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Hausse des températures des profondeurs du golfe du Saint-Laurent : le sébaste y résistera jusqu’à une certaine limite

Le sébaste pourra tolérer, jusqu’à une certaine limite, la hausse des températures des profondeurs du golfe du Saint-Laurent. Selon des travaux de recherche menés en bassin à l’Institut Maurice-Lamontagne (IML) du ministère des Pêches et des Océans (MPO) à Mont-Joli, les poissons enregistrent un ralentissement notable de leur taux de croissance à partir de 10 ˚C.

On se rappellera que, dans son rapport annuel 2022 des conditions d’océanographie physique du Golfe (Pêche Impact février 2022), l’lML faisait état de températures moyennées de 6,9 ˚C en 2021, à 300 m de profondeur, contre 5,3 ˚C en 2009, soit une progression de 1,6 ˚C en 12 ans.

«Le réchauffement du Golfe est une tendance lourde, insiste le chercheur en écophysiologie, Denis Chabot. Il y a de plus en plus d’événements extrêmes, le courant chaud du Gulf Stream remonte vers le nord et d’ici la fin du siècle, les eaux profondes vont être encore plus chaudes qu’actuellement.»

Et c’est pour anticiper l’impact sur la physiologie du sébaste, de ce réchauffement et de la baisse d’oxygène qui s’ensuit, que l’IML a entrepris ces expériences en laboratoire à l’automne 2019. Les recherches sont menées en collaboration avec une doctorante de l’Institut des sciences de la mer de l’Université du Québec à Rimouski (ISMER-UQAR), Joëlle Guitard, co-dirigée par les professeurs David Deslauriers et Dominique Robert, de même que par M. Chabot.

Il en ressort notamment que les poissons soumis à quatre températures différentes, de 2,5 ˚C, 5 ˚C, 7,5 ˚C et 10 ˚C, ont tous enregistré un taux de survie similaire. «Nous avions 400 poissons exposés à ces différentes températures pendant neuf mois et seulement 15 sont morts, probablement en raison d’un stress quelconque», commente le chercheur de l’IML.

SEUIL NÉFASTE

Denis Chabot souligne cependant que c’est à 5 ˚C qu’on a obtenu le meilleur taux de croissance. «Les poissons mesuraient en moyenne 21,5 cm au début du test. À une température de 5 ˚C, leur taux de croissance quotidien extrapolé sur un an a été de 1,4 cm. À 7,5 ˚C on a commencé à noter une tendance à la baisse, avec un taux de croissance annuelle de 1,34 cm, tandis qu’à 10 ˚C la progression n’était plus que de 0,8 cm/an. On en conclut donc qu’entre 2,5 ˚C et 7,5 ˚C, la température seule n’a pas de gros effet sur la croissance du sébaste, mais qu’au-delà c’est néfaste», affirme-t-il.

Le scientifique précise que les expériences ont été menées sur des poissons de taille comparable, sélectionnés parmi un échantillonnage d’environ mille sébastes de l’espèce fasciatus prélevés en plongée sous-marine à 30 mètres de profondeur, puis laissés dans des cages pendant au moins 12 heures à une profondeur intermédiaire afin d’en assurer la décompression. «Quand ils remontent à la surface trop rapidement leur vessie natatoire gonfle et comprime les organes internes, au point que l’estomac peut remonter dans la gueule et que le poisson est moribond, explique M. Chabot. C’est pourquoi on a l’habitude de voir les sébastes avec de gros yeux globuleux. Mais en réalité, ce sont de beaux poissons!»

TAUX MINIMAL D’OXYGÈNE

Cela dit, l’IML dispose de 16 bassins pour mener à bien ces travaux de recherche. Après les tests de température, une seconde expérience est en cours pour évaluer l’impact de huit taux d’oxygène différents sur la croissance des poissons. Selon les données du MPO, toutes les eaux profondes du golfe du Saint-Laurent souffrent d’hypoxie, c’est-à-dire d’un manque d’oxygène, en raison de la plus grande proportion d’eau chaude du Gulf Stream, moins oxygénée que l’eau froide, qui pénètre dans le Golfe par le détroit de Cabot et remonte jusqu’à Tadoussac. Le problème est toutefois plus sévère dans l’Estuaire, où le taux de saturation a chuté de plus moitié depuis 1930, passant de 40 % aux environs de 15 % à 20 % aujourd’hui.

«Les poissons s’ajustent mieux que l’humain à la baisse de l’oxygène ambiant, indique à ce sujet Denis Chabot. Au sommet de l’Everest, par exemple, le taux de saturation de l’oxygène n’est plus que de 30 %, contre une normale de 100 % au niveau de la mer. Mais aucun humain ne peut y survivre sans une réserve d’oxygène.»

Ce volet de la recherche sur l’impact des changements de variables environnementales sur le sébaste démontre que l’espèce devient effectivement plus sensible à l’hypoxie quand la température augmente. «Dans le Golfe, le taux de saturation actuel varie de 30 à 40 %, relève le chercheur en écophysiologie. À 2,5 ˚C, les sébastes vont tolérer 14 % de saturation, dit-il. Mais c’est une hypoxie sévère. Ils sont incapables de bouger, ni de manger et ne peuvent donc pas demeurer à ce niveau d’oxygène longtemps. À une température de 10 ˚C, ils ont besoin d’un taux minimal d’oxygène de 22 %, parce que plus la température augmente, plus l’animal est fragile à l’hypoxie. Nous parlons ici du seuil létal. Pour nager, éviter leurs prédateurs, attraper et digérer leurs proies, il faut être au-dessus de ces seuils. Mais clairement, les sébastes ont besoin de plus d’oxygène pour mener un style de vie normal s’il fait plus chaud, alors qu’avec les changements climatiques, nous nous attendons à ce que l’eau soit plus chaude et moins bien oxygénée.»

CAPACITÉ D’ADAPTATION

Ainsi, en suivant les effets de différents niveaux d’hypoxie chronique sur le sébaste, les chercheurs surveillent principalement la consommation de nourriture des poissons. «C’est un bon reflet des taux de croissance, expose Denis Chabot. Et déjà, dès le premier mois d’expérience, nous avons observé que les niveaux d’oxygène les plus sévères se démarquent par une baisse notoire de consommation de nourriture. C’est donc dire que même quand la teneur en oxygène dissous est supérieure au seuil létal, l’hypoxie peut nuire au poisson en lui laissant moins d’énergie pour la locomotion, la digestion et la croissance.»

De plus, dans le cadre de sa thèse de doctorat, Joëlle Guitard va développer un modèle bioénergétique afin d’aider à évaluer les impacts environnementaux sur l’espèce. Et en parallèle, ses collègues de l’IML et de l’ISMER-UQAR se penchent sur d’autres aspects des réponses du sébaste aux changements environnementaux, telles que la modification de la production de certaines protéines ou diverses fonctions cellulaires.

«Dans un contexte de changements climatiques, on ne peut pas s’attaquer à tous les aspects du futur du sébaste du Golfe avec une seule étude, fait remarquer son co-directeur de recherche. Par exemple, les sébastes juvéniles et adultes pourraient faire face à une pénurie de nourriture, vu la grande abondance de la population, ce qui contribueraient également à ralentir leur croissance. De plus, il faudrait éventuellement étudier comment les larves de sébastes qui vivent dans la couche de surface, dont la température et l’acidité (pH) sont différentes de celles des eaux profondes réagiront aux changements climatiques.»

À ce propos, notons cependant que les chercheurs ont remarqué que les variations du taux d’acidité dans les bassins de l’IML n’ont eu aucune incidence sur la croissance des poissons, ni sur leur sensibilité à l’hypoxie. Les résultats de toutes ces différentes études devraient être publiés d’ici le 31 mars 2024.

RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE – Volume 35,3 – Juin-Juillet-Août 2022

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Hélène Fauteux
Hélène Fauteux est diplômée en communications et journalisme de l'Université Concordia. Établie aux Îles-de-la-Madeleine depuis 1986, elle a développé une solide expertise en matière de pêche et de mariculture.
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