistances, principalement lors des dîners-conférences portant sur l’augmentation de la productivité par l’automatisation et la transformation numérique. La coexistence entre les pêcheurs et les baleines dans le golfe du Saint-Laurent ainsi que les perspectives économiques, la culture et le marché en 2023 ont fait partie des autres sujets traités. De plus, des séances d’information ayant pour thème «Mieux performer à l’exportation», «Obligation d’une mise en marché gagnant-gagnant» ainsi que «Santé et sécurité au travail» ont aussi suscité l’intérêt de nombreux participants.
INCERTITUDES
Une certaine fébrilité engendrée par plusieurs incertitudes planait dans l’air de ce congrès, dont l’inflation sans cesse croissante. «Il y a un peu d’inquiétude, confirme le directeur général de l’AQIP, Jean-Paul Gagné. L’inflation qui sévit actuellement aux États-Unis et au Canada a une influence sur les produits marins. La capacité de payer des gens est moindre qu’en 2021. Il faut s’attendre à des baisses, mais c’est très difficile de donner des aperçus pour le moment. Peut-être que ça va être plus facile après Boston [Seafood Expo North America], où on va avoir rencontré les acheteurs et tous ceux qui sont dans le secteur des produits marins.» La baisse de quota de 12 % à prévoir cette année dans le secteur de la crevette n’augure pas bien non plus. «On n’a pas de contrôle sur la mer», se résout-il à dire.
L’incertitude des marchés touche plus particulièrement certaines espèces transformées, dont le crabe des neiges, pour lequel les inventaires sont spectaculaires, de l’avis de Jean-Paul Gagné. «C’est inquiétant parce que si le crabe ou le homard transformé n’est pas vendu au début de la saison suivante, la demande est moins forte. Puis, s’il y a une demande, quel prix veut-on payer? Il faut être réaliste.»
LA VENTE DE HOMARD VA BIEN
Selon le dirigeant de l’AQIP, la vente de homard transformé va plutôt bien, mais pas au prix souhaité. «Tout ça cause des inquiétudes. Est-ce que le monde va aller vers le homard vivant? Si oui, ça va mettre une pression sur le homard vivant.» M. Gagné croit qu’il faudra attendre après le Seafood Expo North America de Boston pour le savoir.
Néanmoins, l’AQIP est moins inquiète pour le homard vivant en raison de l’engouement actuel, dans la mesure où il est vendu à un prix jugé raisonnable. «L’an dernier, le homard vivant s’est vendu parce qu’il était à un prix acceptable pour le consommateur, indique le directeur général. C’est le consommateur qui décide ce qu’il peut payer.»
MISE EN MARCHÉ DIFFÉRENTE
Puisque la réalité de 2023 est tout autre que celle observée au cours des dernières années, la mise en marché des produits de la mer risque d’être fort différente au cours des prochains mois. De l’avis de Jean-Paul Gagné, un certain plafond a été atteint dans le crabe des neiges en 2021. «Les prix étaient extraordinaires. Ça a été au-delà de la normale.» Cette situation laisse présager un certain déclin «pour respecter le consommateur du Canada, du Québec ou des États-Unis et pour être sûrs qu’on va vendre notre produit».
Le porte-parole de l’AQIP n’est pas prêt à dire que 2023 sera à l’avantage du marché des vendeurs plutôt qu’à celui des acheteurs, comme cela a été le cas jusqu’en 2021. «Ce qu’on vise, c’est que ce soit gagnant pour tout le monde. Chacun doit y trouver son compte. Puis, ça dépend du consommateur parce que c’est lui qui va donner le prix final. Mais, il faut que les pêcheurs, les transformateurs et les distributeurs puissent continuer à opérer. On est actuellement à la recherche d’une solution gagnant-gagnant pour l’ensemble des parties.»
M. Gagné demeure optimiste. «Ce ne sera peut-être pas les profits qui ont été engrangés dans les années antérieures, mais ça peut être une bonne année quand même.»
Le Seafood Expo North America, qui se tiendra du 12 au 14 mars à Boston, risque de suggérer la ligne de conduite à adopter cette année par les membres de l’AQIP en matière de mise en marché de leurs produits transformés. «Le monde entier est pratiquement là pour faire des affaires, mentionne M. Gagné. On sort de là avec une bonne idée de ce qui pourra se passer en 2023. On va avoir suffisamment d’information pour se faire une tête.»
RÉSOLUTIONS
L’AQIP a profité de son congrès pour tenir son assemblée générale annuelle, lors de laquelle des résolutions ont été adoptées et qui pourront avoir un impact sur certains dossiers, dont celui du turbot. «Plusieurs pêcheurs qui ont des permis ne vont pas à la pêche, soulève M. Gagné. Une augmentation de quota a été permise par Pêches et Océans en 2022 et on a eu moins de turbot.» Cette situation est, selon lui, occasionnée par des règles qui ne fonctionnent pas. «On demande d’améliorer la situation.»
Une autre résolution concerne une demande pour le pesage à quai du homard, comme cela se fait dans les autres provinces. «On oblige le pesage à quai du hareng qui se paie 40 cents la livre, compare M. Gagné. Quand on paie du homard 8 $ la livre et qu’il n’est pas pesé, ça dérange les statistiques de Pêches et Océans et ça peut nous jouer des tours. C’est aussi une question de sécurité alimentaire.»
DISCUSSIONS AVEC LE MINISTRE LAMONTAGNE
Les membres du conseil d’administration de l’AQIP en ont aussi profité pour discuter avec le ministre québécois des Pêcheries, André Lamontagne, qui leur a présenté son équipe. «On lui a dit qu’on était préoccupé par la crevette, rapporte M. Gagné. On a aussi parlé de Fourchette bleue et des plans conjoints, dont celui des Îles-de-la-Madeleine et un autre dans le crabe des neiges de la zone 16, qui ne sont pas réglés depuis 2020. Il était très surpris parce que ça n’a aucun sens. Ça dérange les industriels qui ont investi de l’argent dans leur entreprise. On ne peut pas continuer à travailler comme ça!»
Il a aussi été question, avec le ministre Lamontagne, de la liste rouge du programme Monterey Bay Aquarium Seafood Watch en Californie, sur laquelle se trouvent le crabe des neiges et le homard, classés dans les espèces à éviter en raison des empêtrements de baleines dans des engins de pêche. Ils ont aussi discuté de la politique de délivrance des permis d’usines.
ÉVÉNEMENT– page 16 – Février-Mars 2023