LA Renaissance des Îles (LRDI), une des principales entreprises de transformation de produits marins de l’archipel madelinot, a dû se placer sous la protection de la Loi sur les faillites et l’insolvabilité en date du vendredi 19 août, en raison du rappel de sa marge de crédit par la Banque Royale du Canada (RBC).
L’entreprise, qui a une dette de plus de 25,7 M$, avait fait l’objet d’une mise en demeure de l’Office des pêcheurs de homard des Îles (OPHIM) un mois plus tôt, pour défaut de paiement des débarquements de homard des deux dernières semaines de la saison, de 66 de ses membres. Le manque à gagner, pour les pêcheurs lésés, s’élevait alors à 3,7 M$, sans compter des retenues à la source estimées à plus de 400 000 $. Cette somme a été réduite à 2,5 M$, avec le versement d’un acompte de 1,2 M$ suite à une entente de sursis, et ce, avant que la décision de la RBC ne vienne bousculer les choses.
Des documents échangés en Cour supérieure à la fin août, lors d’une tentative avortée de la part de l’institution financière pour faire nommer un séquestre intérimaire au dossier, révèlent que LRDI dispose d’inventaires et de comptes à recevoir de 12 M$. Dans une décision datée du 31 août, la juge Suzanne Hardy-Lemieux relève que RBC n’a pas su faire la démonstration qu’il y avait un «danger» de voir son actif disparaître. «Aucune preuve de quelque malhonnêteté, agissements douteux ou non transparents ou risques de pertes des actifs, soit l’inventaire, soit les comptes recevables» n’ont été établis, souligne la magistrate.
De plus, selon les projections du syndic nommé dans cette affaire, José Roberge de la firme Roy Métivier Roberge, LRDI disposerait de liquidités de 2 à 3 M$ au 31 décembre 2022, et ce, après le paiement des sommes dues à RBC, de dépenses «conservatoires» liées entre autres à l’électricité et aux assurances couvrant ses bâtiments, de même que des salaires pour transformer les inventaires en comptes à recevoir. La juge Hardy-Lemieux retient, du témoignage sincère, bien documenté et précis du syndic, que LRDI pourrait ainsi «faire une proposition aux créanciers ordinaires non satisfaits et relancer l’entreprise».
OPHIM RASSURÉ
Pour sa part, l’Office des pêcheurs de homard des Îles de la Madeleine (OPHIM) se déclare «rassuré» par ce jugement. «L’Office est rassuré parce qu’il n’y a aucun motif de crainte, indique un de ses deux avocats, Me Serge Petit de la firme DPG Avocats de Montréal. Il n’y a rien à reprocher à Mme (Lynn) Albert, (pdg et unique actionnaire de LRDI), et ça, c’est rassurant. L’Office est satisfait de ça. L’Office est également satisfait que LA Renaissance puisse continuer sa réorganisation financière avec son syndic.»
Notons également que dans sa décision du 31 août, la juge de la Cour supérieure relève que les importants problèmes de liquidités financières de LRDI, de la mi-juillet à la mi-août, sont liés à la «chute inexpliquée» du prix du marché pour le homard et le crabe. «Cette chute affecte le prix payé par LRI pour la matière première et, par voie de conséquence, pour sa transformation ultérieure», écrit-elle.
«Tout le monde souhaite que la réorganisation fonctionne et que LA Renaissance survive, et que les pêcheurs soient heureux et continuent de lui vendre du homard la saison prochaine, conclut Me Petit. C’est le but visé.»
En autant que ses créanciers soient d’accord, on s’attend à ce que LRDI se prévale d’une bonne partie du délai maximal de six mois, prévu à la Loi sur les faillites et l’insolvabilité, pour leur présenter sa proposition de remboursement.
Notons que sur ses 25,7 millions $ de comptes à payer, figure un prêt à long terme de 10 M$ versés en date du 18 juillet par Financement Agricole Canada. Cette aide est venue se substituer à d’autres partenaires financiers dont la Banque de Développement du Canada et Investissement Québec. LA Renaissance des Îles a d’ailleurs remboursé trois prêts totalisant 3,6 M$ qu’elle avait reçus du gouvernement du Québec, entre 2014 et 2020, pour divers projets de développement et l’amélioration de son fonds de roulement. La valeur aux livres de ses deux usines, de son vivier d’une capacité de 700 000 livres et de ses équipements, basée sur leur coût d’acquisition, est de près de 9,8 millions $.
TRANSFORMATION – page 22 – Volume 35,4 Septembre-Octobre-Novembre 2022