mardi, décembre 10, 2024
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L’UQAR pilotera une étude sociologique sur les phoques avec plusieurs partenaires

Le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada accorde 200 000 $ sur trois ans à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) pour une étude sociologique sur les phoques. La recherche est pilotée par la sociologue de l’environnement Nathalie Lewis, du département Sociétés, territoires et développement. Elle vise à dresser le portrait de l’ensemble des connaissances sur les phoques, qu’elles soient de nature scientifique, juridique, environnementale, administrative, politique ou territoriale. 

«Un des objectifs est de développer des partenariats entre chaque sphère de savoirs, pour que chacun comprenne le sujet en fonction des différentes spécialités, explique Mme Lewis. Tout le monde ensemble on a tous des impacts différents sur l’environnement et vice-versa, puisque l’environnement a aussi des impacts sur nos sociétés. Il faut comprendre ces différents impacts pour avancer vers un but commun.»

DOSSIER CHAUD  

Les Îles-de-la-Madeleine sont au cœur de cette recherche qui ratissera jusqu’en Europe, où la question des phoques soulève également des débats de société, en France et en Espagne, entre autres, souligne la chercheure.

«C’est un dossier chaud, affirme Nathalie Lewis, parce qu’il suscite des réactions souvent émotives. Par exemple, aux Îles-de-la-Madeleine dans les années 1970-1980, on avait les mouvements animalistes qui pointaient du doigt les ‘’méchants’’ chasseurs. On n’en est plus là aujourd’hui, mais il reste encore des traces.»

Une équipe de plus d’une dizaine de chercheurs québécois, ontariens, terre-neuviens et français, dont Paule Halley de l’Université Laval, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit de l’environnement, Mike Hammil de l’Institut Maurice-Lamontagne du ministère des Pêches et des Océans, et Nicolas Toutpoint du Centre d’innovation de l’aquaculture et des pêches du Québec Merinov, participent aux travaux de Mme Lewis.

Le Centre de recherche sur les milieux insulaires et maritimes (CERMIM), la Municipalité des Îles et le consortium en climatologie régionale Ouranos y sont également associés. «C’est un projet partenarial pour avoir une carte plus claire des ramifications, des enjeux qui remettent en question notre rapport avec la nature, fait valoir sa chercheure principale. Si on accepte la connaissance complète et complexe du dossier des phoques, c’est plus facile d’aller vers l’action; l’action peut-être plus efficace.»

Mme Lewis prévient toutefois que trois années de recherche seront insuffisantes pour trouver toutes les solutions aux différents ‘’nœuds’’ qui seront mis en lumière. «Trois ans, c’est court, dit-elle.  Ça va nous permettre de mettre une pierre de plus à ce dossier pour mieux comprendre toutes les nuances de gris; pour montrer qu’il n’y a pas qu’une seule vérité.»

MOUVANCE  

Selon Nathalie Lewis, il y a notamment eu changement de paradigme dans le dossier du phoque depuis 20 ans. De nos jours, les défenseurs de la chasse commerciale mettent de l’avant l’argument environnemental jusque-là utilisé par les groupes animalistes, pour faire valoir le caractère  responsable, durable et local de l’activité. Avec la présence accrue des phoques gris dans certains secteurs tel que l’île Brion, l’industrie s’est également positionnée en faveur de la biodiversité, constate la chercheure.

«Les phoques sont révélateurs de mouvement sociaux, dit-elle. Faut-il les chasser ou faut-il les protéger? Ils sont aussi révélateurs pour nous aider, peut-être, à observer les changements climatiques avec les déplacements des espèces.»

De plus, la sociologie de l’environnement note que les loups-marins, exploités essentiellement pour leur fourrure au 20e siècle, s’inscrivent désormais dans la mouvance des achats locaux et des produits du terroir. «La mise en place d’une   filière de transformation du phoque à des fins de consommation, c’est un nouveau phénomène qui loin d’être anodin cherche à s’inscrire dans cette tendance occidentale vers l’alimentation locale», relève Nathalie Lewis.

MÉTHODOLOGIE      

Les travaux de Mme Lewis ont fait l’objet d’une recherche exploratoire qui l’a menée aux Îles trois fois pour un total de quatre mois, en 2019 et 2020, avec ses consœurs Gaëlle Ronsin et Geneviève Brisson. «Nous avons eu des entretiens avec les acteurs du milieu, dont les chasseurs, les conservationnistes, les vétérinaires, les industriels, le politique, l’administratif et l’industrie touristique, pour voir ce qui est commun comme thématiques et ce qui se dégage comme connaissances.»

La chercheure de l’UQAR et son équipe consulteront aussi les analyses politiques, les documents officiels tant scientifiques que théoriques, les coupures de presse et les lois, pour faire des croisements similaires. «Nous voulons savoir, en discutant avec les partenaires et en prenant note de leurs réflexions, quelles sont les connaissances qui circulent autour de ces enjeux du phoque, raconte Nathalie Lewis. Et comment on fait, après ça, pour avancer tout le monde ensemble; les valeurs et les points de vue de chacun sont-ils conciliables ou irréconciliables?»

Bien qu’en tant que scientifique Mme Lewis doive faire abstraction de ses propres biais – qu’elle ne puisse pas prendre parti ni pour un côté ni pour l’autre – elle croit quand même la conciliation possible. «On observe des changements importants d’attitude et de valeurs de part et d’autre, fait-elle remarquer. Ça devrait permettre de trouver des voies de passage.»

Son rapport de recherche est attendu pour avril 2022.

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Hélène Fauteux
Hélène Fauteux est diplômée en communications et journalisme de l'Université Concordia. Établie aux Îles-de-la-Madeleine depuis 1986, elle a développé une solide expertise en matière de pêche et de mariculture.
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