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Dernière évaluation des stocks de homard aux Îles-de-la-Madeleine : les valeurs d’abondance les plus élevées de toute l’histoire

Malgré la diminution de 11 % des débarquements de homard aux Îles-de-la-Madeleine, en 2021, les valeurs d’abondance de la zone 22 sont les plus élevées de toute l’histoire de la pêcherie, selon les données de la dernière évaluation des stocks. C’est ce qu’affirme le biologiste Benoit Bruneau de l’Institut Maurice-Lamontagne (IML), qui fait le suivi post-saison de la ressource depuis 2015. Il est présentement en processus de traitement des données d’échantillonnage prélevées ces trois dernières années, en vue de la publication de son nouvel avis scientifique triennal, en 2022.

«Lorsqu’on compare toute la série temporelle des débarquements, c’est un fait, dit-il. Ça va prendre plus qu’une baisse de 10 % pour s’inquiéter; ce n’est pas une tendance encore. S’il y a eu une diminution une année, ça ne veut pas dire qu’on s’en va vers une diminution constante. C’est une année exceptionnelle par rapport à la tendance actuelle, tout comme en 2016, quand il a fait très froid en début de saison et que les captures ont chuté de 27 %. Ce n’était pas nécessairement un signe de diminution.»

Cela dit, Benoit Bruneau note qu’une population de homard, qui a une grande abondance comme celle des Îles, approche peut-être de son seuil de saturation. «En valeur absolue de tonnage elle connaît la plus grande croissance au Québec, souligne-t-il. Alors, il faut s’entendre que c’est logique que la ressource ne fasse pas juste monter; un moment donné, il faut que ça arrête. Il y a la capacité de support du milieu qui entre en ligne de compte. Par mètre carré, si tous les homards sont un par-dessus l’autre – c’est un exemple extrême – mais il y a une limite à ce que l’environnement puisse accueillir autant de homards. Et c’est la même chose pour toutes les espèces.»

CONDITIONS PHYSIOLOGIQUES

Le biologiste explique qu’il a beaucoup de sources de données à analyser qui lui permettront «fort probablement» de caractériser les raisons de la diminution des prises de 2021. «Il y a des questions de température; il peut y avoir des conditions d’abondance réelles sur le fond; il peut y avoir des questions de capturabilité… Mais je n’ai pas de réponses pour l’instant.»

D’autre part, Benoit Bruneau indique que son équipe travaille sur les données de conditions physiologiques du homard pour savoir si elles ont un lien avec la température changeante. «L’accélération du développement des œufs, entre autres, va dépendre du moment où l’œuf a été pondu: s’il est pondu très hâtivement à l’automne ou tardivement au printemps, énonce-t-il. On est dans un système changeant et ça peut affecter les conditions physiologiques du homard. Alors, on est en train de travailler sur des indices de condition pour voir si on est capable de faire sortir des patrons temporels en lien avec la température. Et, éventuellement, on va inclure le développement des œufs là-dedans. C’est un gros travail de longue haleine.»

M. Bruneau fait aussi remarquer que d’autres facteurs peuvent influencer le développement des œufs de homard. «Il n’y a pas que la température qui affecte la mue, dit-il. Si le milieu est saturé, ça peut provoquer d’autres types de phénomènes : une grande abondance de homard pourrait réduire l’accessibilité à la ressource alimentaire et réduire l’accessibilité au territoire. Donc, à ce moment-ci, on est dans des conditions qui ne sont pas typiquement connues du passé, parce qu’on est en très forte abondance.»

DORIAN ET IDA

Benoit Bruneau prévoit soumettre son évaluation scientifique 2019-2021 à la révision par les pairs au début du mois de mars prochain. Elle sera notamment marquée par deux années de suivi post-saison et de déposition larvaire pour le moins chaotiques en raison des tempêtes tropicales Dorian et Ida, qui ont respectivement frappé les Îles-de-la-Madeleine en septembre 2019 et 2021. Le biologiste qualifie d’ailleurs d’exceptionnelles les conditions météorologiques qui ont prévalu tout au long des 12 jours de la campagne d’échantillonnage de cette année.

«Je peux affirmer sans hésitation que la mission homard au chalut 2021 a été faite dans les conditions de mer les plus difficiles depuis que je suis là. À quelques reprises on a été capable d’échantillonner dans environ un mètre de vague, mais la majorité du temps ça a été autour de deux mètres, deux mètres et demi. On a arrêté de travailler autour de 2,5 m parce que ce n’était plus «travaillable» et puis quand on rentrait, bien souvent, à la fin de notre trajet de retour, c’est arrivé à plusieurs reprises qu’on frappe 3-4 mètres de vague.»

L’interprétation des donnés d’échantillonnage de M. Bruneau devra aussi tenir compte du fait que la mission post-saison 2021 se soit déroulée à bord d’un navire différent de celui des deux dernières années, parce que le LEIM, le bateau de la Garde côtière canadienne habituellement à sa disposition, était en cale-sèche. Suite à un processus d’appel d’offres, c’est le MERANNIE, un crevettier de 55 pieds de Tourelle qui a été retenu, avec l’équipage du capitaine Sébastien Dupuis. «C’est sûr que ça va affecter les données parce que le bateau était plus petit, mais pour l’instant on ne sait pas encore à quel point, expose le biologiste de l’IML. Mais cela n’affectera pas tous les indicateurs, tels que les proportions entre sexes, parce que cela a affecté autant les mâles que les femelles. Ça pourrait, par contre, avoir un impact sur les indicateurs d’abondance, comme l’estimé par mètre carré, parce que ça a changé l’ouverture des portes du chalut.»

MISSION RÉUSSIE

Or, malgré les changements de protocole apportés à la mission 2021, M. Bruneau assure qu’il a vu de bonnes abondances de homard dans ses relevés. «On a fait des captures intéressantes, même si les transects étaient moins longs parce que notre équipe était réduite en raison du bateau qui était plus petit. Dans les stations où il y a habituellement beaucoup de homard, on a encore trouvé des patrons qu’on reconnaît des échantillonnages du passé. Donc, les points chauds l’étaient encore et, quand on est allés plus au large, on voyait qu’il y avait moins de homards. Et ça, c’est normal; c’est un patron très normal qu’on s’attendait à voir.»

De plus, Benoit Bruneau salue le travail de l’équipage du MERANNIE. «L’équipage est extrêmement bon, soutient-il. Le capitaine qui manœuvrait m’a vraiment impressionné, parce que ce n’est pas facile pour quelqu’un qui n’a pas d’expérience en matière de relevés scientifiques. Pour que la mission soit une réussite, avec des gens qu’on ne connait pas, il a fallu que cette équipe de pêcheurs-là soit vraiment dédiée et consciencieuse. Ils ont vraiment fait un bon travail.»

Enfin, notons que la campagne de relevés au chalut du début septembre a été suivie de la traditionnelle mission en plongée, pour le suivi de la déposition larvaire dans la pouponnière des Demoiselles de la Baie de Plaisance. «Je sais qu’ils ont vu de bonnes abondances, mais à quel point c’était aussi bon que l’année dernière, ça je ne le sais pas. Il me reste à faire les calculs pour chiffrer l’indice de recrutement.»

Benoit Bruneau présentera son évaluation scientifique aux pêcheurs madelinots en mars 2022, dans le cadre de la réunion annuelle du Comité consultatif du homard des Îles, après sa révision par les pairs.

BIOLOGIE – page 32 – Volume 34,5 Décembre 2021-Janvier 2022

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Hélène Fauteux
Hélène Fauteux est diplômée en communications et journalisme de l'Université Concordia. Établie aux Îles-de-la-Madeleine depuis 1986, elle a développé une solide expertise en matière de pêche et de mariculture.
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