Le Rassemblement des pêcheurs et pêcheuses des côtes des Îles (RPPCI) célèbre son 5e anniversaire cette année. Il a été créé en mai 2015, sur fond de dispute avec l’Association des pêcheurs propriétaires des Îles (APPIM) alors établie depuis une quarantaine d’années. Le litige portait sur l’imposition du livre de bord électronique à la flottille des 325 homardiers madelinots.
«C’est la transparence qui a fait que le Rassemblement a pris son envol, explique son président Charles Poirier. On ne s’est pas révolté, mais on s’est pris en main pour que les membres aient un droit de vote et pour que les membres puissent dire ce qu’ils ont à dire. Et c’est la force du RPPCI. Ce n’est pas le président qui est le boss, ce n’est pas la coordonnatrice. Ces sont les membres en règle qui ont un droit de vote. C’est eux autres qui décident, qui ont le dernier mot sur toutes les décisions du RPPCI.»
Selon M. Poirier, le RPPCI compte 182 membres soit près des deux tiers des détenteurs de permis de pêche au homard de l’archipel. Il se félicite de ce que cet appui ait permis à son organisation de s’imposer auprès des instances gouvernementales. «Ç’a été cinq ans de dur labeur, je dirais; on a travaillé sur beaucoup de dossiers et on commence à voir les résultats d’une organisation forte tant au niveau local que provincial et fédéral.»
D’ailleurs, le RPPCI a officiellement intégré les rangs de l’Alliance des pêcheurs professionnels du Québec (APPQ), en juillet dernier. Charles Poirier, qui réclamait depuis cinq ans un accès aux statuts et règlements de l’APPQ, en a jusqu’à obtenu une modification pour lui permettre d’y adhérer à titre de membre associé. Le RPPCI ne peut toutefois pas y siéger aux côtés de l’APPIM, parce qu’une seule organisation par région est admise au conseil d’administration.
«Après cinq ans de négociation on a été reconnus et on va avoir un financement d’une trentaine de mille dollars par année de l’Alliance pour le roulement de notre organisation. Ça fait que c’est considérable. Mais surtout, c’est la reconnaissance qu’on est financé par le gouvernement provincial», se réjouit M. Poirier.
Pour sa part, le président de l’APPQ, O’Neil Cloutier, précise que le RPPCI doit encore lui fournir sa liste de membres et verser ses frais d’adhésion d’environ 5 000 $ par année avant d’obtenir copie des statuts et règlements de l’organisation provinciale. «On attend aussi que le ministre des pêches du Québec dégèle le financement de l’Alliance, qu’il avait suspendu en avril le temps qu’on règle l’adhésion du RPPCI. Sa part représente 50 % de ce que recevait jusqu’ici l’APPIM», indique M. Cloutier. À ce propos, le MAPAQ dit être en attente de documents administratifs de l’Alliance, dont ses états financiers et son rapport d’activités, pour finaliser le versement de l’aide pour l’année 2019-2020.
FONDS DE R & D
Un autre fait saillant de ces cinq dernières années est le partage des revenus du quota de crabe des neiges réservé pour la flotte côtière des Îles-de-la-Madeleine, au prorata des membres du RPPCI et de l’APPIM. C’est, entre autres, avec cet argent que le Rassemblement a créé, en 2018, un fonds de recherche scientifique voué à la pérennité de la ressource. Il y avait investi 150 000 $ sur trois ans, entre autres pour le Projet Bouées visant à développer un outil d’aide à la décision au sujet de la date d’ouverture de la saison de pêche au homard.
Mené en collaboration avec Merinov, ce projet consiste à prendre des données présaisons, dont la température de l’eau et le taux de protéine des crustacés. Deux bouées équipées de senseurs électro-niques ont été déployées au nord et au sud de l’archipel. Le RPPCI en installera deux ou trois autres, à l’est et à l’ouest, en 2021. «Nous n’attendons plus que la signature de nos deux partenaires fédéral et provincial pour la continuité de ce projet, dans le cadre du Fonds des Pêches du Québec», indique son président.
De plus, le RPPCI a fait l’acquisition, ce printemps, d’un bateau de pêche qui sert de remplacement pour ses membres aux prises avec une panne mécanique. Ce navire de 35 pieds en fibre de verre, le N. France, a été acquis par appel de soumissions du capitaine Mario Poirier. «Trois pêcheurs ont utilisé notre bateau de remplacement cette saison, pour une quinzaine de jours en tout, fait valoir Charles Poirier. Ça dépanne nos membres à un prix minime, parce qu’on sait que perdre une journée de pêche en pleine saison ça fait mal.»
Rebaptisé RPPCI et basé à l’Étang-du-Nord, ce navire va aussi servir au Projet Bouées pour la prise de données présaisons du côté nord des Îles. «La partie sud va se faire avec le bateau de Merinov et comme ça, ça va prendre moins de temps de traverser au nord.»
Enfin, Charles Poirier reconnaît que les blessures de guerre subsistent entre le RPPCI et l’APPIM malgré une stabilisation de leurs relations. Il profite de l’occasion pour tendre la main à ses partenaires de pêche. «C’est la mentalité des gens des Îles, dit-il : on peut se chicaner sur une voie politique, mais on peut se faire une accolade sur le quai. Aussi, j’espère que dans un avenir assez court les deux associations se parlent et essaient de travailler ensemble pour l’avenir des Îles-de-la-Madeleine. On a déjà un grand pas de fait; on se parle entre président et on fait partie tous les deux de la même Alliance. Le best, ce serait qu’on parle d’une seule voix entre les deux associations. L’avenir nous le dira!»
LES ÎLES-DE-LA-MADELEINE – page 12 – Volume 33,4 Septembre-Octobre-Novembre 2020