Les chasseurs de loup-marin des Îles-de-la-Madeleine accueillent avec irritation l’annonce de la création d’un nouveau groupe de travail sur la science du phoque de l’Atlantique, faite à la mi-août par l’ex-ministre des Pêches et des Océans. Lors d’une visite à Terre-Neuve, Jonathan Wilkinson a pourtant affirmé que c’était pour répondre aux inquiétudes des pêcheurs sur les conséquences de la prédation par les phoques des populations de poissons qu’ils pêchent, qu’il formait ce comité chargé, entre autres, d’examiner l’application des progrès technologiques à la recherche sur les mammifères.
Le problème, explique Gil Thériault, directeur de l’Association des chasseurs de phoques intra-Québec (ACPIQ), c’est que l’heure n’est plus à établir les priorités de recherche scientifique mais bien aux mesures d’action. «Si on veut faire quelque chose, dit-il, on a toutes les données qu’il faut pour agir. Mais quand on ne veut rien faire, on dit : Ah! On a besoin d’autres études et d’autres données et on repousse aux calendes grecques.»
Volonté politique
M. Thériault rappelle que la problématique de la prédation des phoques gris sur les différents stocks de poissons de fond a été largement documentée par le Sénat canadien en 2012, après qu’il s’y soit penché pendant 18 mois. «C’était très sérieux. Ils ont rencontré les spécialistes, l’industrie, les gens anti-chasse, tout le monde. Ils ont émis des recommandations dans leur rapport; tout était bien étoffé et très clair. Qu’est-ce qui a été fait de ce rapport-là? Zéro pis une barre.»
«Le rapport de 2012, on n’a qu’à le peaufiner une miette, renchérit le président de l’Association des chasseurs de phoques des Îles, Jonathan Vigneau. On n’a pas besoin de nouveau groupe de travail pour ça.»
MM. Thériault et Vigneau croient d’ailleurs que l’annonce ministérielle, à deux mois du scrutin général du 21 octobre dernier, révèle davantage un opportunisme électoral qu’une réelle volonté politique à circonscrire la prédation des ressources halieutiques par les loups-marins. «Quand on regarde le dossier de la baleine noire, ça n’a pas été bien long, souligne le directeur de l’ACPIQ. On n’a pas fait de comité là-dessus; la volonté politique était là parce qu’on se faisait pousser dans le dos par les États-Unis. Et en quelques mois toutes mesures étaient en place : la limite de vitesse, les zones fermées, et cetera. Tout était réglé et l’industrie n’a été consultée que par après.»
«C’est certain que s’ils avaient agi aussi rapidement avec la problématique de surpopulation des phoques qu’avec la menace de disparition des baleines, on n’en serait pas là aujourd’hui, enchaîne le chasseur de l’Étang-du-Nord. Et on aurait probablement une chasse pratiquement à l’année, avec un marché bien établi et stable.»
Notons que le groupe de travail sur la science du phoque de l’Atlantique sera formé de 6 à 10 personnes, membres de l’industrie de la pêche et de divers groupes d’intervenants, qui restent à être nommées. Il sera coprésidé par un représentant du MPO et par le Terre-Neuvien Glenn Blackwood, vice-président de l’Université Memorial.
«Est-ce qu’ils vont nous inviter à y siéger?, questionne Gil Thériault. Est-ce qu’on serait intéressé? Peut-être, mais l’Association n’a pas un sou. Est-ce qu’ils vont faire comme souvent, c’est-à-dire ils vont nous inviter et qu’il faut payer nos dépenses? Ça, c’est comme dire «on ne vous invite pas», parce que c’est le même résultat. Donc, on verra.»
REPÈRE – page 19 – Volume 32,5 Décembre 2019 – Janvier 2020