La rencontre annuelle du Comité permanent sur la sécurité des bateaux de pêche du Québec (CPSBPQ) a rassemblé près de 300 participants du 4 au 6 février, à Rimouski.
Il y a 15 ans à peine, une trentaine de personnes participaient à la première édition de l’événement. Or, depuis, la culture de sécurité s’est installée progressivement à bord des embarcations pour devenir incontournable, si bien que plusieurs capitaines invitent bien souvent tout leur équipage à l’événement organisé par le comité multisectoriel qui présente à la fois une occasion de formation et de sensibilisation.
La sécurité fait de plus en plus partie intégrante des pratiques de pêche au Québec. L’événement de trois jours a permis au CPSBPQ de tenir son assemblée générale annuelle, mais également d’offrir aux pêcheurs des conférences et chantiers de formation pour leur permettre de se mettre à jour sur leurs pratiques. Dix chantiers de formation différents traitant de sujets variés, du journal de bord électronique aux équipements de protection individuelle en passant par les finances et l’entretien des habits d’immersion.
Une conférence du chercheur Jean Cadieux de l’Université de Sherbrooke a permis de dresser un portrait des incidents et pratiques en matière de sécurité. Le vice-président du CPSBPQ et représentant de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), Michel Castonguay, rapporte que des travaux de recherche sont en cours pour dresser le portrait statistique sur les accidents et incidents dans les pêches commerciales. Les chiffres préliminaires ont été présentés, mais les conclusions ne sont pas encore formulées, le projet de recherche étant toujours en cours.
Le cout des accidents
Martin Lebeau, chercheur à l’IRSST a exposé les couts directs et indirects des accidents de travail. « Il y a bien entendu les couts directs que la CNESST va imputer à l’employeur, mais pour chaque dollar que la CNESST va verser, c’est entre 3 $ et 5 $ que l’employeur va verser en couts indirects », rapporte Michel Castonguay. « Il y a les assurances qui vont augmenter, les réparations matérielles, le remplacement de main-d’œuvre, la perte de productivité, des études partout dans le monde confirment ces données », dit-il.
M. Castonguay poursuit avec un exemple imagé: « Prenons un simple incident au large: un pêcheur se pique avec le dard d’une crevette et sa main épaissit. Si on est à 20 heures de navigation du port d’attache et qu’il faut rentrer pour un problème qu’on aurait pu éviter, ça va couter cher. S’il faut aller reconduire un travailleur, on compte le voyage aller-retour qui coute les yeux de la tête en diésel, le traitement du travailleur, le temps perdu, la perte de productivité est énorme. Mais si le travailleur avait porté sa paire de gants, rien de tout ceci n’aurait été nécessaire. »
Importance des ports de refuge
Un dossier qui chemine depuis l’an dernier a été entendu par les deux paliers de gouvernement, souligne avec enthousiasme le président du CPSBPQ et crabier, Marc Doucet. La fermeture d’un port sur la Basse-Côte-Nord a créé un enjeu majeur de sécurité pour les pêcheurs du secteur. Baie-Johan-Beetz, à 925 km en aval de Québec, n’est plus en fonction. « Transports Canada avait enlevé les taquets d’amarrage parce que le quai a été jugé non sécuritaire et ne souhaitait pas investir pour le rendre à nouveau sécuritaire. Mais sans ce quai, il n’y a pas d’abri pour ceux qui pêchent plus au nord. En cas de mauvais temps, ça force les pêcheurs à faire 6 à 12 heures de navigation pour pouvoir s’amarrer. Nous on trouvait ça illogique », rappelle Marc Doucet.
Des membres du CPSBPQ ont entamé des démarches. « Ça a fait avancer le dossier. Suite à l’intervention, on a eu une bonne écoute à Québec et chez Transports Canada pour voir à la réouverture du quai. Ils ont compris qu’il y avait un enjeu majeur de sécurité. Maintenant, la question des ports de refuge va être étudiée partout où il y a des activités de pêche. Parce que si on ferme certains ports pour sauver de l’argent, c’est la vie des gens qui va être en jeu », souligne-t-il. Celui-ci ajoute que le concept des ports de refuge existe en Europe, mais que ce n’est pas encore le cas au Québec.
Déglaçage de ports
Michel Castonguay indique que la rencontre a servi à éduquer les pêcheurs sur les interventions à tenir en cas de besoin de déglaçage de ports: « On fait une pêche hâtive pour le crabe des neiges. Dans certains secteurs de la Basse-Côte-Nord, notamment, où il passe beaucoup de glace, certains ports se trouvaient remplis, ou il se formait des embâcles. Ça créait des enjeux de sécurité ou empêchait certains de pouvoir aller à la pêche. On a donc appris comment formuler des demandes de déglaçage, à qui s’adresser, pour qu’ensuite, quand la Garde côtière canadienne passe par là, ce soit possible de libérer des ports stratégiques pour la mise à l’eau et permettre d’avoir des lieux de refuge. »
Gestion de la fatigue
Un sujet à l’ordre du jour concernant les équipages était la gestion de la fatigue. La pêche se pratique souvent de manière intensive pour l’équipage. « On s’entend que la fatigue fait partie de la pêche. Si on veut être rentable avec les limites de temps qu’on a, la température qui nous empêche de pêcher, on essaie de faire un roulement d’équipage pour permettre à des employés de se reposer », dit Marc Doucet. Michel Castonguay renchérit: « C’est un problème qui peut survenir surtout en début de saison. La ressource est là et on veut la sortir le plus vite possible. Mais la fatigue est en cause dans plusieurs cas d’accidents. C’est un enjeu de sécurité important. On automatise un peu plus les opérations sur les bateaux, ça prend moins de monde, mais par conséquent le tour de veille de chacun revient plus souvent. » La sensibilisation sur le sujet a donc été faite auprès des participants en leur proposant des pistes de solution et de prévention.
Culture de prévention
Elle est sur toutes les lèvres depuis quelques années, la culture de prévention fait désormais partie des opérations sur les bateaux de pêche. Le taux de participation à l’événement en témoigne, mais également les façons de faire des équipes. « Anciennement, les employés arrivaient pour travailler en mer avec leur boîte à lunch, et ne savaient même pas où était l’équipement de sécurité dans le bateau. Aujourd’hui, c’est impensable qu’il n’y ait pas un moment pour informer l’équipe sur les mesures de sécurité et les équipements », souligne M. Castonguay, en précisant que les travailleurs de la mer sont de plus en plus formés sur le sujet.
Efforts récompensés
Le prix annuel du CPSBPQ a été remis à Darrell Ransom, de Harrington Harbour en Basse-Côte-Nord et capitaine du Andrea Dale, pour ses pratiques exemplaires en matière de familiarisation de ses employés aux pratiques de sécurité à bord. Celui-ci s’assure que chaque membre de l’équipage ait reçu les consignes de sécurité ainsi qu’une liste de vérification. Il voit à ce que ses attentes et le rôle de chacun soient bien compris avant le départ et exige la signature d’un registre. Son exemple à suivre en matière de culture de sécurité a été souligné par la remise du prix.
SÉCURITÉ À BORD DES NAVIRES – page 25 – Volume 33,1 Février-Mars 2020