vendredi, mars 29, 2024
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Une nouvelle étude confirme plus que jamais de la nécessité d’un développement d’une culture de sécurité au Québec maritime

Bien que les accidents et incident graves et mineurs impliquant des navires de pêche étaient en décroissance au Québec au cours de la période 2005 à 2015, avec un total de 748, la profession de pêcheur est toujours la plus meurtrière au pays. C’est ce qui ressort d’une nouvelle étude intitulée Cap sur la prévention : vers une culture de sécurité de l’industrie de la capture des pêches commerciales, qui fait également état d’un nombre stable de 28 catastrophes ayant entraîné sept décès au cours de cette même décennie au Québec. En fait, selon cette recherche initiée par le Comité permanent sur la sécurité des bateaux de pêche du Québec (CPSBPQ), qui cite une enquête du Globe and Mail menée en 2017, les aides-pêcheurs courent 14 fois plus de risques de mourir en pêchant que les agents de police en fonction.

L’étude, à laquelle ont participé une centaine de capitaines et une cinquantaine de membres d’équipage du Québec maritime, révèle aussi que le nombre d’incidents sans conséquences graves étaient eux-mêmes en hausse à bord des navires de pêche, au cours de la période de référence. «Chacun de ces incidents est un accident potentiel, voire même une catastrophe en puissance, advenant une combinaison de facteurs problématiques», relève Robert Fecteau, gestionnaire et conseiller spécial en matière de sécurité des pêches chez Transports Canada qui siège au CPSBPQ.

STATISTIQUES DES ÉVÉNEMENTS ACCIDENTELS

Étonnamment, la majorité des événements accidentels rapportés au Bureau de la sécurité des Transports (BST) ou à la Garde côtière canadienne (GCC), soit dans une proportion de 60 %, surviennent lorsque les conditions météorologiques sont favorables, que les vents sont de moins de 10 nœuds et que la mer est calme. «Il serait possible de croire que lorsque les conditions météorologiques sont optimales, l’absence de menace visible pousse les membres des équipages à abaisser leur garde, peut-on lire dans le rapport du CPSBPQ publié au mois d’août. Par contre, il est important de mentionner que lorsque les conditions de navigation sont favorables, il y a une plus forte concentration de bâtiments dans certaines zones de pêche, ce qui augmente les probabilités d’incidents ou d’accidents.»

Cela dit, Robert Fecteau fait remarquer que plus de la moitié des incidents accidentels en mer surviennent sur des navires d’une jauge brute de 15 et moins, âgés de 21 ans et plus, et pour lesquels l’inspection de Transports Canada n’est pas obligatoire. «Pour l’ensemble des flottilles, le portrait est essentiellement le même, dit-il. La majorité des incidents à l’origine des interventions de la Garde côtière sont dus à des bris mécaniques de moteur ou de transmission, des pannes de gouvernail et des bris hydrauliques sans conséquences. Aux Îles-de-la-Madeleine en particulier, de 2005 à 2015, on a enregistré 220 navires de pêche désemparés, principalement en début de saison. Cela suggère un manque d’entretien préventif avant chaque saison de pêche.»

L’analyse des statistiques des événements accidentels survenus au cours de la décennie a été réalisée sous la direction de Jean Cadieux, chercheur spécialisé en Mathématiques statistiques et professeur titulaire de la faculté d’administration de l’Université de Sherbrooke. Elle fait également ressortir que la flottille des homardiers des Îles-de-la-Madeleine se démarque du fait que son taux très élevé d’incidents, soit de 29 %, est supérieur à son importance relative de 27 % dans la flotte du Québec. «Dans ce cas, la proximité physique du Centre de recherche et sauvetage de la GCC de Cap-aux-Meules peut expliquer la forte représentation de cette flottille dans le nombre d’événements accidentels», indique le CPSBPQ.

La flottille des pétoncliers et autres mollusques, formée à majorité de pêcheurs de la Côte-Nord, se classe au deuxième rang, sur le plan de la proportionnalité accidents/flotte, avec un taux d’événements accidentels de 5 % pour 29 navires comptant pour seulement 2 % de la flotte québécoise. «Nous savons que cette pêche utilise un type d’équipement lourd et encombrant à manipuler, ce qui constitue d’emblée un facteur de risque, peut-on lire dans l’étude Cap sur la prévention. Par exemple, à de nombreuses reprises au cours d’une journée de pêche, la drague est hissée à bord, puis larguée à la mer. Lors de chaque manœuvre de levage ou de largage, un contact avec la coque peut se produire et, à terme, potentiellement affecter l’intégrité du navire.»

CULTURE DE SÉCURITÉ

Il apparaît aussi que les pêcheurs de pétoncles et autres mollusques font piètre figure au chapitre de l’analyse de la culture de sécurité dans l’industrie de la capture des pêches maritimes commerciales du Québec. Ils forment la seule flottille qui affiche une «culture de sécurité faible, voire pathologique». Cette analyse du niveau de maturité de la culture de sécurité pour chaque flottille a été produite sous la direction de Michel Pérusse, chercheur en santé et sécurité au travail, également professeur à la faculté d’administration de l’Université de Sherbrooke. «Un niveau de maturité dit pathologique, signifie que les pêcheurs n’ont aucune approche face à la gestion de sécurité, explique M. Fecteau. Ils considèrent la conformité aux concepts de sécurité comme une dépense; ils cherchent à en minimiser les coûts.» Le rapport note toutefois que cette affirmation doit être interprétée avec prudence, «car le nombre de navires faisant partie de l’échantillon est plus faible pour cette flottille».

En comparaison, l’ensemble des homardiers du Québec, comptant pour 71 % de la flotte de pêche du Québec, se trouve au 2e stade de maturité dit «réactif», c’est-à-dire qu’ils comprennent que la sécurité est la conformité, mais leur stratégie de gestion consiste à éviter les sanctions plutôt qu’à changer les pratiques et les comportements, tels que le font les pêcheurs du stade de maturité de type «acheteur». Les crabiers de la Côte-Nord, la flottille des poissons de fond et celle des multi-pêches sont de cette troisième catégorie, «qui affichent une culture de sécurité moyenne, mais pour laquelle on observe une tendance à l’amélioration.»

Pour leur part, les crevettiers sont considérés comme étant «les premiers de classe» en matière de culture de sécurité et ce, même s’ils sont au 1er rang du nombre des lésions professionnelles et des coûts totaux des accidents. Les crabiers des zones 12 et 17 démontrent quant à eux une «forte culture de sécurité». «Ces dernières flottilles sont de maturité optimale dite proactive, fait valoir Robert Fecteau. Leurs capitaines et membres d’équipage comprennent que la sécurité est intégrée aux pratiques et font preuve de pratiques exemplaires avec un système de gestion de sécurité actif et efficace.»

Par ailleurs, l’analyse des coûts et des caractéristiques des lésions professionnelles qu’ont subi les pêcheurs du Québec entre 2005 et 2015 a été dirigée par Martin Lebeau, professionnel scientifique à l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et sécurité au travail (IRSST). Parmi ses faits saillants, il appert que les deux tiers de l’ensemble des coûts des accidents, dont la moyenne s’élève à 5,8 millions $ par année, sont des coûts humains. Les accidents les plus coûteux sont, au premier rang, le fait d’être coincé ou écrasé. Les sièges de lésion les plus coûteux sont la main, le système corporel, comme dans le cas d’une noyade ou d’un choc nerveux, et l’épaule, principalement dû à des mouvements répétitifs. Le coût moyen d’une lésion s’élève à 189 400 $ dans le secteur des pêches, contre 52 000 $ dans toutes les industries confondues. On constate aussi que 44 % des lésions professionnelles touchent le groupe des 25 à 44 ans, tandis que plus de 68 % des accidents touchent les pêcheurs de 45 ans et plus. Chaque décès lié aux activités de pêche coûte en moyenne 3,2 millions $ à la société québécoise.

RECOMMANDATIONS

Pour faire progresser la culture de sécurité à bord des navires de pêche, les auteurs du rapport Cap sur la prévention formulent 11 recommandations (voir encadré). La première invite Transports Canada à revoir son approche de surveillance et d’inspection en fonction de la jauge brute, de sorte à l’arrimer aux réalités spécifiques des flottilles. «Le problème c’est que les navires de jauge brute de 15 et moins sont les plus susceptibles de subir une avarie en mer et à se retrouver impliqués dans un événement accidentel, mais ils ne font actuellement l’objet d’aucun programme d’inspection par l’État, qui mise plutôt sur la conformité volontaire, souligne Robert Fecteau. Or, comme leurs équipages sont ceux qui ont la plus faible culture de sécurité, ils ont davantage besoin d’encadrement.»

Inversement, pour les flottilles d’une jauge brute de plus de 15 qui ont une plus forte culture de sécurité, le CPSBPQ croit qu’une «approche d’autorégulation peut être adoptée.» En ce qui qui concerne spécifiquement la flotte des homardiers des Îles-de-la-Madeleine, il recommande la mise sur pied d’un programme d’entretien préventif en collaboration avec la GCC et la mise à leur disposition de mécaniciens encadrés par l’État, afin de «réduire le taux d’incidents engendrés par des bris mécaniques.» En ce qui concerne la Côte-Nord et la Basse-Côte-Nord, Cap sur la prévention recommande que les agents de l’État y augmentent la fréquence de leurs visites pour «encadrer les pêcheurs professionnels dans leur mise à niveau sur le plan de la conformité».

Développement de formation en leadership pour outiller les capitaines «à exercer une autorité constructive» en matière de santé et sécurité, augmentation des activités de familiarisation avec les exercices sur les mesures d’urgence et développement d’activités de sensibilisation sur l’utilisation des équipements de protection individuelle, sont autant d’autres recommandations du CPSBPQ. De plus, l’organisme encourage le financement de nouvelles initiatives scientifiques pour, entre autres, la conception d’un garde autour de l’hélice et du gouvernail puisque «les accidents mineurs et majeurs trouvent souvent leurs causes dans des filets ou des câbles pris dans les hélices».

Enfin, le Comité permanent sur la sécurité des bateaux de pêche du Québec souhaite que la recherche Cap sur la prévention soit rapidement reproduite à l’échelle nationale pour qu’elle puisse être utilisée «comme base comparative afin d’analyser la situation dans une perspective pancanadienne» et pour «éclairer la prise de décision publique afin de faire progresser la santé et la sécurité des pêcheurs du Québec.»

CAP SUR LA PRÉVENTION – les 11 recommandations du projet de recherche

Recommandation 1 :

Que Transports Canada revoit son approche actuelle de surveillance et d’inspection en fonction de la jauge brute du bâtiment.

Recommandation 2 :

Que les activités présentielles sur la Côte-Nord et, principalement sur la Basse-Côte-Nord, soient intensifiées.

Recommandation 3 :

Qu’une analyse de la culture de sécurité de la flottille des pétoncliers soit reproduite avec un échantillon d’au moins 10 triades.

Recommandation 4 :

Que des formations relatives à la SST soient développées.

Recommandation 4.1 :

Qu’une formation de leadership en SST pour les capitaines soit développée.

Recommandation 4.2 :

Qu’une formation de sensibilisation en SST pour les membres d’équipage soit développée.

Recommandation 5 :

Qu’un programme d’entretien préventif soit développé, en collaboration avec la GCC et TC, pour les homardiers des Îles-de-la-Madeleine.

Recommandation 6 :

Qu’une analyse plus approfondie des causes des lésions professionnelles soit réalisée relativement à la flottille des crevettiers.

Recommandation 7 :

Que des analyses plus fines soient effectuées pour la flottille des multi-pêches pour décortiquer les tendances en fonction de l’espèce visée, de la région d’origine des pêcheurs, du type de lésions professionnelles les plus fréquentes et de la période à laquelle les événements accidentels sont survenus.

Recommandation 8 :

Que des activités de sensibilisation et de formation soient développées, en partenariat avec la CNESST, pour favoriser et promouvoir l’utilisation des ÉPI et leur entretien.

Recommandation 9 :

Que les activités de sensibilisation et de formation soient augmentées,  relativement à la familiarisation et aux exercices sur les mesures d’urgence.

Recommandation 10 :

Que les intervenants du milieu soutiennent, encouragent et favorisent les initiatives de recherche scientifique dans le milieu des pêches maritimes commerciales et créent des occasions de collaboration à titre d’experts-conseil pour la communauté scientifique, tous secteurs et disciplines confondus.

Recommandation 10.1 :

Que des analyses de cas soient réalisées pour les catastrophes.

Recommandation 10.2 :

Que l’analyse des causes des événements accidentels chez les communautés autochtones soit approfondie, en travaillant en partenariat avec elles.

Recommandation 10.3 :

Que la recherche pour trouver un mécanisme efficace contre la prise des câbleset/ou filets dans les hélices et/ou appendices d’un bateau de pêche soit encouragée.

Recommandation 11 :

Que les processus de collecte et d’échange d’informations relatives aux bateaux de pêche entre les différents ministères soient améliorés et harmonisés, ce qui permettrait une prise de décision basée sur des données fiables et disponibles en temps réel.

SÉCURITÉ À BORD DES BATEAUX DE PÊCHE – pages 16-17 – Volume 33,5 Décembre 2020-Janvier 2021

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Hélène Fauteux
Hélène Fauteux est diplômée en communications et journalisme de l'Université Concordia. Établie aux Îles-de-la-Madeleine depuis 1986, elle a développé une solide expertise en matière de pêche et de mariculture.
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