vendredi, décembre 13, 2024
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La Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk souhaite pêcher le homard commercialement en Haute-Gaspésie et en Matanie

Après avoir exploité trois des quatre permis de pêche au homard de façon expérimentale de 2018 à 2022 et de manière exploratoire en 2023 pour le secteur compris entre Rivière-à-Claude et Baie-des-Sables, la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk souhaite maintenant l’obtention de permis de pêche commerciaux de la part du ministère des Pêches et des Océans (MPO) du Canada.

Ce souhait est motivé par l’importante augmentation des débarquements de homard effectués au fil des ans dans ce secteur de La Haute-Gaspésie et de La Matanie.

SE RAPPROCHER D’UNE PÊCHE COMMERCIALE

Les objectifs d’une pêche exploratoire par rapport à une pêche expérimentale visent à se rapprocher d’une pêche commerciale, de l’avis du directeur des pêches de la Première Nation. «L’effort de pêche qui était de 100 casiers par jour est passé à 250 casiers par jour, ce qui est exactement le même effort qu’un permis commercial», explique Guy-Pascal Weiner. Par conséquent, les pêcheurs se rapprochent d’une pratique commerciale avec moins de données, moins d’échantillons, moins de prises de mesure ainsi que plus de liberté dans l’espace et dans le temps à l’intérieur de dix semaines, selon lui.

Lors de la pêche expérimentale, les homardiers devaient mesurer chaque homard dans chaque casier à chaque levée dans chaque sous-zone. Cette façon de faire a été fort avantageuse, de l’avis du porte-parole des pêches de la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk. «On a tellement ramassé de données sur le homard! On va gagner en comprenant ce qui se passe.»

Dans la pêche exploratoire, la prise de mesure n’est que de trois fois par saison, c’est-à-dire une en début de saison, une autre en milieu de saison et la dernière en fin de saison. «L’année passée, on a fait trois sorties au lieu d’une tous les jours avec tous les casiers, précise M. Weiner. C’est la grosse différence.»

ÉVOLUTION EXPONENTIELLE DES CAPTURES

Pour la période de 2018 à 2022, Guy-Pascal Weiner définit l’évolution des captures d’exponentielle. «Ce sont des prises par unité d’effort qui se rapprochent de l’île d’Anticosti. On n’a absolument rien à envier aux pêches de La Matanie et de La Haute-Gaspésie qui sont qualifiées d’Eldorado. Par exemple, en 2018 à Matane, on a ramassé 2 000 livres en dix semaines dans la répartition du homard la plus à l’ouest. L’année passée, on a ramassé       80 000 livres.»

S’il spécifie cependant qu’une règle de trois doit être appliquée puisque l’utilisation des casiers est passée de 100 à 250, il n’en demeure pas moins que la quantité a plus que doublé chaque année. «Ça ne semble ni plafonner ni s’essouffler», ajoute-t-il.

À la lumière de ces faramineux volumes, Guy-Pascal Weiner en tire une conclusion : la ressource est extrêmement abondante. «On s’en réjouit, bien sûr. Mais, c’est à se demander si on n’assistera pas bientôt à une limite dans la capacité de support du milieu. Il faut aussi se demander s’il n’y a pas un déséquilibre avec autant de homard! On a vu des photos de touristes à Pointe-au-Père avec du homard dans les mains en plein mois de juillet! Donc, est-ce que l’environnement a atteint un certain point de saturation? Est-ce qu’on prélève suffisamment cette ressource? Le jour où le homard va avoir mangé tout le crabe commun, est-ce qu’on parlera d’un déséquilibre? Il faut se poser ces questions. Jusqu’à présent, ça semble bien aller; il y a énormément de homards.»

PERMIS COMMERCIAUX EN 2025?

Avec une hausse constante des débarquements au fil des ans, M. Weiner voit plusieurs avantages à convertir les permis exploratoires en permis commerciaux. «On gagnerait à atteindre le statut commercial parce qu’on ne pourrait plus nous l’enlever et on aurait une valeur marchande. On aurait un actif dans les mains qui permet une capacité d’emprunt un peu plus grande parce qu’on peut mettre notre permis en garantie. Tandis qu’avec le statut exploratoire, on n’a rien. Puis avec le statut expérimental, on n’a encore moins que rien.»

Le directeur des pêches serait surpris que ses membres puissent obtenir leur permis de pêche dès la prochaine saison. En revanche, ils pourront quand même continuer à travailler avec un permis exploratoire en espérant obtenir leur permis de pêche commerciale en 2025.

«Je sens qu’il y a une extrême prudence de la part du Ministère quant à l’allocation de nouveaux permis, soulève-t-il. À l’inverse, les pêcheurs et les communautés côtières sont affamés de ce type de permis, et avec raison. Le soleil brille pour tout le monde. Je pense qu’il y a assez de homard pour quelques autres permis, dans la mesure où la Première Nation conserve  ses accès. Le homard pourrait combler largement certains déficits dans d’autres pêches commerciales auprès de détenteurs de permis.»

OBSERVATIONS

Les données du relevé post-saison de la pêche exploratoire au homard, qui a été réalisé le 5 septembre, n’ont pas encore été compilées. «Ça s’est très bien déroulé, assure M. Weiner. Il y avait beaucoup de juvéniles. Donc, le recrutement et la productivité sont là. C’est bon signe. Mais il y a encore des interrogations pour savoir si les stocks que l’on capture abondamment ne seraient que de passage dans l’estuaire. Autrement dit, ça pourrait être une petite migration dans le corridor laurentien.»

Par ailleurs, le homard est encore à petite eau, a observé M. Weiner. «On a attendu au mois de septembre pour remarquer le début de la migration saisonnière. Or, je pense qu’on a commencé trop tôt. L’automne a été extrêmement clément, il faisait très chaud. On s’est rendu compte, en faisant le post-saison, qu’il fallait échantillonner dans les grandes profondeurs, là où il n’y avait pas de homard. Donc, était-ce le début d’une saison estivale qui se prolonge ou était-ce seulement une anomalie parce que 2023 a été une saison anormalement chaude? On verra.»

Chose certaine, les données préliminaires militent en faveur d’une requête de la Première Nation pour l’obtention de permis commerciaux. «Il faudrait travailler fort pour prouver le contraire, ironise le porte-parole. On a fait tout ce qu’on pouvait, avec le protocole expérimental qui était  extrêmement sévère, où la distance surveillée entre les casiers s’exprimait en mètre. On a déployé beaucoup d’efforts et tout le monde en est conscient. On chemine lentement, mais sûrement, vers un statut commercial pour 2025.»

INCERTITUDES

Après avoir participé à une pêche expérimentale et à une pêche exploratoire, des incertitudes persistent, de l’avis du directeur des pêches de la Première Nation. Selon Guy-Pascal Weiner, ces incertitudes ne sont pas clairement identifiées. Pourtant, le homard bénéficie d’une large littérature. «C’est une espèce qui est    beaucoup étudiée, qui est très bien comprise et qui est à haute valeur marchande.»

Pour la suite des choses, Guy-Pascal Weiner a demandé au MPO de préciser ces incertitudes afin de réaliser les manipulations supplémentaires nécessaires, les observations en surplus, les données récoltées pour y répondre de la meilleure façon. «On attend ça et on se prépare pour la prochaine saison, en étant confiant que la pêche va avoir évidemment lieu.»

EXPLOITATION – pages 27-28 – Volume 36,5 Décembre 2023-Janvier 2024

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