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Trop léger assouplissement des mesures de protection de la baleine noire, selon les pêcheurs

L’assouplissement des mesures de protection de la baleine noire par le ministère fédéral des Pêches et des Océans de même que par Transports Canada est considéré trop léger par les pêcheurs de crabe des neiges et de homard de la Gaspésie.

Le 7 février, Pêches et Océans Canada a notamment annoncé que la zone statique de protection des baleines noires serait réduite de 63 % par rapport à la zone de 2018. Cette nouvelle zone statique couvrira donc 2 400 kilomètres carrés, au lieu des 4 690 comme l’an passé.

«Nous nous sommes basés sur les données scientifiques pour établir cette superficie significativement plus petite», a alors indiqué, le ministre des Pêches et des Océans, Jonathan Wilkinson, expliquant que les baleines n’avaient pas fréquenté une aire aussi grande que la zone statique en 2018.

Le Ministère a toutefois maintenu la date d’imposition de cette zone statique au 28 avril, et l’établissement de zones dynamiques d’interdiction de pêche d’une durée similaire à 2018, soit 15 jours. De plus, la grandeur de ces zones dynamiques restera la même qu’en 2019, soit neuf rectangles de 60 milles marins de   surface, applicable essentiellement aux secteurs fréquentés par les crabiers.

Pour les homardiers, le principal assouplissement découle du fait qu’un retranchement graduel sera décrété si une baleine noire est observée à une relative proximité des côtes.

Ainsi, au lieu de l’imposition de neuf quadrilatères, couvrant chacun 60 milles marins d’un coup comme en 2018, Pêches et Océans Canada laissera les homardiers pêcher dans 20 brasses de profondeur ou moins, dans une première étape, puis à moins de 10 brasses si une baleine pénètre dans un secteur comptant une profondeur de 10 à 20 brasses. Vingt brasses équivalent à 120 pieds d’eau.

«En fait, le ministre Wilkinson n’a retenu qu’une mesure et demie des sept mesures que nous avions suggérées avec l’Union des pêcheurs des Maritimes, c’est-à-dire le retranchement graduel, et une partie seulement des profondeurs que nous avions demandées. Dans notre document, les profondeurs de 20, 15, 10 et cinq brasses étaient demandées en cas de retranchement graduel. C’est surtout la profondeur de cinq qu’on aurait voulu garder. C’est 30 pieds et c’est une profondeur importante en pêche côtière», précise le homardier O’Neil Cloutier, directeur du   Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie.

Il ne comprend pas que la zone d’alimentation définie en 2018 par Pêches et Océans Canada touche encore la côte gaspésienne en prévision de la saison 2019.

«C’est illogique. La gestion de Pêches et Océans Canada l’a déterminée comme ça, mais au cours des deux dernières années, seulement une des 300 baleines observées dans le golfe du Saint-Laurent a été vue en dedans d’une zone comptant moins de 50 mètres d’eau, ce qui représente 27 brasses. Surtout, ce secteur de moins de 27 brasses ne renferme pas d’alimentation pour les baleines, pas de copépodes. La baleine  qui est entrée dans ce secteur est une baladeuse, qui n’a pas le même comportement qu’une baleine en quête de nourriture», analyse O’Neil Cloutier.

Il compte militer pour faire modifier les contours de cette aire d’alimentation. «C’est un point important. Il faut éviter que ça devienne reconnu, comme une sorte de tradition. Il faut sortir de ça. Plus on attend, plus ce sera difficile», assure M. Cloutier.

DES PROPOSITIONS REJETÉES

Il déplore que Pêches et Océans Canada soit resté sourd à des propositions du Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie et de l’Union des pêcheurs des Maritimes qui auraient      simplifié considérablement la tâche des homardiers, sans représenter, assure-t-il, un danger pour les baleines noires.

«Nous avions demandé que ça prenne l’observation de trois baleines avant de fermer un secteur à la capture, et que cette fermeture ne dure que cinq jours au lieu de 15, bref qu’il y ait équité avec les Américains. Ça n’a pas marché», dit O’Neil Cloutier.

Les deux associations de pêcheurs se sont aussi butées à un non sur la question des indemnisations en cas de fermeture  exagérée, comme en 2018.

Lors de l’annonce du 7 février, le ministre Wilkinson a tenu à dire à quel point «les organismes représentant les pêcheurs avaient démontré de la coopération durant le processus de consultation» menant à l’allègement de certaines contraintes pour les pêcheurs.

Quand on demande à O’Neil Cloutier s’il a l’impression que le dialogue auquel le ministre fait référence se prolongera entre maintenant et le début de saison de capture, et pendant la saison de capture, il est perplexe.

«Je ne saurais dire. Ils n’ont pas bougé à propos de notre demande de réduire les périodes de fermeture de 15 jours à cinq jours. En Nouvelle-Écosse, ils sont allés loin. Ils ne retirent pas leurs casiers quand il y a une observation de baleine. Ils (les pêcheurs) sont autorisés à mettre plus de casiers par ligne, ce qui vient réduire le nombre de lignes. L’effet, c’est d’enlever une bouée sur deux, de réduire de 50% le mouillage. Pourquoi ça n’a pas été appliqué ici? Ils (les gestionnaires) nous ont dit qu’ils pourraient être ouverts à ces options, si on en a besoin. Je considère que c’est une perte de temps (de ne pas appliquer ces allègements avant la saison) et ça crée des tensions inutiles», analyse M. Cloutier.

Il a encore bien en tête l’imposition des quadrilatères de fermeture dynamique du 17 juin 2018, une mesure qui a couvert la côte gaspésienne entre la portion est de Port-Daniel et le centre de Percé. Près de 70 des 163 homardiers gaspésiens ont dû retirer l’essentiel de leurs casiers pour le reste de la saison. Cette fermeture a été décrétée parce que deux baleines avaient été vues le 14 juin à 18 kilomètres au large. Les deux baleines avaient pourtant déjà quitté le secteur lors d’un vol de reconnaissance effectué le 16 juin, une journée avant l’application de la fermeture.

Les pertes de prises ont été évaluées à 2,7 millions $ et aucune indemnisation n’a été octroyée aux pêcheurs. Pendant toute la saison 2018, les homardiers ont frappé un mur dans leurs efforts pour sensibiliser les représentants de Pêches et Océans Canada à montrer un peu de flexibilité dans les règles de protection de la baleine noire.

En prévision de la saison 2019, les homardiers gaspésiens et néo-brunswickois ont aussi demandé à Pêches et Océans Canada d’allonger de 48 à 72 heures le délai de retrait ou de déplacement des casiers parce que ce délai dépend «de l’ampleur de la zone de fermeture, de la concentration de casiers dans la zone fermée et des conditions météorologiques. Un délai de 72 heures permettra ainsi d’assurer une évacuation de casiers qui se fera de façon sécuritaire pour tous les membres d’équipage», mentionne leur requête acheminée aux autorités dans les derniers mois. Cet aspect est resté lettre morte.

O’Neil Cloutier veut rappeler au ministère des Pêches et des Océans que les pêcheurs peuvent constituer des alliés de taille dans les efforts de protection de la baleine noire.

«Le ministère parle d’une cohabitation avec les baleines mais on nous sort de l’eau si on en voit une à moins de dix brasses. Ce n’est pas de la cohabitation», souligne-t-il.

Il faut conséquemment éviter que les pêcheurs soient obligés de complètement abandonner la capture à l’approche de baleines et il faut accoler aux pêcheurs un rôle de premier plan dans tout protocole visant à protéger la baleine. Les suggestions des pêcheurs peuvent même augmenter leur protection, assure M. Cloutier.

ZONE STATIQUE DE FERMETURE

De son côté, Daniel Desbois, président de l’Association des crabiers gaspésiens, est également déçu par la faible ampleur des changements déterminés par Pêches et Océans Canada afin d’alléger la tâche des pêcheurs.

«La diminution de la taille de la zone statique de fermeture ne donne rien si on ne repousse pas cette fermeture à la mi-mai et si la pêche ne débute pas avant le 28 avril. Il suffira que des baleines sortent de la zone statique pour que le ministère applique des fermetures supplémentaires qui pourraient couvrir encore plus grand que la zone statique de l’an passé», déplore-t-il.

À l’instar des homardiers, il aurait souhaité que le protocole de protection soit enclenché quand l’observation d’un minimum de trois baleines soit réalisée, et non une seule. Les crabiers ont aussi demandé de réduire la période de fermeture des zones dynamiques.

«Quinze jours, c’est extrêmement long. Nous avons une pêche qui dure de six à huit semaines», souligne-t-il, rappelant que l’hiver actuel est très rigoureux et qu’il reportera vraisemblablement l’ouverture à la fin d’avril, ce qui limite les chances de capture avant l’instauration de la zone statique.

Daniel Desbois se désole aussi que la grandeur et le nombre de quadrilatères de fermeture n’aient pas été revus à la baisse en 2019.

«Ça n’a pas changé. On a demandé de couper les quadrilatères, et on va le demander encore d’ici le début de la saison. On a un peu plus d’écoute que l’an passé, mais il n’y a pas assez d’action», conclut-il.

RÉACTIONS AUX ÎLES-DE-LA-MADELEINE

Pour leur part, les crabiers traditionnels des Îles-de-la-Madeleine sont déçus des annonces du ministre Wilkinson, concernant la gestion de leur pêcherie du sud du golfe, en lien avec la protection des baleines noires menacées de disparition.

Le capitaine du JEAN-MATHIEU, Denis Éloquin, se désole notamment du refus du ministre des Pêches et des Océans de trancher la question de la date d’ouverture à date fixe, dès le premier avril. Tant les Madelinots, que les Gaspésiens et les Autochtones, réclament ce changement, alors que les Néo-Brunswickois, qui comptent pour les deux tiers de la flottille, s’y opposent.

Jonathan Wilkinson demande plutôt à ses fonctionnaires de favoriser les discussions entre les parties pour trouver une solution de rapprochement. «C’est sûr qu’on ne sera jamais d’accord, explique M. Éloquin; ça fait des années qu’on tourne en rond dans ce dossier. Nous, on commencerait aussitôt que le golfe est libre de glace et puis eux… Finalement, on a  espoir que les nouveaux brise-glaces seront plus efficaces que les anciens, peut-être. Ce sont les secteurs de Shippagan et Lamèque qui semblent problématiques avec les glaces. Il y a peut-être un espoir là-dessus, que les brise-glaces vont pouvoir faire un meilleur travail.»

Le directeur de Fruits de Mer Madeleine, qui est le porte-parole de l’industrie du crabe des neiges des Îles-de-la-Madeleine au sein du conseil d’administration de l’AQIP, plaide également en faveur de l’ouverture de la saison du crabe des neiges à date fixe, le premier avril, peu importe que tous les ports soient déglacés ou non. «Ce n’est pas une pêche compétitive, souligne Pierre Déraspe. C’est une pêche avec des quotas individuels. Donc, je pense qu’il n’y a pas lieu de faire attendre après un port ou un autre port; une zone ou une autre zone. Les dates devraient être déterminées par le Ministère qui, ensuite, pourront permettre de démarrer individuellement quand les gens sont prêts à aller pêcher.»

ZONE STATIQUE     

De plus, le capitaine du JEAN-MATHIEU déplore la reconduction, au 28 avril, de la date de fermeture de la zone statique, au large de la Gaspésie et du Nouveau-Brunswick, où sont observées 9 baleines sur 10 dans le golfe. C’est trop tôt, affirme Denis Éloquin. «On se serait attendu à ce que la zone ferme un peu plus tard, vu que les baleines n’ont pas encore entré dans le golfe en avril. Le 28 avril, bien, c’est quand même tôt, insiste-t-il. Surtout que l’année passée, la saison a ouvert le 25 ou le 26; le quadrilatère a fermé quand il n’y avait pas deux jours, trois jours de pêche de commencés. C’est comme très tôt!»

Les Madelinots souhaitaient aussi que le ministre Wilkinson calque les mesures en place aux États-Unis, pour ne fermer la zone statique à la pêcherie que lorsque qu’un minimum de trois baleines est dans le secteur. Or, cette requête n’est plus pertinente réplique le ministre. «Aux États-Unis, ils ne font plus ça, dit-il. Ils ont plein de zones statiques qui sont fermées un peu partout. Et au Canada, ce n’est que dans le secteur de Grand Manan, où les pêcheurs de homard ont un projet pilote, que cette mesure est appliquée», affirme Jonathan Wilkinson.

Cela dit, M. Éloquin convient néanmoins que la réduction de 63% de la superficie de la zone statique, où se trouvent les fonds de pêche traditionnels de ses confrères néo-brunswickois et gaspésiens, est une bonne chose. Ça devrait réduire la pression accrue, exercée l’an dernier, sur le stock de crabe des neiges autour des Îles-de-la-Madeleine.

Douze baleines noires sont mortes en eaux canadiennes en 2017 et aucune en 2018. L’empêtrement dans des engins de pêche et les collisions avec les navires constituent les causes principales présumées de mortalité. Ces causes n’ont été prouvées que pour une minorité des 12 baleines mortes il y a deux ans, plusieurs carcasses se trouvant dans un état de décomposition trop avancé pour que les nécropsies soient révélatrices. Il ne resterait que 411 baleines noires dans le monde.

Depuis août 2017, des larges étendues du golfe du Saint-Laurent ont été frappées de limites de vitesse de 10 nœuds pour les navires de plus de 20 mètres. En 2018, ces limites ont été instaurées du 28 avril au 15 novembre et ces dates restent inchangées en 2019. Toutefois, Transports Canada a instauré cette année un troisième corridor de navigation exempté des limites de vitesse tant que des observations de baleines noires n’y sont pas effectuées.

 (Avec la collaboration d’Hélène Fauteux, Cap-aux-Meules)

CONSERVATION ET PROTECTION – pages 8 et 9 – Volume 32,1 Février-Mars 2019

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Gilles Gagné
Gilles Gagné, né à Matane, le 26 mars 1960. J'ai fait mes études universitaires à Ottawa où j'ai obtenu un baccalauréat avec spécialisation en économie et concentration en politique. À l'occasion d'une offre d'emploi d'été en 1983, j'ai travaillé pour Pêches et Océans Canada comme observateur sur deux bateaux basés à Newport, deux morutiers de 65 pieds. Le programme visait l'amélioration des conditions d'entreposage des produits marins dans les cales des bateaux et de leur traitement à l'usine. Cet emploi m'a ouvert des horizons qui me servent encore tous les jours aujourd'hui. En 1989, après avoir travaillé en tourisme et dans l'édition maritime à Québec, je suis revenu vivre en région côtière et rurale, d'abord comme journaliste à l'Acadie nouvelle à Campbellton. C'est à cet endroit que j'ai rédigé mes premiers textes pour Pêche Impact, à l'été 1992. Je connaissais déjà ce journal que je lisais depuis sa fondation. En octobre 1993, j'ai déménagé à Carleton, pour travailler à temps presque complet comme pigiste pour le Soleil. J'ai, du même coup, intensifié mes participations à Pêche Impact. Je travaille également en anglais, depuis près de 15 ans, pour l'hebdomadaire anglophone The Gaspé SPEC et je rédige l'éditorial du journal Graffici depuis 2007.
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