La reprise de la pêche commerciale au sébaste à l’été 2024 est devenue porteuse d’espoir et de développement important afin d’assurer la pérennité des Pêcheries gaspésiennes. C’est dans cette optique que l’entreprise de transformation de Rivière-au-Renard s’engage dans un projet de mécanisation et d’automatisation pour un investissement total de 2,9 millions $ lors de la phase 1.
Depuis trois ans, les deux propriétaires, Olivier Dupuis et Simon Langlois, ont réalisé un travail colossal en usine en matière de production ainsi que de vente de filets frais et congelés de sébaste sur une base expérimentale. L’entreprise transforme aussi le fameux poisson rouge sous forme d’appât pour divers types de pêche, tout en menant en parallèle des efforts considérables de mise en marché potentielle, tant à l’échelle québécoise, canadienne, européenne et asiatique.
Bonne réponse des consommateurs
Les résultats des tests de transformation du sébaste en usine sont concluants. Depuis l’an dernier, la réponse des consommateurs pour le produit vendu dans l’une des grandes chaînes d’alimentation du Québec est positive. Metro a accepté de devenir un partenaire majeur dans l’aventure.
«À la suite d’efforts de commercialisation en pêche commerciale et en pêche exploratoire, on a eu de belles réponses des consommateurs, surtout depuis le mois de janvier, confirme le copropriétaire et directeur général des Pêcheries gaspésiennes, Olivier Dupuis. Chez Metro, on me disait qu’on avait réussi à tasser 60 % du tilapia sur les tablettes. Il vise 100 % cette année.»
Ce succès rend l’entrepreneur très heureux. «Metro a pris le risque avec nous. Quand je regardais les inventaires en décembre, je pensais que le produit ne sortirait pas. En avril, on n’en avait plus!»
Nouveaux partenaires
De nouveaux accords de partenariat et de commercialisation ont été développés ces derniers mois, dont potentiellement avec Sobeys. «Si on veut être capable de répondre à la demande, c’est ce qui fait qu’on ne peut plus continuer la transformation manuellement, explique M. Dupuis. De toute façon, on ne peut pas rentabiliser cette opération si elle est faite manuellement.»
Le dirigeant des Pêcheries gaspésiennes souligne aussi la contribution d’autres partenaires essentiels, dont Poissons-Fruits de mer Gaspésie Inc. Il s’agit d’un regroupement de cinq usines dont fait partie l’entreprise et dont la mission est de promouvoir leurs produits sur le marché québécois. M. Dupuis salue aussi l’aide de GÎMXPORT et de Gaspésie gourmande. Il ajoute que le sébaste est certifié Fourchette bleue.
L’entreprise gaspésienne souhaiterait vendre ses filets de sébaste dans les hôpitaux et autres types d’établissements du Québec, dont les volumes sont intéressants. «On n’a malheureusement pas pu répondre à l’appel d’offres en raison d’un critère, soit celui d’enlever la peau, se désole le copropriétaire des Pêcheries gaspésiennes. Même dans le temps où le sébaste était gros, il se vendait avec la peau, qui est comestible. On a fait des tests avec notre machine et ça ne fonctionnait pas. On ne pouvait pas non plus enlever la peau au couteau. On a cet enjeu-là à régler avec les CISSS [Centres intégrés de santé et de services sociaux].»
Acquisition de nouveaux équipements
Grâce à l’acquisition de nouveaux équipements de pointe adaptés à la taille du poisson actuellement capturé, tous les facteurs qui ont conduit au succès des Pêcheries gaspésiennes lui permettent d’aller de l’avant avec une production commerciale de plus d’un million de livres brut. «Ça faisait déjà un an qu’on travaillait à faire adapter de nouveaux équipements capables de faire de petits sébastes, au cas où ça débloquerait, raconte le directeur général de l’usine. On a bien fait parce que ça a débloqué!»
Du 15 juin à la fin juillet, l’entreprise continuera à transformer le sébaste de façon manuelle. Le projet de mécanisation et d’automatisation se réalisera en deux phases à partir de la troisième semaine de juillet, soit au moment où les équipements débarqueront dans l’usine. «Normalement, avec les techniciens du Danemark, tout devrait être fonctionnel en deux semaines», espère Olivier Dupuis. Après un arrêt, la production devrait reprendre à la mi-août de façon automatisée.
Partenariat avec un fabricant étranger
C’est la firme danoise Carsoe qui gère le projet. «Carsoe installe des équipements surtout dans des bateaux-usines, donc dans des espaces qui sont très restreints, précise le patron de l’usine de Rivière-au-Renard. On voulait que les équipements rentrent dans les espaces qu’on a actuellement.»
Pour Olivier Dupuis, il s’agit d’un partenariat entre son entreprise et ce fabricant étranger. «L’équipe de Carsoe a travaillé fort avec l’aide de mon équipe pour adapter les équipements à notre sébaste, qui n’est vraiment pas très gros.»
Au coût de près de 3 millions $, la première phase de développement permettra, dès cet été, de doubler la production. «Ce sera une ligne de transformation automatisée qui comprendra une trieuse et une fileteuse ainsi qu’une ligne d’emballage, décrit M. Dupuis. La ligne de transformation est multi-espèce; elle nous permettra de faire du sébaste entier et nos autres espèces. Comme il n’y a actuellement pas beaucoup d’autres poissons que le sébaste, la majeure partie va être du sébaste.»
La deuxième phase, qui devrait représenter un investissement de 1,5 million $, commencera en fonction de la croissance des marchés et permettra de tripler la production pour atteindre 2,5 millions de livres brutes. Cette phase consistera aussi à optimiser l’emballage et à augmenter la capacité de congélation.
Ces équipements permettront aux Pêcheries gaspésiennes de faire plus de volume. De plus, selon son copropriétaire, c’est la seule façon de rentabiliser les opérations. «Ça va beaucoup diminuer notre coût de transformation», prévoit M. Dupuis.
L’approvisionnement en sébaste proviendra exclusivement de pêcheurs gaspésiens. «On a développé le marché avec deux pêcheurs, spécifie M. Dupuis. On va les prioriser. Mais, cette année, il s’en ajoutera peut-être un ou deux autres.»
De nouveaux marchés
Plusieurs facteurs ont contribué à l’ambition du transformateur gaspésien de développer significativement le marché du sébaste au Québec et ailleurs. Des efforts gigantesques de promotion et de missions commerciales, tels que des salons, des expositions et des dégustations, ont été consentis depuis trois ans. Selon l’homme d’affaires, ces actions portent leurs fruits de manière significative, notamment au Québec, où le marché va très bien.
«On a encore du travail à faire, nuance-t-il cependant. On est en train de développer le marché de l’Ontario, des Maritimes et de l’Ouest canadien, tout comme l’exportation vers les États-Unis, l’Europe et l’Asie.»
Un peu d’histoire
Depuis 2021, l’entreprise Les Pêcheries gaspésiennes est la copropriété d’Olivier Dupuis et de Simon Langlois. Les deux jeunes hommes d’affaires de l’endroit se sont retroussé les manches dès le départ pour relever le défi et pour assurer sa pérennité. L’usine a toujours été spécialisée dans la transformation de poisson de fond depuis sa création en 1983. La transformation de filets frais et congelés de morue ainsi que la traditionnelle morue salée séchée Gaspé Cured ont longtemps représenté les principales activités de transformation de l’entreprise jusqu’à l’imposition d’un premier moratoire sur la pêche en 1993.
L’usine de Rivière-au-Renard comptait aussi parmi les plus gros producteurs de filets de turbot au Québec maritime jusqu’à la disparition soudaine de la ressource, ces dernières années, des eaux de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent. À l’époque où le turbot était abondant, elle en transformait plus d’un million de livres par année. Au fil des ans, l’entreprise a diversifié ses opérations avec succès dans des activités de fumage de différents produits de la mer. L’entreprise possède également des viviers de dernière technologie afin de traiter d’importants volumes de homards vivants. L’usine compte actuellement sur une main-d’œuvre spécialisée d’une cinquantaine d’employés.
TRANSFORMATION – pages 6 et 7 – Volume 38,2 Mai-Juin-Juillet 2025