mercredi, novembre 13, 2024
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Un retour plus abondant du crabe des neiges pour certains stocks de l’estuaire et du nord du golfe du Saint-Laurent

Après avoir connu une baisse au cours des dernières années, certains stocks de crabe des neiges sont actuellement dans une période de croissance dans l’estuaire et le nord du golfe du Saint-Laurent. Les relevés scientifiques de Pêches et Océans Canada laissent présager un nouveau cycle d’abondance de l’espèce. Les chercheurs du ministère appellent cependant à la prudence.

Le cycle d’abondance du crabe des neiges est de sept à huit ans, précise la biologiste à l’évaluation des stocks du crabe des neiges de l’estuaire et du nord du golfe à l’Institut Maurice-Lamontagne de Mont-Joli. «On a de grosses vagues de crabes commerciaux, confirme Sarah Loboda. On était dans un creux et ça se  reflétait dans les débarquements. Là, on voit une belle reprise. On s’y attendait, mais on a été content de la voir dans les données des différents relevés.»

REPRISE DIFFÉRENTE SELON LES ZONES

La reprise se dessine cependant différemment selon les zones de pêche. Le relevé post-saison de la zone 17 présente «de grosses abondances de crabe, autant du côté nord que du côté sud de l’estuaire», précise la scientifique. On a aussi vu une augmentation de femelles. Cette augmentation précède souvent de deux ou trois ans celle des mâles. Ça regarde bien pour les prochaines années.»

Dans la zone 16, le cycle est un peu plus avancé. «On voit une diminution de femelles et on a déjà commencé à avoir une augmentation des recrues, soit les jeunes crabes mâles, qui viennent de faire leur mue terminale, fait observer Mme Loboda. On a un ou deux ans d’avance par rapport à la zone 17.»

Le relevé post-saison de la zone 15 révèle des valeurs d’abondance d’adultes de taille légale au-dessus de la moyenne historique, de l’avis de la chercheuse. «On a eu de belles surprises. C’est venu embellir le portrait pour la pêche commerciale, qui avait eu une baisse de rendement.»

Les scientifiques dressent sensiblement le même tableau dans la zone 14. «Sur le plan de la pêche commerciale, ça fait deux ans que ça augmente, constate Sarah Loboda. Donc, on se rapproche de la zone historique. Comme pour la 15, il y a une augmentation du nombre d’adultes de taille légale.» Selon elle, le seul bémol repose sur la diminution des adolescents de taille légale.

Comme l’eau est plus froide dans la zone 13, on y trouve davantage de petits crabes, selon la spécialiste. Cependant, à l’instar des zones 14 et 15, l’évaluation post-saison démontre une forte augmentation. «C’est 80 % en termes d’abondance pour les adultes de taille légale.» L’an dernier, Pêches et Océans a procédé à un relevé scientifique au chalut dans les zones 13 et 14 pour capturer de plus petits crabes. «On a vu de très fortes densités de femelles matures qu’on n’avait jamais vues.»

Des signes positifs sont ressortis pour la première fois depuis longtemps dans la zone 12A. «On était tous très heureux et soulagé de voir les données, se réjouit Mme Loboda. Certains de nos indicateurs étaient en baisse depuis 2011. Donc, c’est la première remontée. Mais, on est encore à des valeurs très faibles en termes de rendement. Donc, on souhaite y aller avec prudence parce qu’on aimerait voir une plus grande abondance de cette zone qui est particulièrement petite. On va voir si ça se maintient dans le futur.»

Cette année, la zone 12B n’a pas été évaluée parce qu’elle est sous moratoire depuis l’an dernier. «L’état était considéré critique, explique la biologiste. Les données n’étaient pas suffisantes pour évaluer l’état du stock. Il va y avoir un plan de rétablissement au courant des deux prochaines années.»

La zone 12C présente une petite augmentation des rendements. «Mais, on est quand même dans les valeurs les plus faibles qu’on a vues des 20 dernières années, nuance la scientifique. L’augmentation a été associée à beaucoup d’incertitude parce qu’au cours des dernières années, le protocole du relevé post-saison, soit celui au casier indépendant qui se fait après la saison de pêche, a changé à cause de certains facteurs économiques. Donc, c’est difficile d’interpréter cette hausse. Ça va mieux, mais encore là, on préfère y aller avec prudence.»

NUAGE GRIS

Si cette reprise dans les différentes zones constitue une bonne nouvelle, il plane cependant un nuage gris: le réchauffement de l’eau. «Est-ce que ça pourrait avoir un impact à moyen ou à long terme sur l’abondance du crabe?», s’interroge la biologiste. «Ça reste inconnu.»

Les chercheurs savent que l’eau se réchauffe et que, pendant l’été, la couche intermédiaire où le crabe peut se trouver à des températures préférentielles, c’est-à-dire entre -1 et 3 degrés Celsius, diminue. «C’est donc une érosion de l’habitat qui se fait par le fond, illustre Mme Loboda. Mais, quel est l’impact sur les rendements, la mortalité, la population, la reproduction? Ce sont tous des champs à explorer. On s’inquiète plus pour l’estuaire et la zone 16.»

Les scientifiques ignorent si la ressource se déplace vers des lieux où l’eau est plus froide. «Ça fait partie des hypothèses, souligne toutefois la biologiste. Il ne faut pas s’attendre à avoir des réponses à court terme parce que le crabe est une espèce longévive. Ça va être beaucoup de recherche pour mieux comprendre.»

PRÉOCCUPATIONS

Des préoccupations se dégagent de l’analyse globale de l’état de santé des stocks de crabe de l’estuaire et du nord du golfe. «Dans certaines zones, la biomasse résiduelle du dernier cycle est très faible, précise Sarah Loboda. La préoccupation pour nous, c’est que pendant la reprise du cycle, on n’aille pas chercher tous les crabes qui deviennent disponibles pour la pêche. Il faut y aller d’une manière précautionneuse et ne pas augmenter trop rapidement les quotas. Il faut laisser les populations de crabes vieillir pour avoir une diversité dans le fond de l’eau, ce qui va permettre des rendements intéressants à moyen terme et une reproduction pour assurer le prochain cycle.»

La productivité est associée au succès reproducteur. «On comprend la dynamique des populations, spécifie la scientifique. Pour la productivité de la partie commerciale, il y a des facteurs environnementaux sur le plan de la température, comme dans la zone 13, où on voit que les crabes sont plus petits. Il y a aussi des facteurs qui dépendent de la dynamique intraspécifique, où les compétitions entre les mâles vont influencer la taille que certains individus vont atteindre durant la mue terminale.»

BIOLOGIE – page 13 – Février-Mars 2023

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