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Pêche à la crevette : des activités de capture et de transformation au ralenti

Les premières semaines de pêche à la crevette ont été pour le moins difficiles pour les intervenants de cette industrie. En plus d’avoir à composer avec une ressource qui se fait de plus en plus rare en raison de la diminution des stocks du crustacé, ces dernières années, les crevettiers ont été confrontés à des conditions de navigation impraticables à plusieurs reprises durant la majorité d’avril et même au début mai. Le volume de leurs livraisons aux usines de transformation du Grand Gaspé a été beaucoup moindre qu’à l’habitude, ce qui a eu pour effet de diminuer grandement les activités de transformation en usine la plupart du temps.

Le directeur de l’Office des pêcheurs de crevette du Grand Gaspé (OPCGG), Patrice Element, rapporte qu’il est encore trop tôt pour prédire avec exactitude ce que sera l’ensemble de la saison. «Écoutez, la plupart des crevettiers n’ont pu prendre la mer qu’à 2 ou 3 reprises en avril. Et à chacune de leurs sorties, les conditions de navigation étaient tellement difficiles à cause des vents dominants que les crevettiers étaient obligés de se mettre à l’abri pendant deux jours. C’est donc normal que la quantité de crevettes livrées à quai a été à la baisse, même si on reconnaît que la ressource est moins abondante que par le passé et plus difficile à capturer.»

GROSSES CREVETTES PLUS DIFFICILES À CAPTURER

Le directeur de l’OPCGG souligne que la plupart des crevettiers ont fréquenté la zone Sept-Îles en début de saison et que les premiers jours de pêche avaient quand même permis un niveau des captures acceptable avant que les vents se mettent de la partie, par la suite. «À ce moment-là, les taux de capture étaient comparables à ceux de l’an dernier et peut-être un peu mieux. Cependant, comme c’est le cas depuis quelques années, la grosse crevette est plus difficile à trouver en début de saison. Elle est davantage regroupée avec des crevettes de tailles moindres. Ce ne sont plus les pêches miraculeuses d’avril d’autrefois. Maintenant, on espère que l’arrivée prochaine du beau temps permettra à nos pêcheurs de pratiquer leur pêche dans des conditions plus favorables afin d’obtenir des résultats de capture plus satisfaisants», poursuit Patrice Element.

Du côté de la transformation de la crevette, les usines de Rivière-au-Renard et de l’Anse-au-Griffon ont également subi les contrecoups du rythme irrégulier des débarquements jusqu’à présent.

«C’est certain que les mauvaises conditions météo ont fait en sorte que le travail en usine a beaucoup été affecté en avril, explique Martin Lapierre, l’un des dirigeants de l’usine La Crevette du Nord Atlantique, de l’Anse-au-Griffon. Même si certains pêcheurs ont pu ramener des quantités intéressantes de crevette lors d’une ou deux livraisons, il n’en demeure pas moins que l’activité de transformation en a souffert pendant tout le mois d’avril parce que les crevettiers n’ont pas pu être actifs autant qu’ils l’auraient souhaité. Malheureusement, personne n’a le contrôle sur la météo. Espérons que la situation redevienne un peu plus à la normale en mai, pour un rythme plus soutenu de nos activités de transformation.»

Même son de cloche du côté de l’usine Pêcheries Marinard, de Rivière-au-Renard, où son gestionnaire Benoît Reeves mentionne que la quantité de crevettes livrées à ce jour est demeurée faible. «On transforme au fur et à mesure que les débarquements ont lieu. Les arrivages ont été irréguliers en raison de la mauvaise météo. Ça demeure de petites quantités de crevette par rapport à la capacité de transformation de l’usine. Pour 2019, nous anticipons transformer 5 millions de livres de crevette provenant de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent. C’est peu comparativement aux années où notre crevette était abondante dans les eaux», fait remarquer Benoît Reeves.

APPROVISIONNEMENTS EXTÉRIEURS NÉCESSAIRES

Le dirigeant de Pêcheries Marinard mentionne que l’entreprise procèdera à l’achat et à l’importation de crevette doublement congelée en provenance du Groenland, en cours de saison, afin d’atténuer le manque de travail en usine en raison de la faiblesse des quotas de crevette nordique disponibles dans le golfe. «On a identifié des solutions pour  essayer de permettre à nos travailleurs   d’usine de se rendre éligibles à l’assurance-emploi une fois que la saison sera terminée. Nous travaillons en ce sens avec la collaboration d’Emploi-Québec et le ministère québécois des Pêcheries est également sensibilisé à la situation difficile qui prévaut pour le secteur de la transformation. Bref, notre objectif c’est de conserver nos travailleurs en 2019 avec l’aide d’approvisionnements extérieurs pour qu’ils puissent être de retour en 2020», précise Benoit Reeves.

Rappelons que pour la saison 2019, les crevettiers disposent des mêmes quotas de pêche que l’an dernier, pour un contingent global de 17 337 tonnes. Dans un avis aux pêcheurs envoyé initialement le 26 mars dernier, le ministère fédéral des Pêches annonçait une baisse moyenne de 23 % du contingent. Le ministre Jonathan Wilkinson est ensuite revenu sur sa décision le 3 avril en annulant les baisses de quotas prévues de 37,7 % dans la zone Sept-Îles, de 15 % dans les zones Anticosti et Esquiman, en plus d’annuler aussi la hausse de 153,5 % pour la zone Estuaire.

Dans le dernier avis destiné aux pêcheurs le 3 avril, le ministère des Pêches et des Océans mentionne que «La décision de maintenir les TAC aux niveaux de 2018 est le résultat de longues discussions prenant en compte les derniers avis scientifiques, les facteurs socioéconomiques et les commentaires des groupes autochtones, des pêcheurs et des intervenants. Nous nous engageons à donner accès à la ressource et à la protéger pour les générations futures. La pêche à la crevette nordique est confrontée à des conditions environnementales difficiles et nous pouvons nous attendre à ce que ces conditions continuent dans un proche avenir. Un groupe de travail a également été chargé d’examiner les défis auxquels l’industrie de la pêche à la crevette se heurte dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent. Le groupe, qui comprend des communautés autochtones et des pêcheurs, s’est réuni pour la première fois le 28 mars dernier.»

PRIX AU DÉBARQUEMENT 2018 RECONDUITS

Par ailleurs, dans une décision rendue le   2 mai, la Régie des marchés agricoles et   alimentaires du Québec (RMAAQ) a statué que les prix de la crevette, dans le cadre du Plan conjoint en vigueur pour le Grand Gaspé, seront les mêmes que l’an dernier pour la période du 1er avril au 30 juin 2019. Ainsi, les crevettiers recevront 1,68 $ la livre pour la grosse crevette, 1,35 $ pour celle de taille moyenne et 1,14 $ pour la petite crevette.

Ces prix pourraient à nouveau faire  l’objet de nouvelles négociations entre l’AQIP, qui représente les deux usines de transformation concernées et l’Office des pêcheurs de crevette du Grand Gaspé, pour la seconde partie de la saison qui débutera le 1er juillet prochain.

Le directeur de l’Office des pêcheurs mentionne qu’il aurait souhaité une décision bien différente de la part de la RMAAQ. «Nous sommes évidemment déçus par cette dernière décision. Devant la Régie, nous avons tenté de faire la preuve que les prix payés à quai au Québec étaient beaucoup moins élevés que ceux payés à Terre-Neuve, entre autres, et que le comportement actuel des marchés de la crevette nordique permettait une hausse significative des prix pour les pêcheurs en 2019. C’est pourquoi qu’en séance d’arbitrage nous demandions un prix moyen de 1,90 $ la livre pour la saison actuelle, comparativement à un prix moyen d’environ 1,39 $ en 2018. À notre avis, notre requête reflétait bien les prix du marché, même s’il y a une certaine hausse de la crevette nordique observée à l’échelle mondiale», estime Patrice Element.

À l’AQIP, son directeur général, Jean-Paul Gagné, se déclare plutôt satisfait par la décision rendue par la RMAAQ. «La Régie a accepté la plupart des arguments que nous avons défendus, dont ceux qu’il n’y a pas d’augmentations des prix de la crevette sur les marchés de référence en raison d’une certaine stabilité à ce niveau, de même qu’une hausse des quotas alloués pour la crevette du Groenland et de la Russie. Bref, lorsqu’il y a une augmentation globale de l’offre de crevette à l’échelle mondiale, les prix ont plutôt tendance à baisser. C’est une règle économique qui prévaut dans ces circonstances. Si la Régie avait rendu une décision à l’avantage de l’Office des pêcheurs, je ne suis pas certain que toutes les usines du Québec auraient pu être en opération en 2019. Elles ne peuvent pas payer les prix offerts par certaines usines à Terre-Neuve. Nos usines du Québec doivent demeurer viables dans le contexte où elles transforment des volumes beaucoup moins élevés que par le passé. La rentabilité de leurs activités demeure également un enjeu crucial», laisse entendre le dirigeant de l’AQIP.

GASPÉ-NORD – page 2 – Volume 32,2 Avril-Mai 2019

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Robert Nicolas est actif depuis près de 30 ans dans le domaine des communications et de l’information reliées plus spécifiquement au secteur des pêches et de l’aquaculture commerciales. Détenteur d’un baccalauréat en Information-communication de l’Université de Moncton, il agit à titre de collaborateur du journal Pêche Impact dès sa naissance en 1988, pour ensuite en devenir le coordonnateur/rédacteur en chef en 1992 jusqu'à aujourd'hui. Observateur privilégié de l’évolution de l’industrie durant toute cette période, Robert Nicolas devient le responsable du Bureau école-industrie de l'École des pêches et de l'aquaculture du Québec (ÉPAQ) en 2011 où il met au profit de cette institution d'enseignement ses connaissances des enjeux et des réalités propres à chacune des régions maritimes du Québec.
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